Les tables d’animation et multiplanes m’ont toujours fait rêver. J’en ai construit plusieurs dans ma vie, des grosses et des petites.
La possibilité de donner vie à tout un monde imaginaire dans un petit espace intérieur m’émerveille depuis tout petit.
Il n’y avait pas de télévision chez nous. Mais quand j’allais chez des amis qui en avaient une, j’étais littéralement fasciné par le miracle de la vie qui s’animait dans cette petite boîte! Et en particulier lorsque c’était des petits personnages dessinés qui se mettaient à bouger et à parler.
Je me souviens d’avoir très jeune pris une boîte de carton, avoir découpé une ouverture sur un des côtés en arrière de laquelle j’ai fixé un morceau de papier calque en guise d’écran. Cette “télévision” artisanale ne fonctionnait évidemment pas mais j’étais très satisfait de cette création que je contemplais longuement.
Je suppose que j’ai dû parler de cette fascination que j’avais pour l’animation puisque plus tard mes parents m’ont offert un livre d’un monsieur qui racontait comment il avait réussi à se monter une petite table d’animation en amateur.
Je passais des heures et des heures à regarder les images de ce livre. On y voyait ce monsieur très sérieux (on aurait dit un technicien de laboratoire), les cheveux soigneusement peignés par en arrière et portant des gants blancs, se pencher sur l’univers qu’il était en train de soigneusement créer.
Il montrait comment il avait créé une multiplane à trois étages. Le premier étage, celui du fond, servait à faire défiler les décors. Le deuxième était consacré aux personnages et le troisième, celui du haut, était dédié aux éléments en avant-plan. Le tout permettant d’animer et aussi d’éclairer les divers plans indépendamment l’un de l’autre. Tout en haut de la multiplane trônait la caméra. J’étais subjugué.
Je me suis rendu compte beaucoup plus tard que ce n’était pas tant de créer des films d’animation qui m’intéressait mais plutôt d’affirmer cette possibilité que tout un monde puisse surgir d’un espace intérieur, qu’il s’agisse d’une table d’animation, d’un castelet de marionnettes ou même d’une simple crêche.
Étant avant tout du type rêveur, je reconnais que je suis plutôt mal équipé pour appréhender le monde extérieur et m’y tailler une place. Cette possibilité de se pencher sur un univers créé dans un tout petit espace me réconfortait, et me gardait dans l’émerveillement de la petite enfance!
Donc, en plus des castelets de marionnette, théâtre d’ombres et autres, j’ai construit plusieurs tables d’animation, l’une avait huit pieds de haut, d’autres se limitaient à de simples bancs de copie. Je cherchais toujours la solution la plus souple, la plus polyvalente, construisant, déconstruisant, et reconstruisant en recyclant les mêmes accessoires et materiaux.
Mais la plus économique, simple et rapide à assembler est celle que j’ai créée en utilisant une simple table de chevet de chez Ikea et des cadres vitrés du dollarama. Je l’ai construite pour une de mes jeunes étudiantes qui voulait se familiariser avec l’animation sur table.
La table d’animation “multiplane” à son plus simple, une fois montée.
À noter : la cache noire sur le plateau supérieur qui empêche la lumière de se refléter sur les vitres des plateaux inférieurs, avec un minuscule trou pour la prise de vue, effectuée dans ce cas-ci au moyen d’un téléphone portable.
Juste en dessous un porte filtre et accessoires d’avant plan (non visible sur la photo).
Puis le cadre vitré des personnages, et enfin en arrière plan celui des décors.
En pratique, cela demande au préalable un peu de réflexion pour concevoir quels sont les éléments qui seront répartis sur chaque plan.
Ensuite vient le temps de la création des personnages.
Puis la mise au point de l’appareil photo, dans ce cas-ci celui d’un cellulaire.
Et enfin la prise de vue du mouvement des personnages.
Vue en plongée de la multiplane
Résultat final à la caméra, la multiplane contribuant à l’effet de relief et de profondeur de la scène.
Habituellement, je ne publie jamais les photos que je prends pour une personne, que ce soit pour un portfolio ou pour d’autres contrats.
Pour moi, les images que j’ai captées au service de quelqu’un lui appartiennent intégralement, et il ne me vient pas à l’idée de les diffuser, même pour ma propre promotion à titre de photographe.
Si dans ce cas-ci je me permets de vous partager dans ce blogue quelques images issues d’une séance personnelle de photos, c’est pour saluer le courage de la personne qui a accepté d’être devant la caméra.
J’ai rencontré cette jeune femme à quelques reprises aux ateliers-partage. Elle nous avait confié son problème d’acné qui l’empêchait de s’épanouir avec confiance.
J’avais fini par lui suggérer d’oser prendre des photos de son visage tel quel, sans chercher à masquer les marques apparaissant sur sa peau.
Plutôt que d’appréhender d’apparaître devant la caméra dans cet état, elle a relevé le défi avec courage et détermination.
Le but n’étant pas se plier à la norme de ce que l’on désigne comme des “belles photos artistiques” mais plutôt d’oser d’apparaître dans sa pleine authenticité.
J’ai pris les photos au printemps, le jardin de l’atelier était plein de fleurs. J’ai décidé de suggérer un lien entre l’éclosion des fleurs printanières avec le visage de la jeune femme en appel de son propre épanouissement. Il m’est apparu que les fleurs en boutons sont une étape avant le plein déploiement de leur beauté.
Généralement, pour les photos plus intérieures, je préfère le noir et blanc. Mais en cours de processus, j’ai conservé une partie des couleurs des fleurs, comme si celles-ci étaient révélatrices de la vivacité intérieure de la jeune femme qui osait se dépasser.
Mentionnons qu’elle n’avait aucun problème à poser, étant habituée à le faire plus jeune pour son père photographe. Il y avait donc une facilité naturelle de ce côté-là.
Le défi se situait dans le dépassement des apparences et du réflexe de vouloir cacher le problème d’acné.
Merci à cette jeune femme, pour moi c’est là que réside la vraie beauté, laquelle ne dépend pas du maintien d’un idéal factice de soi-disant perfection extérieure mais bien dans l’affirmation tranquille de notre profonde qualité d’être!
Si cela ne tenait qu’à moi, je décernerais le premier prix de création artistique à …la nature!
Quelle merveille et quel mystère que l’infinie beauté qui se manifeste tout autour de nous!
La nature, et tout ce qui prévaut à sa création, procède par surabondance en grâce et en générosité.
On imagine très bien que la nature pourrait être beaucoup plus “économe” dans ses manifestations s’il s’agissait d’assurer la simple survie des espèces.
Il me semble que si le créateur, quel que soit le nom qu’on lui donne, était plus raisonnable, s’il avait une attitude de commerçant ou de fonctionnaire cherchant l’efficacité et la rentabilité, la nature serait beaucoup plus sobre et fonctionnelle dans son déploiement.
Mais non, si nous y regardons de plus prês, il n’y a que cette folle prodigalité, que cet excès de générosité, qui éclate dans cette infinie variété de formes et de couleurs!
Et si il n’y a aucune conscience ni intelligence à l’origine du monde, que la vie serait purement accidentelle comme il nous plaît de le prétendre, pourquoi la nature, malgré tous les accidents de parcours, cherche-t-elle tout le temps à revenir vers l’harmonie?
Il faut bien qu’il y ait quelque part une autre raison que celle du raisonnable! Pourquoi tant et tant de don et de beauté? C’est quoi l’utilité de ce débordement si ce n’est pour montrer la magnificence de ce qui anime l’élan de toute vie.
Pourquoi une fleur s’habillerait de tant d’apparats alors qu’elle ne peut elle-même en constater la beauté dans un miroir, n’ayant aucun organe lui permettant de voir. Pourquoi donc, à l’aveugle, elle se donne autant, rivalisant de grâce et d’abondance?
Pourquoi tant de variété, pourquoi tant de gratuité, pourquoi tant d’ingéniosité dans la manière de s’offrir à la vie?
Si elle ne le fait pas pour elle-même, dans son propre intérêt, pour qui donc se déploie-t-elle ainsi?
Est-ce que la fleur à été créée pour la ravissement de l’être humain? Ou est-ce l’être humain qui a été créé pour contempler la fleur?
Je n’ai pas de réponse.
La beauté est pour moi un mystère, un “plus” qui donne un tout un autre sens à la vie!
