Michel Pepin, poète atypique,
a la plume qui fait parfois réfléchir et souvent émeut.
Il nous ouvre son coeur généreux,
expose ses tripes,
et nous fait voyager au coeur de sa réalité.
Qu’il nous permet de découvrir, et à notre rythme d’apprivoiser
Michel Pepin
Par son témoignage, il m’a fait le cadeau d’accepter de lancer le volet : ” Visages et parcours de porteurs de handicaps” !
Tout feu, et les yeux pétillants (c’est ce que je percevais au téléphone), Michel Pepin m’a tout de suite lancé:
” LIBERTÉ !!! Aujourd’hui, c’est un grand jour !”.
L’enregistreuse m’a joué des tours, et n’a pas capté les premières minutes… Mais ma mémoire se rappelle la joie profonde qui l’habitait, lorsqu’il m’annonçait que la station de métro Jean Talon était enfin accessible, lui permettant de voir son fils sans prévoir plusieurs heures à l’avance !
Ouf, j’ai senti l’euphorie que ce doit être, de pouvoir juste être autonome dans ses déplacements (ce que la plupart prennent pour acquis) ! De pouvoir, à la toute dernière minute, accepter une invitation impromptue à rejoindre son fils ou un ami pour un repas ou pour le cinéma ! Ou même juste pour se rencontrer ! (Note pour les non habitués du transport adapté : il existe certes dans plusieurs municipalités un service de transport porte à porte pour les personnes à mobilité réduite. Fort pratique, que dis-je! fort essentiel, ce service n’est pas des plus intuitifs, et exige que l’usager réserve chaque déplacement plusieurs heures à l’avance (par exemple, avant midi la veille).
Pour commencer l’entrevue, j’ai demandé à Michel Pepin de me parler de lui, de l’avant et l’après diagnostic. C’est un parcours plutôt tortueux qu’il m’a raconté avoir traversé avant l’arrivée de la Sclérose en plaques. « La vie avant la maladie, je la mettrais entre guillemets. Je courais toujours après moi, j’essayais toujours de me fuir, mais je m’en rendais pas compte à ce moment-là. J’ai quitté l’école super tôt, j’ai été abusé, j’ai pris de la drogue, vraiment beaucoup… J’ai fait du tort à plein de gens… J’avais des petites jobs. Toujours presqu’au salaire minimum. Puis j’suis retourné à l’école pour suivre un cours. Je travaillais avec les animaux. »
Après une relation difficile de laquelle sont nés ses enfants, dont il eu la garde pendant des années, il a reçu le diagnostic de la maladie. Choc difficile, qui lui en a fait voir de toutes les couleurs.
Résistance, puis acceptation, don et rencontres
Michel m’a dit qu’au début, il n’acceptait pas trop la maladie. Lui qui marchait toujours beaucoup, se baignait et faisait du sport. L’arrivée de la SP a été difficile.
« Pis un matin j’me suis levé, j’ai dit: OK, j’veux faire quelque chose de bien. J’suis écoeuré d’être dans un marasme. ». C’est ainsi qu’il est allé sur la rue Fleury, pour donner ses poèmes aux gens. C’est devenu sa routine pendant 8 ans, à tous les jours. « Peu à peu, les gens m’écoutaient, et me parlaient, me donnaient l’estime de moi. J’avais rien, j’étais tout nu, pis sur le trottoir, j’avais tout perdu. Pis les gens m’aimaient pour ce que j’étais. C’était la première fois de ma vie… Ils m’ont appris à m’aimer. J’me suis dit : Ces gens-là sont beaux! Et moi aussi, je dois être beau. On s’attire toujours les gens qui nous ressemblent. À travers ça, il y a des gens qui m’ont aidé à publier un livre, pis deux, pis trois! ».
Puis lors d’un passage dans un centre pour toxicomanes, il a fait la rencontre d’une femme qui chamboulera son cœur, et ranimera la flamme qui l’habite. Il précise qu’elle « n’a rien d’une droguée ». Elle n’y était pas en thérapie. J’entends encore sa voix allumée : « C’est une femme instruite qui voyage, qui a un bon travail ». Cette rencontre a été le point tournant qui l’a décidé à arrêter de consommer. Contre toute attente! La Vie a de ces façons de nous faire un clin d’œil, là où l’on s’y attend le moins ! Il est entré en relation, « même si j’suis malade, j’suis tout croche, pis que j’ai un passé de fou! ».
Émergence
« Là ça fait cinq ans que j’accepte plus la maladie. Ça fait trois ans que je suis sobre, que j’ai pas pris de drogue. Pis que je vais très bien ».
Michel sait maintenant que sa perception de la vie, au-delà du handicap, peut avoir un impact majeur, autour de lui.
« Je me vois même pas comme un handicapé. Ça m’énerve quand le monde dit ça. Tout le monde a un handicap. Que ce soit des lunettes, un handicap social, un handicap de stress, pas capable de parler devant le public, un handicap amoureux, n’importe quoi ! Un mauvais passé, alcoolique… tout le monde! Moi j’ai jamais connu personne qui n’a pas de handicap. Tout le monde est un handicapé à quelque part, d’une certaine façon. Tsé oui, j’ai des handicaps, mais je ne suis pas une personne handicapée. Je suis une personne avec des handicaps comme tout le monde. Si moi je suis handicapé, tout le monde l’est! ».
(Fin de la première partie)