Une expression qui cherche à trouver sa place!

Mon implication dans le domaine des arts a fait en sorte que je sois souvent appelé à siéger à titre de membre de jury. Et ce pour sélectionner des artistes dans le cadre de projets artistiques ou de l’attribution de bourses.

Je m’y sentais un peu comme un imposteur.

Qui dit jury sous-entend “jugement”, et qui dit jugement amène nécessairement à l’évaluation de la pertinence d’une démarche en fonction de certains critères. À priori, c’est tout à fait normal. C’est comme ça que la société fonctionne me dira-t-on.

Sur un plan social, nous nous entendons sur le fait qu’il est “normal” que l’on juge le comportement d’un individu à partir de sa conformité à certaines règles issues de la collectivité. Règles qui d’ailleurs varient selon les cultures et pays.

Sur le plan artistique, la recevabilité d’une demande est évaluée par un jury de pairs, c’est-à-dire par d’autres artistes professionnels, ce qui est à priori tout à fait logique.

Ce qui l’est moins, c’est l’entente implicite d’un certain nombre de ces professionnels pour privilégier une certaine forme d’art au détriment d’une autre. Dans l’histoire des civilisations il y a toujours eu des formes d’académismes qui ont procédé en idéalisant certaines approches ou styles formels, rejetant du même coup les autres types d’expression plus marginales. Le tout entraînant inévitablement des exclusions menant à l’émergence de contre-cultures, comme par exemple le “Salon des refusés” où se retrouvaient  les peintres qui avaient été exclus des salons élitistes de l’art académique. Jusqu’à ce que la nouvelle vague ou mode devienne et fixe à son tour ses propres règles de priorisation et d’exclusion.

Ce qui m’a toujours fasciné à titre de membre de jury, c’est la rapidité avec laquelle certaines expressions artistiques étaient systématiquement rejetées parce qu’elles ne s’intégraient pas dans le discours artistique dominant. À ce titre, mentionnons que l’art contemporain a, comme tous les mouvements artistiques, son propre langage et ses propres règles.

Comment peut-on juger, surtout à une époque où l’expression individuelle est particulièrement valorisée, qu’un artiste dont la démarche est sincère, authentique et soutenue, soit systématiquement exclu sur le simple fait que son art ne correspond pas aux critères de l’art dominant?

Ce processus d’exclusion systématique de celles et ceux qui ne se conformaient pas à une forme de langage contemporain m’était particulièrement souffrant. Peut-être parce que je savais pertinemment que je ne rentrais pas moi-même dans le moule dominant même si j’étais très impliqué dans des organismes en art contemporain.

Sans rentrer dans les détails, la variété de mes intérêts ainsi que mon interdisciplinarité m’amenaient à des approches qui mêlaient différentes catégories en art et en implication sociale. Il en résultait des formes d’expression qu’on pourrait qualifier de “bâtardes”, très éloignées de la pureté de démarches beaucoup plus focalisées et respectueuses de certaines contraintes artistiques.

Toujours est-il que que je ne “fitais” à peu près jamais dans les cadres des initiatives en art contemporain, auxquelles pourtant je contribuais activement en m’impliquant dans leur développement.

Cette longue introduction pour parler de la production de la vidéo “L’appel à la pluie”, une démarche artistique sincère, mais qui a eu de la difficulté à trouver son propre canal de diffusion jusqu’à aujourd’hui.

Si cette vidéo a manifestement eu de la difficulté à identifier un canal de diffusion qui aurait pu l’accueillir au moment où elle est sortie, l’émergence actuelle des médias sociaux permet aujourd’hui une autre forme de partage, beaucoup plus ouvert et infiniment moins sélectif.

J’avais proposé dans le dernier article de présenter le récit de la vidéo sous forme de storyboard, et puis par après de diffuser la vidéo telle quelle. Suite à des contacts avec l’équipe de tournage, j’ai décidé de procéder à l’inverse.

Je vais donc partager durant les prochaines semaines des extraits de “L’appel à la pluie” sous forme de série web à raison de plusieurs extraits par semaine, et ce sur ma propre page Facebook :
https://www.facebook.com/profile.php?id=100008235878004

Ces mêmes extraits seront repris mensuellement sur le site du Petit Parc.

Un grand merci au Centre de production Daïmon qui a fourni il y a une trentaine d’années les équipements nécessaires dans le cadre de son laboratoire de recherche : Une simple camera S-VHS et un accès à une chaîne de montage préhistorique linéaire, en “AB Roll”. Nous reviendrons sur ce sujet!


L’Appel à la pluie

Synopsis de la vidéo

C’est essentiellement l’histoire de trois personnes qui ont de la difficulté à communiquer entre elles tant elles sont éloignées l’une de l’autre dans leur monde intérieur. Les trois personnages principaux, un homme, une femme, et une jeune fille, en arrivent accidentellement à se côtoyer tout en évoluant dans des mondes parallèles.

L’homme, plutôt cartésien, cherche avant tout à avoir un contrôle sur le flux de la vie. Il veut obtenir plus de prise sur ce qui semble lui échapper, lui filer entre les doigts, telle la fluidité de l’eau qu’il est difficile de retenir. Il en vient à concentrer ses pensées sur la construction d’un barrage parfait.

La femme, tout au contraire, est en quête de fluidité, cherchant constamment à renouer avec une vie plus intuitive et sensorielle. Elle vit une période de flottement professionnel et cherche sa raison d’être, entre autres au travers de réminiscences de sa vie passée.

La jeune fille est une “enfant du silence”. Elle vit dans un autre monde et ne réagit à aucun stimuli. Elle est comme ailleurs, ne parle pas et semble totalement absente à ce qui se passe autour d’elle.