Toutes les photos on été prises dans le jardin entourant l’atelier du 10 Fortier. Merci à celle qui a patiemment semé toute cette généreuse beauté!
C’est vraiment un petit rien qui parfois peut faire la différence entre avoir l’impression de frapper une impasse, et l’instant d’après entrevoir qu’une issue semble se dessiner.
Je reviens sur cette petite séquence d’images, improvisée sans aucune prétention il y a quelques années, deux trois jours avant Pâques.
À l’origine diffusé sous forme de diaporama, j’essaye de voir comment le même contenu peut être présenté cette fois-ci comme une sorte de BD linéaire.
Le diaporama tiré de ces images a été diffusé à L’Arche.
Sans l’avoir choisi, l’écoute s’est avérée une dimension récurrente dans ma vie. Que ce soit au travers de contrats à dimension sociale, publications, documentaires vidéo, créations multimédias, initiatives d’entraide ou tout simplement dans l’écoute de personne à personne, j’ai passé des milliers et des milliers d’heures à écouter des témoignages.
Je n’ai jamais décidé d’être un “écoutant”, c’est l’écoute qui m’a courtisée, sachant sans doute que je ne saurais lui dire non!
Parmi les écoutes les plus mémorables partagées avec mes associés Jean-Pierre et Stephanie, il y a eu “Mauve”, le cédérom “pas pour les enfants, pas pour les adultes” pour lequel nous avons sélectionné 4000 extraits de témoignages d’ados que nous avons filmés en divers endroits.
Avant cela, me revient en mémoire un reportage photo à l’hôpital Montfort durant lequel j’avais enregistré des heures de témoignages du personnel et des patients. Suivi par la suite de la réalisation de nombreux documentaires pour divers organismes.
Et puis la publication “Famille à coeur ouvert” avec Colette, cinq ans durant lesquels nous nous sommes mis à l’écoute de la parole de familles d’un bout à l’autre du pays.
Sans compter toutes les années d’écoute de la communauté au dépanneur Sylvestre et d’écoute sans-frontières avec les Antennes de paix. Et aussi l’écoute très spéciale, au-delà des mots, des personnes ayant une déficience intellectuelle à L’Arche, en particulier avec mon ami Gil.
À L’Arche également, réalisation de quelques petits clips portant précisément sur le thème de l’écoute (voir les illustrations de l’article).
Je prends conscience de l’importance de cette dimension de l’écoute dans ma vie à l’instant même où j’écris cet article. Ce qui souligne en passant la pertinence des blogues pour se mettre à l’écoute de nos vies (Vive Le Petit Parc!)
– Petite annonce –
Aujourd’hui je témoigne moi-même de l’importance de cette écoute, en particulier lorsque des personnes portent d’importantes blessures suite à la marginalisation et à la non-écoute.
J’en parle spécialement en ce jour parce que je veux saluer le lancement du réseau d’entraide “l’ABRI”, spécifiquement dédié à l’accueil et à l’écoute des personnes touchées par des blessures relationnelles!
Les blessures relationnelles dues au mal-amour et aux abus envers l’intimité sont parmi les plus profondes et les plus occultées, et aussi parmi les plus dommageables à long terme, entraînant d’importantes dysfonctionnalités sur toute une vie.
Si notre société est organisée pour répondre à des urgences sociales et de santé bien visibles, les détresses générées par la convoitise, les rapports de pouvoir, la manipulation et l’exploitation d’une personne dans son intimité affective et physique sont souvent oubliées et mises de côté, devenant presques invisibles.
L’équipe de l’ancien dépanneur Sylvestre avait déjà ressenti la nécessité de la création d’un tel réseau. Et c’est maintenant, une quinzaine d’années plus tard, que ce réseau prend enfin forme.
Le lancement de l’ABRI aura lieu à l’Espace DEP Sylvestre (nouveau nom du dépanneur Sylvestre) le dimanche 10 mars à 16h, au 230 de la rue Montcalm, des bouchées et crudités seront servies. Toutes et tous sont cordialement invités au lancement et à se joindre aux volontaires du réseau d’entraide!
Nous avons toutes et tous des oreilles pour écouter, puissions-nous nous en servir!
C’est la fête au dépanneur Sylvestre aujourd’hui : 22 ans!
C’est le 2 février 2002 que les quelques volontaires du tout début recevait les clés de ce qui était alors un vrai petit dépanneur de quartier! Depuis, celui qu’on appelle maintenant l’Espace DEP Sylvestre a déménagé dans un nouveau local, sur la rue Montcalm!
Ce qui me fascine encore aujourd’hui, c’est la pérénité de cette petite initiative citoyenne spontanée. Combien de fois le Dep s’est-il fait prévoir une fermeture imminente sous prétexte que la formule n’était pas viable!
Et pourtant le DEP, acronyme de “dépannage, entraide, partage”, a poursuivi sa mission d’inclusion sociale avec persévérance, sans subvention au fonctionnement.
Infiniment merci aux centaines de bras bénévoles et bienveillants, animés par un même élan de solidarité, qui se sont succédé pour se passer le flambeau de la survie de cette petite initiative citoyenne!
Ce qui est extraordinaire, c’est qu’aux travers des années les équipes se sont succédées, chacune ayant développé son propre style de gestion, et que malgré toutes les péripéties humaines, financières et sociales qui ont été traversées, cette initiative d’entraide et de solidarité est encore vivante! Cela m´émerveille!
Et si le DEP est extérieurement désigné comme une entité organisationnelle ayant pignon sur rue, en réalité il s’agit d’un nombre incalculable de personnes, venant de divers horizons, qui tour à tour se sont impliqués et ont soutenu avec coeur cet élan communautaire durant les 22 dernières années!
Rien que pour cela, cela en vaut la peine de fêter et de danser!
En création, il y a deux grands mouvements. Le premier est celui de l’expression qui va chercher dans le profond de notre propre personne ce que l’on cherche à dire, à révéler, à porter vers les autres, à offrir au public.
Le deuxième est plus contemplatif, il s’ouvre d’abord à l’accueil intérieur des autres et de la vie environnante, pour ultimement mieux se reconnaître en eux.
Les deux nous amènent à mieux se découvrir mais par des modes différents. Je vais parler dans cet article du deuxième mouvement, celui qui permet de se reconnaître au travers de la contemplation des autres dans le grand miroir de la vie.
Le dessin qui suit a été particulièrement éloquent pour moi en ce sens.
Je trimballe ce modeste dessin au travers des années, jamais trop loin de ma table de chevet.
Pourquoi, parce que je m’y reconnais, parce qu’il me décrit mieux que j’aurais pu le faire avec des mots. Et pourtant rien ne me ressemble extérieurement dans ce dessin, ni au niveau des apparences, ni au niveau de l’appartenance culturelle ou en ce qui concerne mes expériences de vie. C’est beaucoup plus profond et intérieur.
Ce n’est qu’après avoir complété ce dessin que j’ai découvert qu’il avait un autre sens pour moi que celui de décrire une scène extérieure. Pour la petite histoire, j’ai toujours été inspiré par les images représentant la vie des inuits dans le grand nord. Je n’ai jamais été dans les contrées nordiques, mais j’ai toujours ressenti une profonde affinité de cœur avec ce peuple. C’est inexplicable.
Tout petit déjà, alors qu’avec un ami d’enfance nous faisions tourner un globe terrestre pour déterminer à quel endroit nous irions vivre quand nous serions grands, j’avais pointé du doigt la baie d’Hudson et le labrador, en ignorant alors totalement tout du Canada et du Québec (nous étions à ce moment là dans les alpes françaises).
Assez curieusement, même si je ne suis pas né ici au Québec, j’adhère totalement à mon pays d’adoption, comme si c’était une évidence incontournable. Je n’ai jamais cherché à aller ailleurs, je m’y sens chez moi. Pour en revenir au peuple inuit, cette sympathie spontanée est tout aussi mystérieuse. J’en ai rencontré peu en personne, mais l’élan de reconnaissance et d’amour a tout le temps été immédiat.
Toujours est-il qu’un peu dans l’aspiration de rendre hommage à ce peuple, j’avais commencé à réunir de la documentation photographique sur la vie dans le grand Nord, en particulier dans les années ’50. Dans le but d’éventuellement en témoigner par le dessin.
J’ai dû faire une cinquantaine de croquis d’après photo sans aucune idée préconçue, sans savoir dans quelle direction j’allais. Mais j’étais touché, pénétré par la présence de ce peuple pour lequel mon cœur cultivait une amitié discrète.
