Petite, je ne sais pas ce que tu es devenue…

En tant que photographe, il m’est souvent arrivé de faire d’extraordinaires rencontres, qui m’ont d’une certaine façon marqué pour l’éternité, alors qu’elles n’ont duré qu’une fraction de seconde.

J’ai le souvenir précis de cette toute petite personne, en costume traditionnel et encadrée par deux adultes, rencontrée lors d’un événement culturel.

J’avais été frappé par le sérieux avec lequel elle regardait tout ce qui se passait autour d’elle.

Tout un coup, elle m’a fixé des ses yeux et m’a laissé entrevoir en l’espace d’un instant toute la gravité et la profondeur de l’expérience humaine.


Cet article fait partie d’une nouvelle série intitulée “Mémoires de photographe”. C’est une sorte de journal dessiné relatant les diverses et tout autant précieuses rencontres qu’il m’a été donné de vivre en tant que photographe.

L’un de mes “maîtres à penser”

Je vous présente l’un de mes “maîtres à penser”, ou plutôt devrais-je dire mes “maîtres à ne pas penser”.

Comme beaucoup, j’ai souvent de la difficulté à arrêter la “machine à penser”, laquelle, il faut bien le dire, adore tourner en rond. Le problème, c’est que c’est rarement en y pensant que nous sommes en mesure de freiner cette tendance.

J’ai eu la chance de fréquenter des “spécialistes de la pensée simple et directe”. Celle qui nous amène à tout simplement être, avec moins de filtres et de références à une analyse complexe.

Nous pourrions dire que ces personnes “spécialistes”, classées comme étant moins performantes au niveau intellectuel, ont en retour une immense richesse: le don de nous ramener à l’essentiel. Elles nous apprennent à ralentir, à regarder les choses selon une autre perspective.
Passer une heure avec l’une d’entre-elle nous apaise, sans même qu’aucun mot ne soit échangé, qu’aucune consigne ne soit donnée.

Je remercie du fond du cœur ces personnes, que l’on dit déficientes ou handicapées, et en qui j’ai reconnu mes “maîtres à penser”, ou encore mes “” maîtres à ne pas penser”!


L’illustration à été créée à partir d’une photo qu’une communauté de L’Arche en Ukraine m’a envoyée, dans le cadre d’un projet de participation impliquant des personnes présentant une déficience intellectuelle.

Nés avec un panier vide sur le dos

Je me demande si d’une certaine façon nous ne sommes pas toutes et tous nés avec un panier vide au bout du bras ou sur le dos.

À en voir le regard vierge de l’enfance qui contemple toute chose avec un regard neuf, sans filtre ni idée préconçue. Leur panier est vide, ils sont tout prêts à glaner au fil de la vie les découvertes qui se présentent.

Et puis avec le temps, ce panier se remplit, emmagasine les expériences, les pensées, les insécurités et les rêves inaccomplis, jusqu’à éventuellement s’alourdir et devenir un fardeau sans que personne ne s’en rende vraiment compte.


Je reprends ici ma série de dessins solidaires avec ce qui se passe ailleurs, à l’autre bout de la planète.

Non pas par recherche de dépaysement, pour découvrir des terres et réalités inconnues, mais bien pour qu’en mon cœur je n’oublie aucune de ces dimensions propres à notre humanité commune.

Pour moi chaque image de « l’autre » est à la fois un témoignage et un point d’interrogation. Et aussi, de façon tout à fait personnelle, chaque image a un autre sens que celui de représenter la réalité dont elle témoigne. Chaque image me renvoie à mon propre parcours de vie, autant intérieurement qu’extérieurement!


Un roi disait à sa fille :

“Tu es ma princesse,
…pour toujours!

Tu es la fleur de mon cœur,
Tu es la joie de mon âme,
Tu es la perle de mes yeux,
Tu es la cantate de ma chair,
Tu es le parfum de mes jours,

Et tout cela, tu l’es à tous les jours et pour toujours
Peu importe que tu te présentes drapée de bijoux royaux ou en haillons, tu es ma fille, tu es ma princesse.”


Illustrations réalisées à partir de photos trouvées sur le web, je n’ai pas réussi à identifier la source

tout a commencé dans une minuscule cuisinette!

Quand nous avons acheté le fond de commerce du dépanneur Sylvestre, nous n’avions pas encore la grande salle dans le local d’à côté. Une minuscule cuisinette, située juste à droite en entrant, servait alors d’espace d’exploration pour de nouvelles activités, à la grande surprise des clients.

Ce petit espace et les activités qui s’y déroulaient suscitaient bien des interrogations et des commentaires.

Un jour, un jeune homme est rentré avec son cellulaire à l’oreille. Il parlait à voix haute avec sa mère qui était au bout du fil.

Arrivé à la caisse, il dit à sa mère :
“hé mom, ils sont ben fous dans ce dépanneur, ils sont en train de dessiner dans un coin!”

Puis, après avoir payé ses achats à la caisse, il sort.

Deux secondes après, il ouvre à nouveau la porte, tend sa tête dans notre direction, et s’écrie :
“En tout cas, je vous aime!”

Puis il sort et continue son chemin dans la rue.


Pour ce qui est du fonctionnement du dépanneur lui-même, les clients percevaient bien que nous n’étions pas des véritables commerçants.

En fait, aucun d’entre-nous n’avait de l’expérience dans la gestion d’un dépanneur.

Nous avions un peu l’impression d’être des enfants qui “jouaient au petit magasin”. Plus souvent qu’autrement, il nous fallait faire attendre les clients à la recherche des prix de chaque item, et aussi retrouver ce qui était taxable ou ne l’était pas.

Petit à petit, nous avons progressivement abandonné la vente de certains produits, à la demande de personnes en inclusion qui y voyaient des incitations à consommation et à l’entretien des dépendances. Nous avons ainsi été le premier dépanneur de la région sans bière ni cigarettes!


Les illustrations ont été réalisées à l’époque dans le cadre d’un projet de site interactif à propos du dépanneur Sylvestre en collaboration avec “Parole citoyenne” de l’ONF