La femme, intriguée par le mutisme de la jeune fille ne peut s’empêcher de se rapprocher de cette enfant  et tente par tous les moyens de la ramener dans notre monde.

D’une certaine manière, chacun des personnages illustre une tendance contemporaine axée sur une vie plus individualiste, en perte de sens et de capacité de communication avec l’autre.

Cependant, il y a une autre vedette incontestée dans cette vidéo, c’est l’eau! L’eau retenue, l’eau jaillissante, l’eau liberée, l’eau de la pluie, l’eau des larmes et plus encore!

Tout ces personnages se sont confirmés en cours de tournage. Il n’y a jamais eu de scénario préétabli, juste des pistes d’exploration.

Comme le spécifie le réalisateur en amorce du premier montage :

“Le document que vous allez visionner ne raconte pas une histoire, du moins pas une histoire comme on l’entends habituellement. Cette histoire n’a pas d’abord été imaginée, écrite  et scénarisée pour être ensuite soumise à des producteurs. Il n’y a pas eu de sélection de comédiens pour incarner des personnages. Ni une personne pour les diriger en fonction d’un scénario.”

En fait, ce document est parti de presque rien. D’un homme, d’une femme, …et vaguement d’une écluse.

Il a été tourné sur le vif, jour après jour, sans autre budget ou moyens qu’une caméra et que quelques cassettes vierges, comme on écrit un livre, page après page, sans autre accessoires qu’une plume et du papier. 

Peut-on vraiment réaliser un tournage avec la même légèreté qu’un acte d’écriture, dans un état de disponibilité au présent, en adhérant au quotidien, sans rechercher l’effet extérieur mais plutôt en étant attentif au non-dit, à ce qui se passe au dedans des êtres? 

C’est la question qu’on a voulu se poser dans ce tournage expérimental, où chaque scène apparaît un peu comme une page arrachée à un journal personnel, journal que chacun est invité à reconstituer à sa façon.

Cette approche “bâtarde” se situe à la croisée du récit filmique, du cinéma-vérité, du montage poétique, du documentaire et du tournage expérimental. Ce pourquoi il n’a jamais pu trouver vraiment sa place dans aucune de ces catégories.

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Récit – Raconter une histoire sous forme de storyboard

Dans nos réunions du Petit Parc, auxquelles vous êtes chaleureusement conviés, nous avons proposé d’augmenter le contenu narratif de notre plateforme de blogues.

C’est dans cet esprit que l’équipe de tournage de la vidéo “L’appel à la pluie” vous présente le storyboard de cette vidéo sous forme d’épisodes à suivre.

L’art du storyboard

Le “storyboard”, ou “découpage technique” en français, est un art en soi, même s’il est généralement méconnu du public.

À la croisée entre le récit littéraire, le diaporama, la bande dessinée, le photoroman et le film, le storyboard permet la lecture d’une histoire avec une approche très différente.

La formule paraît au début un peu rebutante, moins linéaire et fluide que le récit littéraire, beaucoup moins enveloppante et immersive que la version filmée, moins graphiquement homogène que la bande dessinée et le photoroman, et enfin moins facile d’accès que le simple diaporama.

Et pourtant, à la croisée des genres, le storyboard permet une liberté d’évocation et de réflexion beaucoup plus grande que le récit immersif.

La première de cette liberté est celle de ne pas être soumis à l’imposition rigide d’un temps de visionnement, comme c’est le cas pour un film à l’intérieur duquel le spectateur n’a pas le choix de s’arrêter. C’est d’ailleurs ce qui contribue à rendre crédible l’histoire filmée, le fait que l’on n’aie pas la latitude de prendre un recul.

La lecture d’un storyboard n’est pas paresseuse, il faut y donner du sien, l’imagination active et le travail de synthèse y sont particulièrement sollicitées. Nous ne sommes plus dans une position de consommateur passif, nous participons directement à la réflexion de la personne qui conçoit et réalise le récit

De fait, le storyboard nous invite à rentrer plus profondément dans la dimension intérieure du créateur ou de la créatrice.

Certains storyboards regroupent tout un ensemble de notes, croquis, photos, exemples de son d’ambiance, ce qui demande au lecteur tout un travail de synthèse.

Et pourtant il y a là une richesse dont on est peu conscient lorsque l’on se laisse porter passivement par la trame d’une vidéo.

Nous vous invitons à tenter l’expérience de la lecture d’un storyboard. Celui que nous vous proposons est un “post-storyboard”, c’est-à-dire que le découpage technique a été fait après un tournage exploratoire sur le terrain, et non avant comme c’est le cas habituellement. Les images et les dialogues sont directement tirés de ce tournage qui a été filmé dans un vieux format, en S-VHS, il y a une trentaine d’années.

L’assemblage a été fait sur une ancienne table de montage linéaire, en “AB Roll”, dans le studio de production Daïmon, à Gatineau. Le storyboard sera présenté sous forme d’une série d’épisodes à suivre en fichiers PDF que vous pouvez sauvegarder sur votre ordinateur. Nous présenterons les épisodes en vidéo tel quel par la suite. Des détails de l’expérience de tournage seront également partagés dans chaque article présentant un épisode.

Vous êtes invités à vous abonner à la plateforme du Petit Parc pour suivre le récit complet.

L’appel à la pluie – Épisode -1

Une femme, sur un bateau de croisière,
en quête de ses souvenirs d’enfance oubliés
(post-storyboard)

https://lepetitparc.ca/manu/wp-content/uploads/sites/3/2025/02/AppelPluie-StoryBoard-Scene-1-1.pdf