Puis j’ai été frappé par la tranquille sagesse qui émanait du visage d’un vieil homme, et en particulier par son regard qui semblait voir au-delà des apparences, comme s’il voyait intérieurement une dimension invisible à nos yeux. J’ai essayé tant bien que mal de représenter ce regard. J’ajoute que pour moi, il est vital d’entrevoir une autre dimension, je me sens beaucoup trop à l’étroit dans le monde tel qu’il est perçu dans sa dimension extérieure.
J’ai continué à glaner d’autres informations dans le lot de photos que j’avais récolté, et la composition s’est élaborée lentement, toujours sans savoir où je m’en allais.
Je dessinais ce qui me touchait, autant pour les visages que pour les vêtements, les objets et les décors.
Ce n’est qu’après coup que j’ai discerné le sens de l’image qui s’est élaborée. C’est comme si j’avais inconsciemment dressé un portrait des diverses dimensions de mon être intérieur. Je me reconnais parfaitement en chaque élément de la composition. J’essaye d’en résumer les grandes lignes :
La rivière qui s’écoule entre les glaces. J’ai l’impression que toute ma vie a été un lent dégel, dégel de tout ce qui pouvait me bloquer ou me retenir, mes insécurités, mes programmes d’auto dévalorisation, mes manques de confiance et j’en passe. Petit à petit, la circulation de vie est devenue plus fluide et spontanée.
Le personnage central, à la fois vieux et enfant. J’ai toujours eu un élan vers les hommes âgés, usés, mais tranquilles et paisibles. Comme si le passage des années avait eu raison de leurs impatiences et prétentions. Il ne s’agit pas ici d’une sagesse de savoir mais d’une sagesse d’être.
Une fois, alors que je campais sur une plage de la côte nord, j’ai vu un vieil homme sortir d’une minuscule cabane et faire consciencieusement sa toilette matinale sur la plage. Il m’a profondément touché. Je peux aujourd’hui m’identifier extérieurement à ce personnage. Et en même temps ma perception de ce que je suis n’a jamais évoluée, je suis toujours un petit enfant dans mon cœur et à mes yeux, jamais vraiment à la hauteur du monde adulte, et par conséquent socialement plutôt dysfonctionnel. Les deux personnages, vieux et enfant, regardent tous les deux dans la même direction, ne faisant qu’un.
Le chien qui repose paisiblement sur les jambes du vieil homme. Il représente cette profonde paix et tranquillité quand il y a un rapport harmonieux, fidèle et complice avec notre propre corps. Cela aussi s’acquiert avec le temps, cesser de se mettre des pressions indues de performance, et arrêter de chercher des compensations pour calmer le stress que l’on s’impose à soi-même. Sortir des jugements, être à l’écoute, poser un regard tendre… C’est peut-être là la première des véritables sagesses!
Le canot d’écorce. Un autre symbole récurrent dans mon imaginaire. Le parcours de la vie dans ce réceptacle sensible et délicat que constitue notre corps. Glisser à la surface des eaux cristallines et entrevoir le mystère des profondeurs. Le véhicule parfait pour aller à la découverte, à la fois dans la nature et dans les rêves.
La bouilloire sur la flamme. La patiente transformation intérieure.
Le mariage entre deux opposés, le feu et l’eau, laquelle se métamorphose en vapeur. L’infusion de plantes, la recherche de l’essentiel.
La suite de l’histoire de Ti-Jean, le petit garçon en pyjama un peu pas mal perdu coincé dans le pays de l’entre-deux et qui apprend qu’il lui faudra renoncer à sa troisième dimension pour pouvoir en sortir.
Normalement, ce qui apparaît ici comme étant la fin de la BD n’aurait été que le début de l’histoire. Une fois débarassé de sa troisième dimension, Ti-Jean aurait pu dès lors traverser toutes les formes de cases, de cadres et de murs. Il en aurait profité pour rentrer dans d’anciens tableaux et les découvrir en profondeur.
Du moins c’est ce qui était prévu, et c’est peut-être ce que Ti-Jean a fait. Il s’est manifestement faufilé entres les murs et il a complètement disparu de nos regards, ce qui fait que nous ne pouvons pas relater la suite de ses aventures.
Il nous reste toujours la possibilité d’imaginer la suite…
Pourquoi revenir sur des vieilles affaires que presque personne n’a vu passer? Pourquoi déterrer ce que les années passantes ont relégué aux oubliettes?
Il y faut un petit élan, une petite étincelle qui rentre en résonance avec ce qui a été enseveli sous des couches et des couches de débris. Encore mieux, cela prend un petit rayon de soleil à la fois assez vif et tendre pour se glisser au travers des décombres et réveiller la mémoire de ce qui a été oublié depuis tant et si longtemps.
Cela prend l’appel à un humble partage de ce qui a été enfoui et souvent jugé comme étant inadéquat, “passé date”…
À la suite de cette étincelle et de cet appel, il peut alors y avoir résurgence inattendue d’une présence qui fut manifestée en son temps mais qui ne fait plus partie du paysage actuel.
L’histoire de Ti-Jean
Contre toute attente, un embryon de BD publié dans les années ’70 refait surface dans la section archive de ce blogue. Il s’agit de l’histoire de Ti-Jean.
En quelques mots, Ti-Jean est un petit garçon en pyjama, un peu pas mal perdu et qui se sent tout seul, ne sachant comment retourner chez lui. Il ne sait même pas comment il s’est rendu là.
Dans cette quête pour retrouver son “chez lui”, il apprend qu’il est coincé dans le pays de l’entre-deux et qu’il lui faudra renoncer à sa troisième dimension pour pouvoir en sortir. Il se perd alors dans un dédale de couloirs qui le mènent à rencontrer divers personnages qui lui ressemblent.
L’histoire de Ti-Jean a été publiée à raison d’une planche par semaine dans le journal Bonjour chez-nous de Rockland.
L’approche de cette petite BD n’était peut-être pas tout à fait adaptée à l’auditoire d’un hebdomadaire local, néanmoins c’est dans cette publication franco-ontarienne que Ti-Jean a trouvé une terre d’accueil pour faire ses premiers pas.
Voici donc les huit premières pages de Ti-Jean!
Pour la petite histoire, c’est évident que ces quelques pages de Ti-Jean ont des résonances autobiographiques!
En tout premier, il me semble que je n’ai jamais vraiment cessé d’être un enfant, et toujours un peu perdu dans un monde auquel j’ai de la difficulté à m’identifier!
Le fait d’être en pyjama représente sans doute mon côté mal adapté et en contrepartie pas mal rêveur.
Le fait de vouloir compenser un manque existentiel fondamental au travers de l’absorption de nourriture et par une soif de découvrir est également tout à fait représentatif!
Encore pour la petite histoire, en plus de la publication hebdomadaire dans le Bonjour chez-nous, La publication a été tirée à une dizaine d’exemplaires entièrement assemblés et reliés à la main!
Parmi toutes les choses que je trouve admirables sur terre, il y a la persévérance, entre autres dans ce qu’une personne offre au travers du maintien de sa pratique artistique.
Quand une personne persévère, peu importe qu’elle se dise professionnelle ou amateure, et qu’elle approfondit sa démarche artistique, souvent contre vents et marées, cela me fait l’effet du soleil qui perce les nuages. Et plus encore quand l’expression artistique n’essaye pas de se conformer à des mouvements de mode!
Je parle de cette expression unique qui maintient l’émergence de son authenticité, même si l’audience n’est pas toujours au rendez-vous.
Peut-être est-ce parce qu’une source d’eau qui jaillit dans un désert de sécheresse m’apparaît toujours plus miraculeuse que celles qui parsèment une vallée ruisselante d’humidité.
Une autre chose qui me touche, ce sont les retours d’œuvre, les résurgences d’expressions artistiques. Alors que la pratique semblait morte, complètement abandonnée depuis des années, voici qu’elle fleurit à nouveau. C’est l’heureux retour d’une source que l’on croyait tarie.
J’ai plusieurs amis qui participent à cet heureux retour en ce moment.
Aujourd’hui, je voudrais partager quelques images d’un petit groupe de musique médiévale qui courageusement amorce un retour sur scène. J’ai un penchant pour les artistes qui font revivre des expressions que l’on croyait perdues dans le nuit des temps.
