Mois : mars 2016

Verre à moitié vide ou à moitié plein ?


Pourquoi faut-il toujours chercher à projeter nos peurs et nos monstres intérieurs? D’où vient cette croyance, si répandue, que c’en est fini, si on est un jour confiné à un fauteuil roulant motorisé ? Qui a dit qu’il faut absolument évacuer nos fragilités et nos vulnérabilités pour avoir une vie digne d’être
vécue? 

Un article du journal La Presse m’a ce soir mis profondément en colère. Et fait mal. Il porte le titre : Mourir dans l’indignitéOn y traite de la Sclérose en plaques, ou plutôt d’une dame qui en était atteinte. L’auteur, Patrick Lagacé, parle de Mme Louise Laplante qui a mis terme à ses jours il y a deux semaines, en cessant de s’alimenter.

Il y a des mots qui glacent le sang. Comme ceux choisis pour présenter la SP : « Durant la dernière année de sa vie, Louise Laplante était prisonnière de son corps : confinée à un fauteuil motorisé, incontinente, incapable de faire quoi que ce soit elle-même. La sclérose en plaques est une salope. »

Heureusement, hier, deux très beaux articles du Devoir présentaient un homme, Michel Pepin, poète atypique. Très. Au passé douloureux. Atteint lui aussi de Sclérose en plaques. Et d’une forme de qui semble avoir pris ses aises et a laissé des traces plutôt marquées.

Lumineux, l’article vient révéler l’homme derrière la maladie, le poète qui:  « s’entête dans son émerveillement. (…) » . Puis il raconte comment il cherche “toujours le beau, dans le petit et l’invisible. Le quotidien de Michel Pepin n’a pourtant rien de poétique. Sa vie est réglée au quart de tour. Ce qu’il mange, ce qu’il boit, jusqu’à son sommeil et ses moments pour se vider les intestins, « sinon, je suis dans la marde ». Littéralement …”.

L’article parle des souffrances que peut apporter la maladie. Il raconte aussi comment Michel Pepin, s’il doit rester 12 heures par jour assis dans son fauteuil motorisé à attendre l’aide nécessaire pour se coucher, a le goût d’apprendre à vivre autrement. « Je médite, j’écoute les cris des enfants dans la cour d’école. Et depuis peu, j’entends les oiseaux. ». Pour moi, cette entrevue est meilleure que du chocolat. Et me fait réchauffe le cœur. Merci Mme Lisa-Marie Gervais pour vos articles vivre dans la dignité, et Jusqu’au bout (http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/466642/jusqu-au-bout-de-soi), parus hier, le 26 mars ! Et merci, Michel Pepin, de partager la beauté, la lumière de ce qui échappe trop souvent au regard!

Pas le goût de comparer les deux parcours. J’ai juste besoin de dire que je suis moi aussi atteinte de cette maladie (la SP) depuis plus de 16 ans maintenant,et que je suis en fauteuil roulant motorisé depuis 2 ans. J’ai dû arrêter de travailler il y a quelques années, avant mes 40 ans. J’ai besoin d’aide pour fonctionner au quotidien. Je ne parlerai pas d’incontinence. Ni de la solitude, de l’isolement ou des sentiments de ne plus contribuer à la collectivité (qu’entraînent souvent le handicap, la maladie, le vieillissement ou toute autre forme de vulnérabilités). Il m’arrive aussi d’avoir envie de mourir.

En ce jour de Pâques, fête de la lumière, venant révéler la victoire de l’Amour sur la mort, j’ai envie de dire merci à la Vie. J’ai la chance d’avoir toujours eu quelque part une bonne étoile, des anges qui me ramènent à croire qu’il y a quelque chose de plus grand derrière, et même au coeur de la souffrance ! Et c’est de ce regard dont j’ai soif, et dont notre monde a tant besoin !  J’ai besoin d’entendre, de voir et de lire cet espoir! J’ai besoin d’apprendre à voir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide. Et je veux dire que je ne crois pas que la SP soit une salope!

Oui, c’est vrai, elle est venue réveiller une armée de peurs en moi. Et à cause d’elle, j’ai laissé tomber mon rêve d’aller oeuvrer toute ma vie en Afrique, en développement. J’ai dû faire plusieurs deuils. Et adopter un rythme incroyablement lent, que je suis encore à apprivoiser…

MAIS la SP m’a aussi appris tant de choses, emmené en des lieux insoupçonnés, fait faire tant de rencontres riches! Et dans les prochains jours, d’entrer en classe de formation à la fondation MIRA et de revenir avec mon chien d’assistance !

Et la SP me pousse, depuis ces derniers mois, à chercher, encore et encore comment la vulnérabilité et la lenteur, les tremblement et les sautes d’humeur peuvent permettre aux personnes plus vulnérables de nos sociétés, dont je suis, d’oeuvrer et contribuer, même à leur faible mesure, ou maladroitement, à la collectivité.

Pour que ça donne un sens  à nos existence, réduise la solitude. Et apaise les souffrances.

Merci à tous ceux et celles qui osez choisir de voir les petites et grandes lumières derrière les fauteuils, au cœur des vulnérabilités, des souffrances et des différences. Merci à tous les semeurs d’espérance!

Joyeuse Pâques!

levee de brume

Photo prise en bordure du lac de Malbuisson côté St Point, Malbuisson est en face sur la droite, invisible. Une ambiance matinale très courante, pas même besoin de se lever tôt !

