Hommage aux artisanes de vie

D’où vient l’inspiration dans le processus de création d’une illustration? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas de réponse systématique. En d’autres mots, c’est non prévisible, non planifiable. Du moins en ce qui me concerne.

Pour cette illustration que j’ai réalisé il y a maintenant plusieurs années, c’est en dessinant une artisane en train de tresser un panier que le texte “Hommage aux artisanes de vie” m’est venu, et non le contraire. Dans bien des cas, le texte est conçu avant l’image qui vient l’illustrer. Dans ce cas-ci, c’est l’image qui a fait émerger l’écrit!

C’est en me laissant toucher par les gestes tranquilles de cette artisane que s’est réveillé en moi toute la gratitude pour les femmes et mères qui quotidiennement, sans être motivées par une performance sociale ni par une recherche d’éclat mondain, tissent inlassablement l’essentiel de notre vie sur terre.

Ce qui m’a frappé, c’est de constater le peu de visibilité ou de reconnaissance sociale de la contribution des femmes et des mères en rapport avec l’immensité de l’œuvre qui est accomplie au travers de d’elles. C’est ce qui a motivé le texte ci-dessous, que j’ai écrit après avoir réalisé le dessin, et que j’ai publié par la suite à l’occasion de la Journée internationale des femmes.

Aux artisanes de vie

Hommage aux artisanes qui, même dans les conditions les plus inhospitalières, accueillent, enfantent et réactualisent sans cesse le don de vie!

Hommage à toutes ces femmes et mères qui inlassablement dans leur propre chair redonnent vie et espoir à l’ensemble de l’humanité par la répétition obstinée de la tendresse sous toutes ses formes!

Hommage aux artisanes de simplicité qui, quotidiennement à l’œuvre dans les activités les plus petites et humbles, sont pourtant profondément nourricières de vie, à contre-courant de la course stérile à la performance et au paraître!

Hommage aux artisanes d’amour et de réconciliation, qui patiemment invitent chaque petit humain en devenir au don de soi sans calcul ni frontières, et qui jour après jour rassemblent et tressent de leurs mains les morceaux épars de ce qui a été blessé, tranché, déchiré ou divisé!

À toutes les artisanes de vie, de tendresse et de guérison, un immense merci du fond du cœur!

Simplicité et abondance

Toujours dans la catégorie “Archives”, je prends le temps de revisiter certaines anciennes illustrations. Quitte à les mettre à jour en les retravaillant, ce qui est le cas pour cette image-ci!

Le point de départ de cette illustration, c’est l’association de la simplicité à la floraison de l’abondance dans la générosité.

L’abondance est représentée par l’image d’un arbre en fleurs.

Pour commencer j’ai pris une photo d’un petit pommetier pas loin de chez nous. Il faut mentionner que j’ai une relation personnelle avec cet arbre. À première vue, surtout en hiver, il ne paye pas de mine. Plutôt rabougri et chétif, marqué par le poids des années, un peu croche avec des branches cassées, et surtout le tronc et les branches entièrement piqués. Je m’attends chaque année à ce qu’il démissionne et cesse de porter feuilles, fleurs et fruits.

Et puis, contre toute attente, dans sa grande vulnérabilité, il reprend vie et offre une prodigieuse floraison printanière, ainsi qu’une abondante récolte de pommettes à l’automne, et ce à mon grand émerveillement. Tellement de gratitude pour cette résurrection de ce qui semblait mort!

Cette grande abondance, je l’associe sur un plan affectif à la générosité de cœur des personnes porteuses de trisomie 21.

Ces personnes, que l’on mentionne généralement comme “présentant une déficience intellectuelle”, révèlent en fait souvent une surabondance de cœur. C’est comme si leur simplicité intellectuelle leur permet de laisser transparaître pleinement leur grande richesse relationnelle. Laquelle s’exprime au travers de la confiance qu’ils vous accordent spontanément et au moyen de leurs sourires et câlins.

De ma propre expérience, entre autres avec mon ami Gil, les personnes trisomiques vous gratifient d’un attachement et d’un amour d’une grande pureté, sans évaluation, ni attentes, ni calcul.

Dans l’illustration, j’ai voulu représenter cette communion de cœur en m’inspirant d’une photo de deux filles trisomiques dans les bras l’une de l’autre.

J’aime beaucoup cette association entre les deux personnes douées de simplicité intellectuelle et celle de l’abondance d’un arbre en fleurs.

Pour le montage final, effectué sur le logiciel libre Krita, j’ai fusionné la photo de l’arbre en fleurs avec un fond réalisé à l’aquarelle, ajouté une cache pour rendre les contours irréguliers, et enfin superposé le tracé des personnages avec une légère transparence.