Il y a une richesse profonde et paisible qui se dégage des sonorités anciennes et des musiques traditionnelles. C’est comme si celles-ci avaient le don de nous ancrer plus profondément dans nos racines culturelles, au contraire du déferlement des expressions plus périphériques et souvent déconnectées de certaines explorations sonores contemporaines.
Le groupe Oriflamme
Ils sont trois, tout autant passionnés de musique médiévale les uns que les autres. En témoigne en autres l’amour qu’ils ont des instruments de musique du Moyen-âge tels le cistre, la vielle à roue, les cornemuses, les chalemies, les flûtes et divers accessoires de percussions. Il est d’ailleurs manifeste que chaque membre du groupe porte un grand soin à l’entretien de ces instruments sensibles.
Michael, Jeff et Sylvie sont clairement inspirés par ces lointains accents musicaux composés il y a plus de 800 ans.
Michael, Sylvie et Jeff
Le groupe Oriflamme entreprend un courageux retour après un long temps d’absence. Et c’est beau de les voir retrouver leur complicité de ménestrels et d’amuseurs publics ambulants. Ils ont manifestement la flamme sacrée et c’est contagieux!
Ils ont récemment procédé à un enregistrement maison et j’ai pris les photos du groupe pour relancer leur promotion.
Vu que l’un des objectifs de ce blog est de transmettre des trucs du métier, je vous partage dans cet article quelques considérations à prendre lorsque l’on photographie un groupe en train de pratiquer.
Prendre des photos d’un groupe de musiciens en séance d’enregistrement
L’éclairage
En partant, la chose la plus importante avant de commencer la séance de photos, c’est de faire en sorte que l’espace soit bien éclairé! Très difficile de rendre une scène vivante et attrayante si elle est mal éclairée. Et c’est particulièrement vrai pour un groupe de musique tout simplement parce que nous sommes habitués à les voir sur scène, sous les faisceaux de multiples sources d’éclairage.
Sans éclairage, il y a moins de relief et de contraste, tout est plus plat et terne.
Dépendamment de la pièce ou du studio d’enregistrement, dans ce cas-ci un simple salon, l’espace va être plus difficile à éclairer.
Dans ce cas-ci par chance, l’un des membres du groupe avait déjà travaillé dans le domaine et il y avait déjà de l’éclairage disponible sur place. Un grand merci Jeff, ta contribution a fait toute la différence!
La présence visible des projecteurs a beaucoup ajouté à l’atmosphère générale de la séance d’enregistrement!
Malgré plusieurs projecteurs, j’ai été obligé de fonctionner avec une vitesse d’obturation minimum, à 1/60ème de seconde et même parfois à 1/15ème avec une ouverture maximale, c’est-à-dire sans aucune profondeur de champs. Dans plusieurs cas, j’ai eu à envoyer un coup de flash au plafond pour maintenir un éclairage suffisant.
Les projecteurs ont été répartis dans la salle pour créer un éclairage mettant en relief chaque musicien. Ceux-ci étaient séparés pour les besoins de l’enregistrement.
En complément d’éclairage, il y avait des réflecteurs pour adoucir l’éclairage des projecteurs, ainsi qu’un rideau noir pour diminuer l’apport d’éclairage de l’extérieur et éviter trop d’écart de couleurs entre les deux types d’éclairage.
Ce qui a permis de faire des jeux de contraste intéressants :
Ci-dessus, Jeff, le percussoniste du groupe, apparaît sur fond noir et éclairé pricipalement par deux sources de lumière latérales. Ce type d’éclairage reproduit un effet de spectacle, comme si le musicien était sur scène avec un éclairage aux projecteurs. À noter que le contraste est suffisant pour que les rideaux d’arrière-scène apparaissent complètement noirs en arrière-plan.
Un effet de scène similaire est obtenu en couleurs, faisant ressortir les différences de couleur des sources d’éclairage.
Toujours avec la même configuration, sans rien déplacer , un effet de silhouette est obtenu en prenant le visage de profil devant le réflecteur latéral et en ajustant l’ouverture sur ce dernier.
Et maintenant, un effet de clair-obscur obtenu avec le même élairage en captant le visage de Jeff sur fond noir de manière à faire ressortir la lumière arrière qui éclaire sa barbe et donne ainsi un bel effet de découpage.
L’important dans le cas de photos prises durant une séance d’enregistrement est de se faire le plus discret possible, les exigences de l’enregistrement passant en avant de nécessités de la prise de vue. Il faut donc être bien préparé et demeurer silencieux, tout en étant créatif sans déranger.
La balance chromatique
Pour harmoniser l’ensemble des clichés, j’ai choisi de “réchauffer” les photos à l’étape du traitement des images, ce qui permet de mieux faire ressortir la touche médiévale des instruments de musique.
Dans ce cliché, la dominante ambrée des instruments en bois est mise en valeur par contraste avec l’éclairage plus froid provenant de la lumière du jour.
Il en va de même pour les boiseries des instruments de percussions
Varier les angles de vue
Idéalement, pour rendre avec plus d’efficacité la perception de l’événement dans toutes ses dimensions, il est préférable de varier les angles de vue, en empruntant successivement le point de vue de chaque artiste.
Ci-dessus, un cliché “par dessus l’épaule” à partir du point de vue de Jeff.
Le même angle de vue en large angulaire.
Une vue 3/4 arrière de Sylvie. À noter, en arrière plan, l’image de Michael reflétée dans le miroir.
Découpage des avant-plans au moyen de hors-foyers
Ne pas hésiter d’utiliser la faible profondeur de champs pour créer des hors-foyers en arrière-plan. Cela permet de mettre l’emphase sur l’avant plan tout en conservant l’évocation des activités dans le décor arrière.
Rendre l’atmosphère de la séance d’enregistrement
Les photos étant silencieuses par nature, il n’est pas possible de compter sur l’ambiance musicale pour rendre l’atmosphère de l’enregistrement.
Le photographe doit alors saisir à la volée les instants de complicité entre les membres de l’équipe. Dans ce cas-ci l’interaction chaleureuse entre Gareth, l’ingénieur de son, ainsi que les personnalités enjouées des membres du groupe a été providentielle.
Il régnait une belle atmosphère sur le plateau d’enregistrement!
Les talents d’animatrice de rue et la présence rayonnante de Sylvie sont particulièrement visibles dans les clichés ci-dessus!
De son côté Michael amène une belle présence concentrée et méditative!
Évidemment, rien ne remplace la possibilié d’assister à un de leur spectacle! Détails à venir!
Pourquoi? Peut-être parce que cela me ramène au côté ludique et complice de la petite enfance.
C’est l’image que nous utilisons pour annoncer l’atelier de “Reconnexion au corps Ama”.
Cet atelier imprévu et inédit s’est imposé de lui-même à la suite de deux autres ateliers offerts en hiver et au printemps, l’un sur la transformation des charges en créativité, et l’autre en lien avec l’image corporelle et l’autoportrait.
Durant ces ateliers, beaucoup de femmes exprimaient le fait de se sentir coupées de leur corps, se décrivant comme étant beaucoup trop dans leur tête. Nous avions alors remarqué que des mouvements très lents, en suivant des thématiques symboliques, sans aucun souci de performance et à l’écoute du corps, permettaient de se rebrancher à la dimension corporelle.
Nous en sommes arrivés à proposer cet atelier de “Reconnexion au corps Ama” au travers des pratiques du mouvement intériorisé, de l’image et du partage de témoignages.
Pourquoi Ama? “Ama” vient du nom des plongeuses traditionnelles au Japon. Ces pêcheuses descendaient en apnée dans les fonds sous-marins sans aucun équipement, sans combinaison, sans masque ni palmes. Les amas (« femmes de la mer » en japonais) allaient autrefois chercher des perles dans les profondeurs océanes. De façon similaire, la “Reconnexion avec le corps Ama” nous convie à une plongée intuitive dans les profondeurs intérieures, sans outils ni balises, à la recherche de nos “perles de vie”.
L’illustration représente un exercice d’interrelation silencieuse avec l’autre. Après une séance de détente à l’horizontale, deux participantes communiquent et décodent leurs états d’être par la seule expression des mains. Les gestes peuvent sembler insignifiants vu de l’extérieur, alors que le vécu intérieur débouche sur de nouveaux espaces insoupçonnés. Je me suis permis d’ajouter à la scène un ciel étoilé pour représenter toute l’ampleur de cette ouverture intérieure!
