Quand nous avons acheté le fond de commerce du dépanneur Sylvestre, nous n’avions pas encore la grande salle dans le local d’à côté. Une minuscule cuisinette, située juste à droite en entrant, servait alors d’espace d’exploration pour de nouvelles activités, à la grande surprise des clients.
Ce petit espace et les activités qui s’y déroulaient suscitaient bien des interrogations et des commentaires.
Un jour, un jeune homme est rentré avec son cellulaire à l’oreille. Il parlait à voix haute avec sa mère qui était au bout du fil.
Arrivé à la caisse, il dit à sa mère :
“hé mom, ils sont ben fous dans ce dépanneur, ils sont en train de dessiner dans un coin!”
Puis, après avoir payé ses achats à la caisse, il sort.
Deux secondes après, il ouvre à nouveau la porte, tend sa tête dans notre direction, et s’écrie :
“En tout cas, je vous aime!”
Puis il sort et continue son chemin dans la rue.
Pour ce qui est du fonctionnement du dépanneur lui-même, les clients percevaient bien que nous n’étions pas des véritables commerçants.
En fait, aucun d’entre-nous n’avait de l’expérience dans la gestion d’un dépanneur.
Nous avions un peu l’impression d’être des enfants qui “jouaient au petit magasin”. Plus souvent qu’autrement, il nous fallait faire attendre les clients à la recherche des prix de chaque item, et aussi retrouver ce qui était taxable ou ne l’était pas.
Petit à petit, nous avons progressivement abandonné la vente de certains produits, à la demande de personnes en inclusion qui y voyaient des incitations à consommation et à l’entretien des dépendances. Nous avons ainsi été le premier dépanneur de la région sans bière ni cigarettes!
Les illustrations ont été réalisées à l’époque dans le cadre d’un projet de site interactif à propos du dépanneur Sylvestre en collaboration avec “Parole citoyenne” de l’ONF