Le dessin, un accès privilégié à l’intériorité

Suite à l’article à propos de “En quête d’abri” que j’avais écrit le mois dernier, je vous présente ce qui en fin de compte a constitué l’un de mes plus précieux abris au cours de ma vie : le dessin.

Je précise tout de suite qu’il ne s’agit pas du dessin comme discipline artistique visant à une certaine maîtrise et performance, ni même du dessin d’expression personnelle dans lequel l’artiste cherche à se dire et à se révéler à un public.

Rien de tout cela.

En fait, cela m’a pris presque toute une vie pour comprendre ce que je cherchais dans le dessin.

Et j’ajoute que si la pratique du dessin telle que je l’entrevoyais dans mes rêves me fascinait, l’acte de dessiner m’était le plus souvent difficile au point de tout faire pour éviter de me mettre à la planche à dessiner.

En résumé, la possibilité de dessiner me faisait rêver, mais j’en suis souvent arrivé à en détester la mise en œuvre tant la pratique m’était souffrante.

Pourquoi? Tout probablement à cause de l’écart vertigineux entre l’idée que je m’en faisais et la réalité expérimentée lorsque je prenais le crayon dans ma main.

Je ne suis sans doute pas le seul à vivre cette profonde déception de constater que ce qui sort de mes mains sur le papier n’est en aucun cas conforme aux attentes idéalisées que je m’en fait avant de me mettre à l’œuvre.

J’ai remarqué que c’est presque systématique chez les enfants d’un certain âge.

D’une manière générale, les enfants adorent dessiner tant qu’ils sont dans cette période de grâce où ils ne se posent pas de questions. Et puis vient l’âge où ils commencent à avoir des attentes, à évaluer le résultat et à se comparer aux autres. Dès lors, la majorité des enfants cessent de dessiner se jugeant incapables, nuls et pourris en dessin. Quel drame, …et quelle perte!

Parce qu’en fait le dessin est une porte royale d’accès à l’intériorité et un extraordinaire abri contre les intempéries du monde extérieur. À condition de n’entretenir aucune attente ni préjugé. C’est à dire en utilisant le dessin comme un acte purement contemplatif n’ayant aucun autre but que de rendre grâce à ce que la vie offre généreusement à notre regard.

Je le réitère, cela m’a pris des années et des années pour comprendre ce qu’en fin de compte je recherchais dans la pratique du dessin.

C’est un acte de reconnaissance intérieure de toute la richesse de ce qui est perçu extérieurement. C’est une forme d’appropriation dans la durée de ce qui est rencontré dans l’impermanence de la vie extérieure. Très difficile à décrire.

Dès lors, ce n’est pas tant le résultat qui compte mais plutôt le processus de contemplation active. Le dessin, dans la gratitude pour la beauté et la signifiance que la vie nous offre, devient une source de paix, de réconfort et de sérénité. À mille lieues de l’impatience et la frustration générées par le dessin de performance artistique.

En bref, je le recommande à tout le monde, et en particulier à toutes les personnes qui se sentent mésadaptées et dysfonctionnelles dans la forme de vie qui nous est proposée . (Et y compris bien sûr aux personnes qui se sentent nulles en dessin.)

C’est d’ailleurs pour faciliter cet accès au dessin contemplatif que nous avons proposé des pratiques de dessin-tracé aux ateliers-partage du 10 Fortier. Le dessin-tracé est une forme de dessin qui ne nécessite aucune performance, aucun savoir-faire, aucune habileté, aucune expérience.

Nous offrons aussi des ateliers de dessin d’observation en s’inspirant de la méthode classique. 

En ce sens, au travers des pratiques du dessin contemplatif, les ateliers-partage du 10 Fortier constituent une sorte d’abri, de refuge à toutes les personnes qui recherchent un peu d’intériorité!

Voir aussi l’article “Se reconnaître au travers des autres” à propos du dessin contemplatif.

Les liens aux articles complémentaires :

Construire une multiplane avec une table de chevet

Les tables d’animation et multiplanes m’ont toujours fait rêver. J’en ai construit plusieurs dans ma vie, des grosses et des petites.

La possibilité de donner vie à tout un monde imaginaire dans un petit espace intérieur m’émerveille depuis tout petit.

Il n’y avait pas de télévision chez nous. Mais quand j’allais chez des amis qui en avaient une, j’étais littéralement fasciné par le miracle de la vie qui s’animait dans cette petite boîte! Et en particulier lorsque c’était des petits personnages dessinés qui se mettaient à bouger et à parler.

Je me souviens d’avoir très jeune pris une boîte de carton, avoir découpé une ouverture sur un des côtés en arrière de laquelle j’ai fixé un morceau de papier calque en guise d’écran. Cette “télévision” artisanale ne fonctionnait évidemment pas mais j’étais très satisfait de cette création que je contemplais longuement.

Je suppose que j’ai dû parler de cette fascination que j’avais pour l’animation puisque plus tard mes parents m’ont offert un livre d’un monsieur qui racontait comment il avait réussi à se monter une petite table d’animation en amateur.

Je passais des heures et des heures à regarder les images de ce livre. On y voyait ce monsieur très sérieux (on aurait dit un technicien de laboratoire), les cheveux soigneusement peignés par en arrière et portant des gants blancs, se pencher sur l’univers qu’il était en train de soigneusement créer.