Cet atelier fait partie d’une série d’ateliers que nous offrons sur demande aux Ateliers-Partage du 10 Fortier. https://atelierspartage.art.blog/
D’où vient l’inspiration dans le processus de création d’une illustration? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas de réponse systématique. En d’autres mots, c’est non prévisible, non planifiable. Du moins en ce qui me concerne.
Pour cette illustration que j’ai réalisé il y a maintenant plusieurs années, c’est en dessinant une artisane en train de tresser un panier que le texte “Hommage aux artisanes de vie” m’est venu, et non le contraire. Dans bien des cas, le texte est conçu avant l’image qui vient l’illustrer. Dans ce cas-ci, c’est l’image qui a fait émerger l’écrit!
C’est en me laissant toucher par les gestes tranquilles de cette artisane que s’est réveillé en moi toute la gratitude pour les femmes et mères qui quotidiennement, sans être motivées par une performance sociale ni par une recherche d’éclat mondain, tissent inlassablement l’essentiel de notre vie sur terre.
Ce qui m’a frappé, c’est de constater le peu de visibilité ou de reconnaissance sociale de la contribution des femmes et des mères en rapport avec l’immensité de l’œuvre qui est accomplie au travers de d’elles. C’est ce qui a motivé le texte ci-dessous, que j’ai écrit après avoir réalisé le dessin, et que j’ai publié par la suite à l’occasion de la Journée internationale des femmes.
Aux artisanes de vie
Hommage aux artisanes qui, même dans les conditions les plus inhospitalières, accueillent, enfantent et réactualisent sans cesse le don de vie!
Hommage à toutes ces femmes et mères qui inlassablement dans leur propre chair redonnent vie et espoir à l’ensemble de l’humanité par la répétition obstinée de la tendresse sous toutes ses formes!
Hommage aux artisanes de simplicité qui, quotidiennement à l’œuvre dans les activités les plus petites et humbles, sont pourtant profondément nourricières de vie, à contre-courant de la course stérile à la performance et au paraître!
Hommage aux artisanes d’amour et de réconciliation, qui patiemment invitent chaque petit humain en devenir au don de soi sans calcul ni frontières, et qui jour après jour rassemblent et tressent de leurs mains les morceaux épars de ce qui a été blessé, tranché, déchiré ou divisé!
À toutes les artisanes de vie, de tendresse et de guérison, un immense merci du fond du cœur!
Toujours dans la catégorie “Archives”, je prends le temps de revisiter certaines anciennes illustrations. Quitte à les mettre à jour en les retravaillant, ce qui est le cas pour cette image-ci!
Le point de départ de cette illustration, c’est l’association de la simplicité à la floraison de l’abondance dans la générosité.
L’abondance est représentée par l’image d’un arbre en fleurs.
Pour commencer j’ai pris une photo d’un petit pommetier pas loin de chez nous. Il faut mentionner que j’ai une relation personnelle avec cet arbre. À première vue, surtout en hiver, il ne paye pas de mine. Plutôt rabougri et chétif, marqué par le poids des années, un peu croche avec des branches cassées, et surtout le tronc et les branches entièrement piqués. Je m’attends chaque année à ce qu’il démissionne et cesse de porter feuilles, fleurs et fruits.
Et puis, contre toute attente, dans sa grande vulnérabilité, il reprend vie et offre une prodigieuse floraison printanière, ainsi qu’une abondante récolte de pommettes à l’automne, et ce à mon grand émerveillement. Tellement de gratitude pour cette résurrection de ce qui semblait mort!
Cette grande abondance, je l’associe sur un plan affectif à la générosité de cœur des personnes porteuses de trisomie 21.
Ces personnes, que l’on mentionne généralement comme “présentant une déficience intellectuelle”, révèlent en fait souvent une surabondance de cœur. C’est comme si leur simplicité intellectuelle leur permet de laisser transparaître pleinement leur grande richesse relationnelle. Laquelle s’exprime au travers de la confiance qu’ils vous accordent spontanément et au moyen de leurs sourires et câlins.
De ma propre expérience, entre autres avec mon ami Gil, les personnes trisomiques vous gratifient d’un attachement et d’un amour d’une grande pureté, sans évaluation, ni attentes, ni calcul.
Dans l’illustration, j’ai voulu représenter cette communion de cœur en m’inspirant d’une photo de deux filles trisomiques dans les bras l’une de l’autre.
J’aime beaucoup cette association entre les deux personnes douées de simplicité intellectuelle et celle de l’abondance d’un arbre en fleurs.
Pour le montage final, effectué sur le logiciel libre Krita, j’ai fusionné la photo de l’arbre en fleurs avec un fond réalisé à l’aquarelle, ajouté une cache pour rendre les contours irréguliers, et enfin superposé le tracé des personnages avec une légère transparence.
Cela fait un certain temps que je me proposais de partager le processus de création de certaines illustrations.
Dans la nouvelle catégorie “Archives”, j’entreprends un retour sur des images créées dans un cadre professionnel, tout en détaillant le processus étape par étape.
Labour et récolte – Illustration créée pour la revue Notre-Dame du Cap
Depuis très jeune, j’ai été attiré par la combinaison du dessin et de la photo. C’est sans doute pour moi comme un rappel du fait qu’il coexiste plusieurs dimensions dans la vie, une plus visible, et une autre plus subtile et moins perceptible. La première étant à mon sens représentée par la photo et la deuxième par l’image dessinée.
J’ai voulu explorer la combinaison de ces deux dimensions au travers de cette série d’illustrations.
Dans la présente image, je cherchais à mettre en valeur la juxtaposition de deux thèmes universels qui m’ont toujours beaucoup touché, celui du labour et de la récolte.
Je n’ai pas été élevé sur une terre, et ces réalités agricoles ne font pas partie de ce que j’ai vécu. Néanmoins elles me sont très chères, autant intérieurement qu’extérieurement. L’acte de labourer la terre, celui de semer et celui de récolter l’abondance constituent pour moi une des grandes merveilles de l’existence.
J’ai voulu en quelque sorte leur rendre hommage dans cette image.
Étape par étape
Dans un premier temps, pour le fond des champs labourés, je voulais rendre un effet plus large que celui d’un seul lopin de terre qui serait en train d’être travaillé. J’ai en conséquence été chercher un grand nombre d’images de champs retournés. Puis je les ai sommairement juxtaposés en fonction de la perspective et de l’angle de vue, de façon à permettre une continuité entre les images.
Disposition des images brutes avant leur harmonisation
Ensuite, au moyen de l’outil aérographe en mode efface du logiciel libre Krita, j’ai doucement estompé la séparation entre les photos de façon à faire disparaître les contours et à les fondre les unes aux autres.
Pour harmoniser davantage les teintes et les textures, j’ai ajouté un fond de papier parcheminé en mode “multiplier”.
En vérité, c’est comme en cuisine, tout est une question de dosage et les différentes couches doivent sans cesse être ajustées pour mieux être fusionnées.
Fond des champs labourés après leur harmonisation
Pour les personnages, j’ai compilé un grand nombre d’images de labour et de récoltes sur le web avant de trouver ce que je cherchais.
Je préférais dans ce cas-ci avoir une scène à l’ancienne, dans laquelle l’animal et l’homme collaborent ensemble pour labourer la terre.
Pour ce qui est de la récolte, j’ai été touché par l’image d’une jeune fille portant en ses bras une généreuse et abondante récolte de légumes du potager. Après avoir tracé et simplifié les deux images, je les ai intégrées au fond, tout en dosant leur transparence.
Pourquoi en transparence, parce que je voulais davantage évoquer la présence de ces sujets plutôt que de créer une scène crédible et réaliste. Surtout que sans cette transparence les dessins et le fond sembleraient plaqués artificiellement l’un sur l’autre, sans lien entre les deux. En particulier parce que que la mise en valeur des dessins a été faite au moyen de simples aplats, sans nuances ni ombrages.
À priori, cette combinaison dessin-photo n’est pas une approche qui est préconisée en illustration, en raison d’une perte de cohérence stylistique. La juxtaposition des personnages avec un rendu en aplats sur un fond plus réaliste et nuancé est davantage utilisée en animation, une forme d’art qui m’a beaucoup influencé.
Je reconnais volontiers que plus jeune, je me suis largement nourri aux biberons du dessin animé et de la bande dessinée. J’y retrouvais bien plus matière à rêverie que dans des images qui tentaient de reproduire trop fidèlement les apparences de la réalité.
