Mois : septembre 2015

Le corps, dans tous ses états

  1. Souvenirs

Il y a quelques lunes, j’ai entrepris, avec l’aide d’une bonne amie,  un grand ménage de toutes mes photos. Comme un film qui m’a fait revivre plein de souvenirs heureux, et moins heureux (dont je n’ai en fait pas trouvé d’images), souvent entourée de ma famille et d’amis. Et ça me remplis de gratitude, de voir à quel point je suis si bien entourée ! J’ai la chance d’avoir famille et amis qui me sont précieux!!

Je me suis aussi revue à différentes périodes de ma vie : tantôt ado et boutonneuse, tantôt rayonnante, resplendissante et avec un corps et une taille dans lesquels je me sentais si bien ! Dans une forme à me permettre de vivre voyages, danse, ski de fond… et expéditions (dont une d’une semaine à 4000 mètre d’altitude sur la route des Incas, au Pérou) !

Et je me retrouve aujourd’hui avec un corps, disons, bon avec lequel je me sens moins, beaucoup moins à l’aise, et que je ne reconnais plus. Et mon amie qui a entrepris avec moi cette incursion dans mon histoire a maintenant le corps qui me rappelle tellement de bons souvenirs ! Et puis je me rends compte que toutes ces années passées avec le corps que je croyais parfait, eh bien, ce corps ne m’a pas apporté le bonheur… en fait tout le bonheur que j’aurais cru, ou que je croirais aujourd’hui…

La maladie me fait aujourd’hui voir et vivre le corps différemment. Elle me fait découvrir aussi, parfois péniblement, qu’il y a tellement autre chose de plus grand ! Que ma vie est ailleurs ! En fait un ailleurs pas si lointain, et n’excluant pas mon corps, mais se trouve plutôt à l’extérieur de ces fausses idées préconçues, de ces préjugés tellement forts et tenaces sur mon apparence, sur ma taille, et sur toutes ces choses, petites et grandes, que mon corps était capable d’accomplir et que je prenais pour acquis.

Je souhaite de tout mon cœur que la maladie m’apprenne à voir, à croire au plus profond de mon être que mon corps n’est pas une machine, mais mon allié, même si brisé, même si difforme, différent et incroyablement lent !!

J’espère arriver à l’aimer, car c’est à travers lui que je peux rencontrer, rire, embrasser, toucher, goûter, voir… et oui, aussi souffrir, ralentir, être maladroite, manquer de coordination, m’impatienter, être faible, fatiguée… et aussi tomber. Autant d’occasions et d’invitations à apprendre à demander (oh que ce n’est pas facile)! Et aussi à grandir !

« Visages et parcours de porteurs de handicaps »! – Michel Pepin (troisième et dernière partie)

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« La maladie m’a appris à faire confiance aux autres. Et aussi à voir la beauté des autres, des gens qui s’occupent de moi »

J’ai vu que Michel Pepin avait publié des articles d’Eckart Tolle sur sa page FaceBook. Je lui ai demandé si cet auteur-conférencier était aussi une de ses inspirations. Il répond que oui, comme plusieurs autres auteurs qu’il a lus (Michel me dit que sa copine étudie en philosophie, et qu’elle lui partage ses découvertes).

« Mon corps c’est un petit peu l’ego, pour reprendre les paroles d’Eckart Tolle.

La maladie m’a enlevé mon ego. Je pense que c’est une très bonne chose.

Pis ça m’a appris à faire confiance aux autres. Et aussi à voir la beauté des autres, des gens qui s’occupent de moi. Même si des fois, ils me font mal (il y en a qui sont là pour les mauvaises raisons, qui veulent juste leur salaire…). Mais il y a plein de belles rencontres, au travers ça, pis je trouve ça beau.

Ça fait prendre conscience qu’on est tous reliés. Qu’on est tous ensemble. Moi, sans les autres, je peux pas exister. Pis les autres non plus, sauf qu’ils ne le savent pas.

Il y a des impacts à chaque geste, chaque action qu’on fait… on est tous reliés ! ».

Michel croit qu’à chaque instant, nos paroles et nos gestes peuvent toucher et influencer, même à retardement, les pensées et actions de ceux qui nous entourent. «  Ce que je te dis, tu vas peut-être en parler. Ou peut-être après avoir raccroché, tu penseras pu pareil sur quelque chose. Tous les gens que tu vas rencontrer, il va peut-être y avoir une petite partie de moi (qui va être partagée).. Peut-être tu parleras pas de moi, mais ces gens-là, je vais les avoir touchés (à travers toi). Sans même les avoir rencontrés. Tu vois à quel point on est toutes reliés ? ».

