Étiquette : amour
*-Quand j’aime une fois,
J’aime pour toujours.’, Richard Desjardins
«La seule chose que je touche dans ma vie, c’est euh, c’est la manette de mon fauteuil électrique. Voilà. Voilà ce que je touche. Je ne sais pas ce qu’est le toucher. Je ne sais pas ce que c’est que toucher l’être humain.” -‘Patricia, comédienne 38 ans, atteinte d’une maladie invalidante. Paris.
Il y a près d’un an, j’ai eu le bonheur d’assister à une conférence de Chloé Ste-Marie sur les proches aidants. Témoignage très touchant, rempli de tendresse et ponctué de touches de révolte face aux durs défis liés au handicap, à la maladie, au manque criant de ressources.
M’habite encore ce qu’elle a partagé sur combien elle avait à cœur que son amoureux puisse continuer à sentir sur son corps le toucher, la chaleur. Et aussi le plaisir, la joie, la vie que le toucher peut apporter !
Je le vis tellement ! C’est fou comment quand notre corps change, devient fragile et vulnérable, et aussi parfois douloureux, maladroit, lourd, et qu’il ressent les choses différemment… Eh bien c’est fou à quel point le toucher peut aider à nous réapproprier ce corps que l’on ne reconnaît plus !
Et comment le toucher peut nous réconcilier avec lui, nous aider à le réintégrer, à le vivre… Et à retrouver une communion si précieuse avec l’être cher ! Mais aussi avec soi-même, avec la Vie et avec tout qui nous entoure ! Et aussi une estime de soi qui devient souvent trop fragile : handicap et maladie effraient et font souvent fuir… Même des gens qui nous étaient proches…
***
Merci pour le plaisir de t’offrir un sourire sans fin,
pour la douceur de goûter le tien;
encore et en corps..
Et découvrir cet océan de tendresse au fond de ton regard ;
Merci pour le bonheur de savourer ton toucher sur mon lys, mon nénuphar;
Oh joie: il ne déclenche pas à cet instant, instantanément
l’ouverture des écluses qui, généralement,
contiennent ruisseaux ou fleuves plutôt sauvages,
cadeau de la SP quand elle montre son visage.
Merci pour le plaisir renouvelé de sentir la caresse de mes monts nourriciers,
de mes dunes.
Ce toucher qui illumine et enveloppe d’une lumière irraisonnée,
d’une lueur comme celle de mon amie la lune.
Or le toucher apporte aussi des lendemains vertigineux, où le contraste, l’absence (plus marquée quand on est célibataire) me fait vivre froideur, peur, et serre très fort mon cœur !!!
… Belle invitation à vite me rebrancher à mes priorités, à cette source qui m’habite au plus profond et d’où jaillissent cette chaleur, cette tendresse, cet amour qu’on a tous tant besoin de partager…
Et non pas seulement par le toucher !
Oui, merci la Vie de me donner de rester branchée à mon essentiel,
pour que tout cet amour, cette tendresse, cette volupté
continue encore et encore à circuler dans mes veines,
et surtout rayonner bien au-delà de mon épiderme,
abondamment…
peu importe comment !
***
« Le corps est cette oeuvre d’un grand luthier qui aspire à la caresse de l’archet. « Tout ce qui vit aspire à la caresse du Créateur« , dit Hildegarde von Bingen. Séparé de la résonance à laquelle aspire ce corps, séparé de la musique pour laquelle il a été créé, il perd sa tension, il s’affaisse, il se laisse aller, il se désespère. Nous vivons à une époque où rien ne nous dit la merveille de l’ordonnance du corps ; on croit vraiment que se laisser aller est une manière de se sentir mieux, personne ne nous signale : attention, ton chevalet est déplacé, ta corde est distendue, le maître ne peut pas jouer sur toi. Ces corps inhabités de tant d’entre nous aujourd’hui, qui, à défaut d’entrer dans la résonance pour laquelle ils étaient créés, vont se rouiller, se déglinguer, perdre le souvenir de ce qu’ils sont. Pourtant, nous le savons tous, la mémoire du corps est la plus profonde. »
-Christiane Singer, La leçon de violon
L’amour ! Handicap, maladie, ou non, l’amour est sûrement le thème qui a fait couler le plus d’encre partout sur la planète. Ou en tout cas, celui qui fait le plus vibrer le cœur, quels que soient l’héritage, les blessures ou le vécu.
L’amour demeure souvent L’ IDÉAL à atteindre.
Un idéal souvent forgé par la société, à coup de millions, de publicité de toutes sortes faisant miroiter des relations qui comblent tous les désirs, besoins et attentes…de chacun…
Depuis que je vis avec la SP et le handicap au quotidien, j’ai eu la chance de voir, d’expérimenter un peu, d’être témoin des défis supplémentaires que le handicap et la maladie peuvent poser à une relation.
Je sais, toute relation comporte son lot de défis, mais c’est tout particulièrement les relations affectives qui m’intéressent ici. Celles de personnes vivant en situation de handicap et ou avec une maladie chronique.
Tellement besoin de venir briser les tabous sur cette réalité occultée, que trop de gens ne peuvent ou ne veulent admettre, même en 2017. Tannée que les premières images qui viennent souvent à l’esprit des gens sur la chose soient celles de conte de fée, de Cendrillon ou encore de mélodrames, d’histoires inimaginables ou bien impossibles…
Avec l’expérience de la vie à roulettes, et ce que j’entends et perçois, l’amour a, comme pour tous, ses hauts et ses bas. Certes de nombreux défis, difficultés et souffrances.. Mais aussi tout plein de tendresse, de caresses, d’intimité et d’amour.