Mais vu que je me laisse facilement séduire par l’attrait des images, j’ai découvert par la suite la beauté et la sensibilité d’un grand nombre de médiums et d’expressions picturales, comme on pourra le voir dans la suite de cette rubrique intitulée “Archives”.
On m’avait parlé des coureurs des bois, des premiers colons, des bucherons et des défricheurs.
Mais quand je remontais le long des rivières, m’aventurant sur les rivages vierges, je découvris une toute autre présence, beaucoup plus profondément ancrée et enracinée dans le sol.
Ici la nature avait été laissée intacte, non modelée par la main des hommes comme dans les vieux pays. Ici les anciens avaient épousé cette terre, l’avaient aimé avec respect sans l’altérer.
(Célébration de la Journée nationale des peuples autochtones)
Avant que le dépanneur Sylvestre ne soit crée, il y avait déjà un réseau informel d’entraide.
Après quelques années d’existence de ce réseau, nous avions identifié que malgré toute notre bonne volonté, cette forme d’entraide ne suffisait pas à sortir les personnes de leur isolement social. Afin de faire évoluer la relation aidant-aidé vers une forme d’inclusion plus collective, nous avions alors initié des rencontres mensuelles dans laquelle chaque personne pouvait échanger avec d’autres et retisser des liens.
Sauf que les personnes aidées provenaient de groupes d’âges et d’horizons très différents, ce qui ne facilitait pas les contacts naturels entre elles.
Nous avions alors découvert que pour réunir des personnes qui n’ont pas nécessairement d’affinités entre elles, il y avait deux activités “universelles” qui favorisaient une certaine adhérence collective : Manger ensemble, …et chanter ensemble!
Ces rencontres mensuelles “manger et chanter ensemble” ont d’une certaine façon constitué les prémices de ce qui allait devenir le dépanneur Sylvestre.
On peut dire que par la suite le “manger ensemble” est devenu le moteur de rassemblement collectif dans les premières années du dépanneur. Qu’il s’agisse du “repas du travailleur” à midi, des diverses formules de souper durant la semaine, familial, de solidarité, du vendredi soir ou en alimentation vivante le lundi, ou enfin des brunchs hebdomadaires, ce sont sans doute avant tout ces partages autour d’une table commune qui ont véritablement rassemblé les volontaires en vue d’une même mission.
Et très vite, le “chanter ensemble” s’est tout naturellement imposé, à l’initiative de quelques fidèles enthousiastes (lesquels se reconnaîtront autour du piano) qui ont animé cette activité tous les vendredis soirs.
Les toutes premières soirées de “Chantons ensemble” au dépanneur Sylvestre
Par la suite l’espace de la grande salle est devenu un lieu privilégié pour prestations de musiciens et rencontres informelles d’improvisation musicale. L’âme du dep a certainement grandement bénéficié de tous ces chants et musiques, merci à toutes celles et ceux qui ont fait vibrer de leurs harmonies sonores les murs du dépanneur Sylvestre, et qui le font encore à nouveau à l’Espace DEP Sylvestre!
Quelques présences musicales, parmi une foules d’autres qui ont suivi par la suite, spontanément offertes au tout début du dépanneur Sylvestre
Illustrations produites en 2004 dans le cadre d’un partenariat avec Parole citoyenne et L’Office national du film.
Il arrive que des personnes me remettent d’anciennes photos dont ils se débarrassent, sachant que je cherche toujours des sujets d’inspirations pour les dessins. Je les en remercie.
L’image ci-dessous provient de l’un de ces dons de photos de famille que j’ai reçu avec gratitude. Je n’en connais pas la provenance, vous me direz si cette photo vous dit quelque chose.
Elle m’a touchée, se démarquant du lot!
Il s’agit de deux fillettes réunies à l’intérieur d’un même manteau d’adulte. Tout simple, mais pour moi il y a toujours plus que ce que l’image représente dans la vie quotidienne. Comme s’il y avait un autre message, plus subtil, que je m’efforce dès lors d’entendre.
C’est probablement le fait de se reconnaître non séparés, les deux fillettes partageant un même espace, une même appartenance.
La vie du “chacun pour soi-même”, très présente à notre époque, et j’y participe amplement, me rend triste. Il n’y a pas d’autres mots. Vivre avant tout pour moi-même, pour mon propre bien-être m’apparaît totalement dénué de sens.
Cela ne veut pas dire que je n’ai pas de comportements égoïstes. C’est tout simplement parce que cette forme de vie dirigée vers soi-même me semble complètement vaine et misérable. J’admire les personnes qui y arrivent, se suffisant de leur propre bonheur, ce n’est pas mon cas.
Dans la vie “normale”, chaque personne a son propre manteau, son propre agenda, sa propre source de confort, ses propres façons de se protéger.
Dans la présente image, les deux fillettes partagent en toute complicité le même manteau, peu importe ce que peut représenter ce même manteau, comme par exemple être élevés dans la même famille, s’épanouir dans la même culture, ou se reconnaître enveloppé par le “manteau” commun de notre environnement naturel.
Parfois certains projets prennent toutes sortes de détours avant d’arriver à maturité.
À Voix et Couleurs, nous avions commencé dès 2020 à travailler sur le visuel graphique d’un mini-clip, à la demande de Shakti Musique, en vue du Jour de la terre 2021. Finalement, l’achèvement de la première version a été retardé, entre autres en raison de la pandémie. Puis cette année nous avons œuvré à un nouveau visuel pour le même clip, cette fois-ci à partir de photos, afin de s’enligner davantage sur l’approche stylistique de Shakti Musique (montage photos sur chanson).
Cette nouvelle version est disponible sur le site de shaktimusique.org, https://shaktimusique.org/2023/04/20/tous-les-oceans/ ainsi que dans l’article de Mireille publié dans cette édition spéciale du Petit Parc à l’occasion du Jour de la Terre.
Nous vous partageons ici la toute première ébauche, entièrement constituée de dessins, avant que la bande sonore ne soit retravaillée.
Le clip est un peu conçu comme un vidéoclip en ce sens que des images de l’auteur-compositeur-interprète se juxtaposent au visuel sur l’environnement. Le format d’origine est carré en fonction des médias sociaux.
Je suis toujours touché par les gestes d’attention à l’autre, particulièrement lorsque ces gestes s’accompagnent d’une écoute intérieure.
Je ne me l’explique pas, c’est sans doute pour moi une forme de reconnaissance instantanée de cette profonde qualité humaine de présence attentive à l’autre.
Ici deux participantes à un atelier lors d’un exercice d’intériorisation dans le cadre d’un atelier pratique de dessin et de photo.
C’était dans les tout débuts du dep Sylvestre, alors que c’était encore un vrai de vrai dépanneur, avec de la bière, des cigarettes, des chips et autres.
Nous ne vendions pas grand chose de frais. Du côté du prêt à manger, un distributeur nous livrait chaque semaine des sandwichs aux oeufs mayonnaise. Il s’agissait essentiellement de deux tranches de pain blanc, beurrées d’un peu de mélange aux oeufs, le tout emballé dans un contenant en plastique.
Certains anciens habitués de ce petit dépanneur, qui venaient régulièrement acheter leur caisse de bière et paquet de cigarettes, prenaient au passage un de ces sandwichs en guise de souper.
La valeur nutritive de ces maigres sandwichs ne devait pas être très élevée, et il n’y avait pas là non plus de quoi remplir un estomac.
En fait, nous avions fait l’expérience de compresser entre nos mains l’un de ces sandwichs, et il n’en était ressorti qu’une toute petite boule de matière pâteuse peu appétissante.
C’est à ce moment-là que s’est produit un autre des petits miracles du dep en la personne de celui qui est devenu l’actuel président du CA de l’Espace DEP Sylvestre.
Il vivait alors à Montréal et travaillait dans un restaurant. Il était venu au dep, et nous l’avions consulté sur la façon d’offrir un sandwich plus substantiel et nutritif pour le même prix, soit 3.50 $ (Il avait fait des études en diététique).
Le créateur des sandwichs Baraka à l’oeuvre dans les tout débuts du dep
Il créa alors la série de sandwichs Baraka, lesquels étaient constitués d’un solide petit pain aux huits grains, d’une grosse portion de l’un des quatres mélanges, soit le thon, les oeufs, le fromage à la crème ou le végépâté, à laquelle s’ajoutait une généreuse quantité de légumes, principalement des carottes. Du côté saveurs, l’ensemble était très goûteux, relevé de condiments et d’épices à la marocaine!