Impacts de la maladie sur les relations

J’ai ensuite demandé à Michel Pepin si la maladie a affecté ses relations. « Avec mes enfants c’est sûr, parce que je les vois, (même si) peu souvent. Avec ma blonde, je l’ai connue j’étais comme ça. Mais comme c’est une maladie évolutive, c’est sûr, des fois ça fait des flamèches, là… ». Pour le reste, il n’a pas de contacts avec sa famille (ses frères et sœurs).

Il ajoute qu’il a du mal quand il sent que les gens ne l’acceptent pas tel qu’il est. « Moi je me casse pas la tête avec … Chu d’même, pis “that’s it” là… mais il y a des gens que ça dérange… ».

Et pour ce qui est de l’amitié ?  Est-ce qu’il y a des liens qui s’effacent avec la maladie?

Michel me répond que non, « parce que j’avais pas vraiment d’amis. Toute ma vie je me suis sauvé de tout le monde. J’ai pris de la drogue. Là, c’est sûr que quand tu prend de la drogue, les amis de cette période-là et d’aujourd’hui c’est pas les mêmes ! ».

Il dit qu’aujourd’hui, il a un ami, et sa copine, et qu’il se sent bien avec ça.

« J’ai jamais vraiment eu d’amis qui sont partis à cause de la maladie. C’est sûr, j’ai perdu mon travail,… plein de choses… mais des amis qui sont partis à cause de la maladie, pas vraiment ». Il dit qu’ils sont peut-être plus partis à cause de son attitude ou de ses gestes, que la souffrance lui a fait poser.

Et je lui ai demandé quel était son rapport avec les gens dans la rue (puisqu’il a parlé de la période où il allait souvent sur la rue Fleury). « Ça m’a permis de rencontrer des vraies personnes. Qui se concentrent pas sur l’apparence et l’illusion, sur ce que tu fais, sur

“dans quoi tu travailles”, sur comment t’es habillé, ta position sociale…

Ça m’a permis de rencontrer des gens qui sont vrais. Comme je le suis maintenant. C’est un filtre aux gens qui portent des masques.  Ça fait que je trouve que c’est une très bonne chose. ».

En Conclusion

Pour terminer, j’aimerais remercier Michel Pepin d’avoir accepté de présenter son parcours très inspirant.

Ça fait chaud au cœur de voir comment toujours, un chemin est possible, au-delà des embûches et quelle que soit l’adversité !

Cette entrevue est un peu comme la pendaison de crémaillère, pour lancer cette section du blog présentant d’autres visages de personnes vivant en situation de handicap, et ou de leurs proches aidants.

À voir :

– la page Facebook de Michel Pepin/poète :
https://www.facebook.com/michel.hammond.9/videos/110897032297498/?pnref=story !

(pour des poèmes, de l’information sur ses livres et sur son exposition)

-son exposition qui approche à grand pas  :

Vous l’avez sans doute remarqué, je suis poète

À lire :

-Ses 3 livres publiés

-un de ses articles publié dans le journal La Presse (http://plus.lapresse.ca/screens/f7b08f41-f637-4c18-89e4-e05e0a6c76ed%7C_0.html

Je laisse à Michel Pepin le mot de la fin. Voici un de ses très beaux poèmes, en fait, mon coup de coeur:

À VOUS

J’ai le souffle court
Édulcoré
Par chance
Il y a l’amour
Quand je me regarde le bras
Ce dernier rempart avant
La dépendance totale
Je me dis
Putain
Comme c’est merveilleux
Toutes ces merveilleuses virgules
Cette mécanique du corps
HUMAIN
Ma main et mon bras
Mes doigts
Que ferais-je sans eux
Putain
C’est assez les histoires
De peur
Par chance
Il y a l’amour inconditionnel
Au sein
De mon regard de marbre attendri
Il y a des millions
De gestes possible
Encore
Je me regarde le bras
Des larmes coulent
Ému
Devant toute la beauté
Des virgules du quotidien
Ces fractions du merveilleux
Silence
Surplombé par le désordre
De mon pupitre
Et mes doigts
Vous en glisse un mot

.mP.

crédit photo : MKL- Mikaël Theimer

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