Mettre les mains dans la peinture!

Elle avait en tout premier pris bien soin d’enfiler tablier et gants pour éviter de se salir.

Et puis, après avoir copieusement inondé son œuvre de couleurs, après un temps d’arrêt, elle a résolument plongé ses mains nues dans la peinture fraîche!

Cette jeune participante à un atelier de création de fonds que je donnais m’a offert en retour, et sans le savoir, une leçon de vie.

On a beau vouloir tout planifier, tout évaluer et contrôler, il vient un temps où il est impérieux de plonger. C’est dans ce temps-là que surgit la véritable créativité, non pas celle qui est raisonnée et conditionnée par nos appréhensions, attentes ou jugements.


Aller au-delà des apparences, aller voir plus creux, plus profond!

J’avais expliqué aux enfants, durant l’atelier de création de fonds, qu’ils étaient encouragés à explorer les différents médiums, à les mélanger, et même à faire tout ce qu’on n’a pas le droit de faire à l’école, comme casser les crayons et se salir.

Ce n’était pas tombé dans l’oreille d’une sourde.

Une des participantes à l’atelier se mit en tête d’ouvrir l’étui en plastique d’un gros surligneur jaune. Après bien des efforts, elle réussit à en extirper la feutrine imbibée d’encre et à répandre celle-ci sur une feuille de carton.

Puis, en continuant à fouiller dans les matières à recycler, elle découvrit un vieux téléphone portable. Après avoir demandé si elle pouvait l’ouvrir, elle s’empara d’un maillet et se mit en d’en briser l’étui protecteur.

Satisfaite d’avoir mis à jour la partie cachée du téléphone, elle imbiba celui-ci de colle blanche et décida de le coller en plein milieu de son œuvre.

Après réflexion, je me suis dit que ce qu’elle venait de faire était très intelligent! Si nous avions l’audace, comme elle l’a fait, d’enduire nos cellulaires et nos écrans de colle et de les fixer sur des feuilles de papier, peut-être qu’ils ne pourraient plus envahir nos vies.

La création au ras du sol

Parmi les activités spontanées qui ont vu le jour au dépanneur Sylvestre, il y a eu celle du dessin à la craie sur le trottoir.

Il y avait en permanence une boîte de craies, sur le côté juste à l’entrée du dépanneur.

Il y avait quelque chose de rafraîchissant de voir les enfants s’emparer de la boîte de craies et ressortir aussitôt pour grafigner le sol de formes et couleurs. Certains adultes suivaient.

Parfois de simples graffitis, d’autres fois des dessins plus élaborés, et avant tout ce geste de se pencher au plus bas vers le sol et de le marquer

J’avais l’image d’une créativité qui s’exprimait directement au ras du sol, sans filtres, sans attentes ni idées préconçues, tout à l’inverse de ce que j’avais rencontré en art contemporain.

À titre d’artiste professionnel en art contemporain, j’avais dû développer des approches de création beaucoup plus réfléchies, conceptuelles et dans lesquelles l’articulation de la démarche est primordiale, du moins si on veut être reconnu par les pairs et avoir accès aux systèmes de bourses. Même si j’étais en mesure de jouer le jeu, cela me faisait l’impression de vivre dans une bulle qui se maintenait dans des hauteurs intellectuelles, codées et balisées.

Vivre l’expérience du dépanneur m’a fait passer de ces hauteurs conceptuelles à l’expression au ras du sol. Merci pour ça!


Juste avant le geste de création

Il y a un instant qui m’est précieux, c’est celui de ce petit espace de temps en suspension, comme hors de toutes contingences, qui précède le geste de création.

Durant quelques secondes, tout l’être se met à l’écoute de l’inspiration intérieure, de ce qui veut s’exprimer.

J’adore discerner dans le regard de l’autre ce petit instant d’appel intérieur, cet instant de tous les possibles. Et puis, le souffle de l’inspiration surgit, et le geste de l’inscrire, de lui donner forme et corps sur la feuille ou sur le sol se manifeste.

Comment est-ce que la création du monde s’est faite, avant le fameux “Big Bang”, avant le surgissement de la volonté créatrice dans la matière? Est-ce qu’il y a eu un petit temps d’écoute intérieure, un inspir créateur?

Entre deux mondes…

Illustration inspirée d’un cliché du photographe Ryan Remiorz – Un grand merci au photographe ainsi qu’à son jeune sujet!

J’ai dessiné cette image parce qu’elle me touche personnellement. Je me reconnais en cet adolescent.

À son âge, je me retrouvais entre deux mondes, doublement déraciné de mon continent d’origine, en rupture de communauté et de culture, en apprivoisement d’un nouveau pays, et surtout avec un immense vide de sens. je ne parvenais pas à entrevoir l’avenir, si ce n’est sous forme de rêves inaccessibles.

Je passais énormément de temps dans ma chambre, ayant pour tout meuble un simple matelas à terre et un sac de couchage, à attendre…

Attendre quoi? Que le souffle passe, qu’une direction se précise, de retrouver un élan pour quelque chose, peu importe quoi…

En phase de transition, ayant quitté l’ancien mais n’étant pas encore vraiment partie prenante du nouveau.

Le déracinement d’une terre natale et la migration vers un autre continent laissent des traces, marquent une vie.

Heureusement, il y avait déjà le dessin qui ouvrait à un autre possible, à une dimension qui transcendait et réconciliait cet écartèlement entre deux mondes.

Et comme pour le jeune homme sur l’image, les murs de ma petite chambre étaient couverts de graffitis.

Cette impression de vivre entre deux mondes m’a poursuivi toute ma vie, et probablement que cela m’a amené vers une sensibilité à ce qui est vécu bien au-delà des frontières!

j’ai commencé jeune à copier des scènes de vie provenant d’un peu partout sur la planète. Tendance qui s’est confirmée avec le temps au travers de mon implication dans des initiatives comme Antennes de paix et Messages sans frontières.

J’inaugure aujourd’hui sur ce site une série d’images de divers pays que vous retrouverez dans la catégorie « Autour du monde ».