Les sandwichs Baraka étaient non seulement nutritifs, mais aussi “bourratifs”, dans le sens qu’ils ont rapidement été réputés pour procurer une sensation de satiété.
Baraka signifie “chance”, “bénédiction”.
Là où le mot Baraka a pris tout son sens, en rapport avec l’une de ses définitions : “quelque chose auquel on ne s’attend pas et qui agit de façon positive”, c’est dans l’ampleur qu’a pris la production de ces sandwichs.
Même si la mission initiale d’offrir ces sandwichs nutritifs au dep était remplie, leur créateur ne s’arrêta pas là. Il commença à en vendre dans divers commerces, au CEGEP de l’Outaouais et même de l’autre bord de la rivière dans des édifices gouvernementaux ainsi qu’à Montréal.
Les débuts de la chaîne de production matinale des sandwichs Baraka
Le petit sandwich Baraka s’est ainsi multiplié, contribuant à faire connaître le dépanneur Sylvestre bien au-delà de son quartier d’origine.
C’est la même personne qui encore aujourd’hui œuvre à la relance de la production agroalimentaire de l’Espace Dep Sylvestre dans le nouvel emplacement au 230 Rue Montcalm, Gatineau. Ne manquez pas d’aller y faire un tour, d’y déguster un café ou un jus, ou d’y manger un généreux sandwich! Ou encore de venir rencontrer la communauté lors du souper du mardi soir à 18h!
Un fidèle collaborateur de la production artisanale des sandwichs Baraka
Il y a des amitiés qui sont spéciales dans le sens qu’elles ne se construisent pas au travers du temps comme la plupart des relations amicales.
L’amitié dont j’aimerais vous parler est de celles qui vous surprennent parce qu’elles sont spontanées, immédiates, instantanées. Hors temps et hors espace comme si elles avaient toujours existé et qu’elles existeront toujours pour l’éternité.
Pas descriptible.
C’est à propos de mon ami Gil que j’aimerais vous partager quelques mots, en gratitude pour sa précieuse présence dans ma vie.
Il faut mentionner que Gil a l’amitié facile. Il n’y a aucune barrière, aucun filtre à la spontanéité de son élan envers l’autre. Gil est le « Monsieur câlin » en personne. Il vous prend dans ses bras mieux que quiconque. Pas difficile de se sentir immédiatement en confiance avec lui.
J’ai rencontré Gil au dépanneur Sylvestre. Il faisait partie des « Alchimistes », un groupe de personnes en inclusion, présentant une forme ou une autre de déficience intellectuelle. Oui, Gil est né avec une trisomie, ce qui est tout à fait accessoire en ce qui concerne notre amitié. Personnellement, il me semble que Gil est bien moins handicapé que je le suis, au moins pour ce qui est d’adhérer pleinement à la vie en toute simplicité.
En fait, je dirais qu’il y a une forme de complémentarité entre nous, peut-être parce que je suis par nature un peu désincarné, et que lui est tout au contraire très bien ancré dans la vie et dans son corps!
Comment cette amitié a débuté?
C’est loin dans ma mémoire. Je ne le connaissais pas encore personnellement. Il me semble que l’ai croisé alors que je venais de rentrer dans le dépanneur. Je lui ai demandé comment il allait, ce à quoi il répondait invariablement « Bien! » en hochant la tête. Mais cette fois là il ne répondit rien. J’ai alors insisté en lui reposant la question avec plus d’intensité.
Des larmes lui sont montées aux yeux.
Je me suis approché de lui, pensant avoir commis quelques maladresses à son égard.
Il s’est alors mis dans mes bras.
Tout simple, le pacte d’amitié était dès lors signé.
J’ai su plus bien tard qu’il était en train de perdre sa mère, et que cela lui amenait beaucoup d’anxiété
Pour la petite histoire, que j’ai déjà racontée à maintes reprises, il s’est passé par la suite quelque chose d’inédit entre nous, au-delà de cette amitié spontanée.
Il m’arrivait souvent de filmer des événements au dépanneur, caméra à l’épaule. Gil me revenait à chaque fois en me signifiant par signe qu’il aimerait être devant la caméra. Il faut mentionner que Gil a des difficultés d’élocution et qu’il est parfois difficile de le comprendre. Je hochais la tête lui indiquant que j’avais entendu puis je continuais à filmer.
Je le reconnais, cela m’a pris des années avant de prendre sa requête au sérieux.
Puis, grâce à sa persévérance, et grâce à beaucoup de contributions de différentes personnes, nous avons fini par tourner ensemble une petite websérie à son nom : Mon Ami Gil
Les épisodes qui relatent l’histoire de son intégration sont disponibles (par ordre chronologique inverse) sur son blog.
« Être avec », c’est la façon la plus simple et la plus concise de décrire ce qu’est la pratique du « dessin tracé de vie ».
Et pour moi, cette image d’une jeune mère en train de tracer tout en gardant son nouveau-né contre elle résume parfaitement ce que veut dire « être avec ».
Le dessin tracé de vie, c’est dessiner ce qui est.
C’est tracer les formes de vie et les être vivants tels qu’ils ont été créés, sans chercher à les corriger, à les parfaire ou à les embellir. C’est une façon « d’être avec » le sujet représenté, au cœur de l’instant présent, dans la gratitude pour sa présence et son don de vie.
Tout ce qui existe sur terre peut être accueilli et dessiné, sans jugement ni censure, en reconnaissance de l’apport unique de chaque existence.
Le dessin-tracé est une façon très simplifiée de dessiner qui ne requiert aucun apprentissage, aucune habileté ni aucun souci de performance artistique.
Dessin tracé sur tables lumineuses au dépanneur Sylvestre
Cette pratique propose tout simplement de tracer le sujet tel qu’il se présente à notre regard, dans sa propre réalité, sans filtres ni attentes. C’est « laisser le crayon faire son chemin », sans essayer de contrôler le résultat.
L’image finale peut ensuite être mise en couleurs et accompagnée de quelques mots inspirés par le sujet.
Les outils sont simples et peu coûteux : feuilles de papier régulières ou papier à tracer, crayon à mine, crayons de couleurs ou simple boite d’aquarelle. On trouve maintenant en ligne de petites tables lumineuses à un coût très accessible.
Petit tracé va loin
Cette petite pratique de dessin a commencé au dépanneur Sylvestre.
Nous avions remarqué que la pratique du dessin permettait de calmer l’agitation mentale et favorisait l’intériorité ainsi qu’un certain recul face aux événements vécus.
Cependant un grand nombre de personnes ne voulaient même pas s’essayer à cette pratique pacifiante parce qu’elles se considéraient nulles en dessin. Le dessin tracé à partir de modèles simplifiés s’est alors tout naturellement développé. En commençant par de petits ateliers thématiques.
Dessin tracé avec enfants et adultes au dépanneur Sylvestre
D’année en année, des milliers de dessins ont été produits sur une grande variété de sujets allant de l’enfance dans le monde aux animaux menacés, en passant par les grands sujets sociaux tels la faim et l’extrême pauvreté dans le monde, l’exploitation et l’esclavage, les conflits sociaux, les personnes handicapées, les peuples autochtones et l’environnement de la planète.
D’abord pratiqué au dépanneur Sylvestre, le dessin tracé de vie, aussi appelé dessin de solidarité ou dessin-prière, a depuis une vingtaine d’années été offert dans de nombreux endroits : écoles, centres d’art, centres communautaires, foyers pour les personnes âgées, dans la rue, des parcs, et même un orphelinat au Pérou. Nous nous préparons maintenant à l’offrir aussi à domicile, en particulier auprès de familles, de personnes isolées et de personnes en perte de mobilité.
Dessin tracé au Pérou dans un orphelinat
Avec le temps, d’autres volets se sont ajoutés autour de l’image de soi et la transformation du regard porté sur le corps. Divers ateliers thématiques destinés aux femmes ont été donnés au Québec sur cette thématique.
Témoignages
Malgré une vingtaine d’années de pratique du dessin tracé de vie, cela reste difficile de mettre en mots le processus, peut-être est-ce parce qu’il est trop simple?