Labour et récolte – Archives

Cela fait un certain temps que je me proposais de partager le processus de création de certaines illustrations.

Dans la nouvelle catégorie “Archives”, j’entreprends un retour sur des images créées dans un cadre professionnel, tout en détaillant le processus étape par étape.

Labour et récolte – Illustration créée pour la revue Notre-Dame du Cap

Depuis très jeune, j’ai été attiré par la combinaison du dessin et de la photo. C’est sans doute pour moi comme un rappel du fait qu’il coexiste plusieurs dimensions dans la vie, une plus visible, et une autre plus subtile et moins perceptible. La première étant à mon sens représentée par la photo et la deuxième par l’image dessinée.

J’ai voulu explorer la combinaison de ces deux dimensions au travers de cette série d’illustrations.

Dans la présente image, je cherchais à mettre en valeur la juxtaposition de deux thèmes universels qui m’ont toujours beaucoup touché, celui du labour et de la récolte.

Je n’ai pas été élevé sur une terre, et ces réalités agricoles ne font pas partie de ce que j’ai vécu. Néanmoins elles me sont très chères, autant intérieurement qu’extérieurement. L’acte de labourer la terre, celui de semer et celui de récolter l’abondance constituent pour moi une des grandes merveilles de l’existence.

J’ai voulu en quelque sorte leur rendre hommage dans cette image.

Étape par étape

Dans un premier temps, pour le fond des champs labourés, je voulais rendre un effet plus large que celui d’un seul lopin de terre qui serait en train d’être travaillé. J’ai en conséquence été chercher un grand nombre d’images de champs retournés. Puis je les ai sommairement juxtaposés en fonction de la perspective et de l’angle de vue, de façon à permettre une continuité entre les images.

Disposition des images brutes avant leur harmonisation


Ensuite, au moyen de l’outil aérographe en mode efface du logiciel libre Krita, j’ai doucement estompé la séparation entre les photos de façon à faire disparaître les contours et à les fondre les unes aux autres.

Pour harmoniser davantage les teintes et les textures, j’ai ajouté un fond de papier parcheminé en mode “multiplier”.

En vérité, c’est comme en cuisine, tout est une question de dosage et les différentes couches doivent sans cesse être ajustées pour mieux être fusionnées.

Fond des champs labourés après leur harmonisation


Pour les personnages, j’ai compilé un grand nombre d’images de labour et de récoltes sur le web avant de trouver ce que je cherchais.

Je préférais dans ce cas-ci avoir une scène à l’ancienne, dans laquelle l’animal et l’homme collaborent ensemble pour labourer la terre.


Pour ce qui est de la récolte, j’ai été touché par l’image d’une jeune fille portant en ses bras une généreuse et abondante récolte de légumes du potager. Après avoir tracé et simplifié les deux images, je les ai intégrées au fond, tout en dosant leur transparence.

Pourquoi en transparence, parce que je voulais davantage évoquer la présence de ces sujets plutôt que de créer une scène crédible et réaliste. Surtout que sans cette transparence les dessins et le fond sembleraient plaqués artificiellement l’un sur l’autre, sans lien entre les deux. En particulier parce que que la mise en valeur des dessins a été faite au moyen de simples aplats, sans nuances ni ombrages.

À priori, cette combinaison dessin-photo n’est pas une approche qui est préconisée en illustration, en raison d’une perte de cohérence stylistique. La juxtaposition des personnages avec un rendu en aplats sur un fond plus réaliste et nuancé est davantage utilisée en animation, une forme d’art qui m’a beaucoup influencé.

Je reconnais volontiers que plus jeune, je me suis largement nourri aux biberons du dessin animé et de la bande dessinée. J’y retrouvais bien plus matière à rêverie que dans des images qui tentaient de reproduire trop fidèlement les apparences de la réalité.

Mais vu que je me laisse facilement séduire par l’attrait des images, j’ai découvert par la suite la beauté et la sensibilité d’un grand nombre de médiums et d’expressions picturales, comme on pourra le voir dans la suite de cette rubrique intitulée “Archives”.

Ici les anciens avaient épousé cette terre

On m’avait parlé des coureurs des bois, des premiers colons, des bucherons et des défricheurs.

Mais quand je remontais le long des rivières, m’aventurant sur les rivages vierges, je découvris une toute autre présence, beaucoup plus profondément ancrée et enracinée dans le sol.

Ici la nature avait été laissée intacte, non modelée par la main des hommes comme dans les vieux pays. Ici les anciens avaient épousé cette terre, l’avaient aimé avec respect sans l’altérer.

(Célébration de la Journée nationale des peuples autochtones)