 

Quand une chute (au sol) réveille la chute (qui ranimera la petite rivière) Ou quand une chute banale et sans heurt devient l’OCCASION qui entraînera une chaîne d’entraide qui, plus que me relever du sol, me sortira momentanément de ce qui m’apparaît parfois (et plutôt souvent en ce moment) un gouffre, une spirale abyssale de solitude !

 

main-entraide

Merci tellement, la vie, pour cette vague d’entraide qui réchauffe mon cœur !
C’est fou à quel point la peur de déranger et les désirs tenaces d’être autonome, efficace, le plus “normal“ possible nous coupent littéralement des autres !!

Surtout dans un monde où capitalisme- individualisme-efficacité-jeunesse éternelle-et culte du vite-vite-vite évacuent et mettent à l’écart toute vulnérabilité, maladie, handicap, tout ce qui prend de l’âge et dont le rythme est plus lent…

J’ai eu la chance de vivre ce soir un entracte ! De voir que la coopération, l’entraide, l’empathie et la chaleur humaine ne sont pas que des vestiges de notre patrimoine !

Je suis tombée par terre lors d’un transfert. J’aurai bien quelques bleus sur les fesses, mais vraiment rien de grave, rien qui ne vaille la peine de raconter. Jusqu’ici. La suite est plus palpitante (vu d’une personne à mobilité, et au rythme réduits) : n’arrivant plus à me relever seule quand je suis par terre, j’ai essayé de joindre quelques amis au téléphone (il me suit partout, le téléphone : dans un sac accroché au fauteuil, à la marchette, ou en bandoulière). Sans succès. Normal, pour un vendredi soir… Je m’y attendais un peu, et me disais que je devrais peut-être attendre quelques heures sur mon plancher de céramique (ça garde les idées au frais), puis j’ai ouvert mon compte Facebook. Et puis le flash est venu : Pourquoi pas envoyer un appel à l’aide ? J’étais plutôt sceptique : en fait, comme je ne vais plus beaucoup sur Facebook, je ne savais vraiment pas si des gens s’y brancheraient un vendredi soir… et aussi s’il y en aurait qui auraient le goût de jouer au secouriste. … et fallait surtout dépasser ma peur de déranger.

Cette chute au sol m’a invitée à oser. Oser montrer ma vulnérabilité. Oser demander de l’aide ! Même à 18h30 un vendredi soir. Car, « c’est clair que tout le monde se la coule douce entre amis, ou se retrouve en famille pour une détente bien méritée ou pour magasiner ou je ne sais trop quoi… » , que je me dis.

C’est fou, c’est comme si c’était une montagne infranchissable. Le monde Everest, que de demander ! … Et pourtant !… Suffit d’un appel, un tout petit appel… Ok, quelques-uns (mais un seul, sur FB). Et quelle fut ma surprise de lire les réponses : même d’amis à des centaines de kilomètres ! Ça m’a tellement fait chaud au cœur ! Et de voir mes voisines et voisin arriver pour m’aider… et aussi même juste pour jaser. Même juste quelques minutes.

De quoi me réconcilier un peu avec les réseaux sociaux ! Je suis bien sur Facebook, mais y vais de moins en moins… Besoin de contacts vrais. La solitude qu’entraînent handicap, maladie et perte d’énergie est parfois, souvent intense. Je suis heureuse de pouvoir avoir des nouvelles des gens qui m’entourent, des gens que j’aime, seulement en un clic !

Mais il n’y a rien comme le contact direct. La chaleur d’un câlin, d’un sourire. D’une visite éclair, le temps d’une tisane ou d’un repas.

Je sais, à notre époque, on (*) a de moins en moins le temps pour des rencontres avec ceux qui nous entourent. Et peut-être encore moins avec les plus vulnérables, ceux qui ne partagent plus cette course effrénée… Et qui n’ont plus grand-chose à raconter… Et peuvent être ennuyants, et même nous déranger (pas toujours agréable de voir la vulnérabilité de l’autre, ce miroir de sa propre vulnérabilité).

Et depuis plusieurs mois, je cherche. Je me demande c’est quoi le chemin. Je n’éprouve pas le besoin ou même l’énergie d’avoir des loisirs ou même juste de jaser pendant des heures…  Mais plutôt ce besoin fort d’être à l’œuvre, même différemment ! Et pas toujours en solo ! Quand on ne travaille plus, quand on a ni conjoint, ni enfants, et plus la possibilité de s’impliquer comme avant dans la communauté, le temps (surtout celui où l’énergie s’est envolée) devient comme un  sablier qui en finit plus de couler… (j’y reviendrai, dans un prochain article).

Je sais que de plus en plus de gens (et ça risque de s’amplifier, avec le vieillissement de la population) vivent une forme ou une autre de solitude. Et pas juste les personnes les plus vulnérables !

Il est clair que les réseaux sociaux répondent à un besoin d’être lié à notre monde… Besoin d’étancher ces soifs de présence, de lien, d’amour, d’amitié, de complicité, de rire…et aussi peut-être ces soifs plus ou moins conscientes de sens, de don de soi !

Mon expérience de ce soir m’a permis de croire ! De croire, oui, en l’importance des réseaux sociaux, mais surtout en la grande humanité qu’ils révèlent, et qui n’est pas que mirage sur fond d’écran.

Et c’est bon ! Merci la Vie ! Et merci mes amis Facebook !

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(*) Ici, le “on” m’inclue, car il m’arrive encore, plus rarement, mais quand l’énergie revient, de vite me laisser emporter par cette hâte d’accomplir une montagne de trucs qui pressent tous plus les uns que les autres!

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