Les témoignages des personnes qui l’ont pratiqué sont plus éloquents :
« Tracer m’apporte une joie profonde. Quand je commence à dessiner, tout se tranquillise en moi. »
«…Les pensées cessent de tourbillonner sans fin et je me retrouve calme et à l’œuvre dans cette pratique apaisante, simplement à l’écoute de l’être ou de la réalité sensible que je suis en train de tracer ou de dessiner, en toute gratitude et reconnaissance. »
« Je suis en très grande reconnaissance de ce processus d’apprivoisement… ça m’a libéré d’une très grande tension intérieure que je ne savais même pas que je portais! »
« L’action de tracer brise les schémas de stress et de performance. Ce geste si simple me permet de prendre contact avec la réalité vécue par le sujet représenté. Ce lien qui s’établit m’amène à saisir une situation, une émotion, un état, et à en apprivoiser toutes les facettes, les reconnaissant ainsi en moi-même. »
« Ça me fait tellement de bien de dessiner… je crois que dessiner est un code secret pour dessiller, dessiller les yeux. Les yeux du cœur probablement. »
« Merci encore pour cette pratique si apaisante, je la délaisse parfois, mais c’est toujours un baume pour l’âme et l’être entier quand j’y retourne. »
« Dessiner m’a fait faire toute une thérapie de relaxation, d’approfondissement et de découverte.
Une chose est sûre, plus je suis au dessin, moins je suis dans des ressentis quand une situation conflictuelle arrive. »
« Quand je trace, c’est comme si je reconnectais avec une partie de moi-même que j’avais oubliée. Je suis remplie de gratitude pour ce tracé qui est possible par une écoute respectueuse et fidèle. Je me rends compte que le dessin est bien, mais que suivre la ligne de vie avec le crayon ramène la vie en moi. Ça garde le lien avec cette personne qui se fait toute humble pour sentir profondément cette ligne de vie ainsi qu’avec la personne ou l’animal tracé, et ça me reconnecte avec cet espace de paix qui est au fond de moi. »
« L’action de tracer brise les schémas de stress et de performance. Ce geste si simple me permet de prendre contact avec la réalité vécue par le sujet représenté. Ce lien qui s’établit m’amène à saisir une situation, une émotion, un état, et à en apprivoiser toutes les facettes, les reconnaissant ainsi en moi-même. »
« Cette pratique de dessin nous invite à voir la vie telle qu’elle est censée être vue, sans jugement. Chaque trait tracé est comme une ligne de vie. Une ligne pour nous sauver de nos esprits dominateurs et coupeurs de vie. Pour nous donner un moyen de voir ce qui est vraiment vivant, au-delà du filtre de notre mental. Cette pratique peut nous aider à faire face à nos peurs. Souvent, je dessine ce qui m’effraie et m’intimide. Dans la ligne, je trouve la sécurité dont j’ai besoin pour regarder la peur. Souvent, la peur s’atténue à la lumière de la vérité, à la lumière de l’acceptation et de la compassion. »
« Tous nous étions concentrés en suivant les traits des personnes, à faire le dessin-tracé qui nous unit directement à la personne en la traçant. J’ai senti que par le tracé le lien devient alors palpable et plus uniquement virtuel ou intellectuel. L’actualisation en moi de la réalité de la personne se fait au fur et à mesure que je trace. J’entre alors en communion et en compassion avec la personne et je réalise sa présence en moi. Cette soirée-là a été marquante car je me sentais unie à la personne que je traçais, unie aux personnes qui étaient comme moi en train de tracer et de dessiner »
« Pour une personne comme moi, qui a un mental agité, le dessin-tracé de vie est la seule façon de faire silence. »
Lui : Un ancien fonctionnaire au fédéral. À la suite d’un AVC, il se retrouve dans un programme de réinsertion au dépanneur Sylvestre avec un groupe d’autres personnes partageant des conditions similaires.
Elle : Impliquée dans l’équipe du dépanneur depuis de nombreuses années, ancienne responsable du comité de soutien du dep, et en perte de mobilité due à la progression de la sclérose en plaques qui affecte l’ensemble de ses capacités.
Ils se rencontrent lors d’un souper communautaire au dépanneur. Il s’aperçoit alors qu’elle est en chaise roulante et lui offre de l’assister.
Peu après, lorsqu’une partie de l’équipe du dep décide de se rendre au Forum social mondial à Montréal en été 2016, ils relèvent ensemble le défi d’y participer malgré les obstacles dus aux handicaps. Et l’on aperçoit le joyeux duo se rendre à diverses activités, surmontant les embûches et les nombreux problèmes de manque d’accessibilité.
Depuis, ils participent ensemble à divers événements. Il la transporte dans un véhicule adapté à toute heure du jour, hiver comme été, fait ses achats, lui fait assister par FaceTime à des présentations auxquelles elle ne peut se rendre en personne, et s’occupe de toutes sortes de petits problèmes comme appeler les pompiers lorsque son monte-personne reste coincé durant les grands froids.
De son côté, elle l’assiste dans une écoute à ses défis et orientations de vie. Une amitié unique d’attention à l’autre se tisse au travers des vulnérabilités partagées. Amitié qui persistera à distance, lui étant retourné récemment dans sa région natale de Québec.
Si nous racontons cette histoire en guise d’hommage, c’est qu’à notre avis elle illustre bien les “petits miracles du dépanneur”, lorsque dans une atmosphère de don et d’entraide, l’inespéré se réalise sans qu’on l’ai planifié!
Que ce soit nos proches, qu’il s’agisse de notre frère ou de notre soeur avec lequel ou laquelle nous avons été élevés ensemble, que ce soient nos frères et soeurs au sens plus large avec lesquels nous partageons nos missions de vie ou les destinées de cette époque, nous sommes d’une certaine façon toujours profondément complices!
Il me revient le souvenir lointain, et à la fois vif, d’une jeune artiste avec un grand sourire, elle se reconnaîtra peut-être.
Je l’ai rencontrée alors que j’étais impliqué dans un centre d’art, elle était à l’âge béni où l’on veut tout découvrir, où l’on est encore curieux de tout.
Je me souviens de lui avoir partagé ma propre passion de la photo au travers de quelques ateliers pratiques et séances de prises de vue.
J’aime cette image d’elle parce qu’elle représente bien sa proximité confiante avec la nature. Si je fais abstraction de la représentation de l’herbe, je la vois comme immergée dans une fluidité océane de la vie.
Ce qui évoque en moi sa passion pour les mammifères marins, passion qui lui fera quitter définitivement la région pour se rapprocher de ses amis aquatiques.
Elle avait en tout premier pris bien soin d’enfiler tablier et gants pour éviter de se salir.
Et puis, après avoir copieusement inondé son œuvre de couleurs, après un temps d’arrêt, elle a résolument plongé ses mains nues dans la peinture fraîche!
Cette jeune participante à un atelier de création de fonds que je donnais m’a offert en retour, et sans le savoir, une leçon de vie.
On a beau vouloir tout planifier, tout évaluer et contrôler, il vient un temps où il est impérieux de plonger. C’est dans ce temps-là que surgit la véritable créativité, non pas celle qui est raisonnée et conditionnée par nos appréhensions, attentes ou jugements.
Aller au-delà des apparences, aller voir plus creux, plus profond!
J’avais expliqué aux enfants, durant l’atelier de création de fonds, qu’ils étaient encouragés à explorer les différents médiums, à les mélanger, et même à faire tout ce qu’on n’a pas le droit de faire à l’école, comme casser les crayons et se salir.
Ce n’était pas tombé dans l’oreille d’une sourde.
Une des participantes à l’atelier se mit en tête d’ouvrir l’étui en plastique d’un gros surligneur jaune. Après bien des efforts, elle réussit à en extirper la feutrine imbibée d’encre et à répandre celle-ci sur une feuille de carton.
Puis, en continuant à fouiller dans les matières à recycler, elle découvrit un vieux téléphone portable. Après avoir demandé si elle pouvait l’ouvrir, elle s’empara d’un maillet et se mit en d’en briser l’étui protecteur.
Satisfaite d’avoir mis à jour la partie cachée du téléphone, elle imbiba celui-ci de colle blanche et décida de le coller en plein milieu de son œuvre.
Après réflexion, je me suis dit que ce qu’elle venait de faire était très intelligent! Si nous avions l’audace, comme elle l’a fait, d’enduire nos cellulaires et nos écrans de colle et de les fixer sur des feuilles de papier, peut-être qu’ils ne pourraient plus envahir nos vies.