Il montrait comment il avait créé une multiplane à trois étages. Le premier étage, celui du fond, servait à faire défiler les décors. Le deuxième était consacré aux personnages et le troisième, celui du haut, était dédié aux éléments en avant-plan. Le tout permettant d’animer et aussi d’éclairer les divers plans indépendamment l’un de l’autre. Tout en haut de la multiplane trônait la caméra. J’étais subjugué.

Je me suis rendu compte beaucoup plus tard que ce n’était pas tant de créer des films d’animation qui m’intéressait mais plutôt d’affirmer cette possibilité que tout un monde puisse surgir d’un espace intérieur, qu’il s’agisse d’une table d’animation, d’un castelet de marionnettes ou même d’une simple crêche.

Étant avant tout du type rêveur, je reconnais que je suis plutôt mal équipé pour appréhender le monde extérieur et m’y tailler une place. Cette possibilité de se pencher sur un univers créé dans un tout petit espace me réconfortait, et me gardait dans l’émerveillement de la petite enfance!  

Donc, en plus des castelets de marionnette, théâtre d’ombres et autres, j’ai construit plusieurs tables d’animation, l’une avait huit pieds de haut, d’autres se limitaient à de simples bancs de copie. Je cherchais toujours la solution la plus souple, la plus polyvalente, construisant, déconstruisant, et reconstruisant en recyclant les mêmes accessoires et materiaux.

Mais la plus économique, simple et rapide à assembler est celle que j’ai créée en utilisant une simple table de chevet de chez Ikea et des cadres vitrés du dollarama. Je l’ai construite pour une de mes jeunes étudiantes qui voulait se familiariser avec l’animation sur table.

La table d’animation “multiplane” à son plus simple, une fois montée.

À noter : la cache noire sur le plateau supérieur qui empêche la lumière de se refléter sur les vitres des plateaux inférieurs, avec un minuscule trou pour la prise de vue, effectuée dans ce cas-ci au moyen d’un téléphone portable.

Juste en dessous un porte filtre et accessoires d’avant plan (non visible sur la photo).

Puis le cadre vitré des personnages, et enfin en arrière plan celui des décors.

En pratique, cela demande au préalable un peu de réflexion pour concevoir quels sont les éléments qui seront répartis sur chaque plan.

Ensuite vient le temps de la création des personnages.

Puis la mise au point de l’appareil photo, dans ce cas-ci celui d’un cellulaire.

Et enfin la prise de vue du mouvement des personnages.

Vue en plongée de la multiplane

Résultat final à la caméra, la multiplane contribuant à l’effet de relief et de profondeur de la scène.


Mains tenantes

J’aime beaucoup cette image!

Pourquoi? Peut-être parce que cela me ramène au côté ludique et complice de la petite enfance.

C’est l’image que nous utilisons pour annoncer l’atelier de “Reconnexion au corps Ama”.

Cet atelier imprévu et inédit s’est imposé de lui-même à la suite de deux autres ateliers offerts en hiver et au printemps, l’un sur la transformation des charges en créativité, et l’autre en lien avec l’image corporelle et l’autoportrait.

Durant ces ateliers, beaucoup de femmes exprimaient le fait de se sentir coupées de leur corps, se décrivant comme étant beaucoup trop dans leur tête. Nous avions alors remarqué que des mouvements très lents, en suivant des thématiques symboliques, sans aucun souci de performance et à l’écoute du corps, permettaient de se rebrancher à la dimension corporelle.

Nous en sommes arrivés à proposer cet atelier de “Reconnexion au corps Ama” au travers des pratiques du mouvement intériorisé, de l’image et du partage de témoignages.

Pourquoi Ama? “Ama” vient du nom des plongeuses traditionnelles au Japon. Ces pêcheuses descendaient en apnée dans les fonds sous-marins sans aucun équipement, sans combinaison, sans masque ni palmes. Les amas (« femmes de la mer » en japonais) allaient autrefois chercher des perles dans les profondeurs océanes. De façon similaire, la “Reconnexion avec le corps Ama” nous convie à une plongée intuitive dans les profondeurs intérieures, sans outils ni balises, à la recherche de nos “perles de vie”.

L’illustration représente un exercice d’interrelation silencieuse avec l’autre. Après une séance de détente à l’horizontale, deux participantes communiquent et décodent leurs états d’être par la seule expression des mains. Les gestes peuvent sembler insignifiants vu de l’extérieur, alors que le vécu intérieur débouche sur de nouveaux espaces insoupçonnés.  Je me suis permis d’ajouter à la scène un ciel étoilé pour représenter toute l’ampleur de cette ouverture intérieure!

Cet atelier fait partie d’une série d’ateliers que nous offrons sur demande aux Ateliers-Partage du 10 Fortier.
https://atelierspartage.art.blog/

Touché

Je suis toujours touché par les gestes d’attention à l’autre, particulièrement lorsque ces gestes s’accompagnent d’une écoute intérieure.

Je ne me l’explique pas, c’est sans doute pour moi une forme de reconnaissance instantanée de cette profonde qualité humaine de présence attentive à l’autre.

Ici deux participantes à un atelier lors d’un exercice d’intériorisation dans le cadre d’un atelier pratique de dessin et de photo.