Vous vivez en situation de handicap ?
En couple? Ou le souhaiteriez… Ou non ? J’aimerais bien vous entendre ou vous lire sur votre expérience de l’amour avec le handicap et ou la maladie…
J’aimerais partager, en toute confidentialité (ou non), des extraits de témoignages qui illustrent une réalité bien concrète…vécue près de chez nous ! Et démystifier, présenter l’amour tel qu’il est vécu, rêvé, souhaité.. par des personnes vivant en situation de handicap et ou avec une maladie chronique.
Si le cœur vous le dit, écrivez-moi en privé à l’adresse lienhandicap@gmailcom. J’ai hâte de lire comment l’équation amour +handicap+maladie prend forme, prend vie dans votre quotidien ! Vous pourrez aussi simplement choisir de répondre à mes questions.
Parce que c’est plus facile de partager ses états d’âmes ombragés quand se pointent enfin des percées de lumière et d’énergie, je partage aujourd’hui ces mots qui m’habitent, transitent et qui dansent en moi depuis trop longtemps maintenant. Non pour répandre cette noirceur, mais plutôt un peu pour partager ce que vivent plusieurs personnes à roulettes (et j’imagine aussi tant d’autres personnes…), mais surtout pour dire courage ! Tenez bon ! Même après ce qui peut nous sembler une éternité, la lumière nous revient, même si on doit parfois parcourir tout un chemin, traverser mers et marées avant que la lumière puisse se frayer un chemin en nous et percer !
Extrait de mon carnet de voyage :
J’essaie, oui, j’essaie de changer le regard sur le handicap ! En fait, je souhaiterais tellement qu’on l’oublie tout le temps, ce fauteuil, qu’il devienne invisible !!! … Et d’abord, tout d’abord pour moi !!!!
Zut !!
Et puis s’il y avait que le fauteuil ! Bah non, y a aussi la chère maladie, SP de son prénom, qui vient trop tout foutre en l’air !!!
Par exemple, les intestins et la vessie qui, comme le font tant d’ados ou de rebelles à toute autorité, perdent tout signal ou coupent contact avec la tête, font ce qu’ils veulent et ignorent les besoins de l’ensemble !!!
Ça te bousille une journée quand ils décident de faire la fête !! Et dois-je dire que Madame (vessie) ne se gêne pas pour célébrer et aime les fêtes bien arrosées !
Concréto: on fait quoi quand ils décident de se vider avant d’arriver à la toilette ? Et que ça me vide complètement de mon énergie ? (*)
Ces moments où je me dis que je devrais peut-être envisager d’aller habiter dans un endroit comme Logements intégrés, organisme offrant des logements où il y a du personnel pour aider aux soins d’hygiène et habillement et autres. Mais c’est tellement loin de mon milieu !!! 🙁
ET surtout, j’aime vraiment mon logement en coop (où j’habite depuis 20 ans), près de tout et surtout de mes amis, et d’un réseau social, non négligeable pour ma santé mentale ! Et si c’était peut-être le déclic dont j’avais besoin pour relancer mes explorations sur le thème du vivre ensemble ?
Ouf ! Ces jours-ci, fatigue, infections et tout le bazar qui semblent traîner depuis des lunes, et la solitude et le désœuvrement qui suivent me pèsent trop.. et font broyer du noir..
re-Ouf.
Et d’où vient cette colère ??
Besoin d’être à l’œuvre et de sentir la communauté…
Et puis monte aussi parfois en moi l’élan d’avoir un amoureux à coller, à aimer, avec qui refaire mer et monde… même à une échelle bien réduite, cheminer et grandir… mais il y a trop souvent ce bouillonnement d’émotions et de colère qui montent et me hantent… et donc me semble que c’est pas possible… Aussi, la question de TDVTMDÉ (**) me gêne beaucoup… Et il y a l’énergie qui me manque pour m’habiller ou me coiffer toujours comme je le souhaiterais.. me sentir belle…
De toute façon, j’ai tellement d’abord besoin de trouver en moi cette lumière, cette paix, cet Amour, cette tendresse pour pouvoir venir les offrir !!!! Tellement !!!
Univers, stp, stp, stp, aide-moi !!! Je peux pas y arriver seule !!! Et je sais pas quoi ni comment, concrètement, avec ce manque d’énergie constant !! Chère AC, vous qui avez quitté ce monde, je vous envoie aussi ce message : je me sens souvent indigne de vous, mais je sais que vous avez dit que vous alliez nous aider, alors je vous demande, svp, pendant que cette infatigable lenteur me hante, que isolement, fatigue, faiblesse deviennent pendant des jours, des semaines et parfois des lunes mon quotidien, svp donnez-moi votre résilience. Mais encore plus. : Svp, donnez-moi votre foi et surtout votre incessant désir et courage d’oser tenter initiatives et démarches pour aider, accompagner, accueillir et écouter ceux qui vous entourent, de près ou de loin ! Même à la vitesse de la tortue. Avec un rythme et une énergie réduits, et aussi la maladie et les autres défis de la vie !
Mon sentiment de ne pas être à la hauteur m’a tellement toute ma vie empêchée de vivre, de bouger…et jusqu’à me paralyser !!!
Merci la Vie pour le courant qui porte toujours nos messages, nos cris du coeur.. Merci pour le retour du soleil, de l’énergie, de la vie !
***
(*) Va encore pour la vessie, même si je dois préciser qu’après avoir exploré les différentes possibilités plusieurs fois avec une urologue spécialiste réputée en neurologie que j’ai rencontrée plusieurs fois A des centaines de kilomètres de chez moi, les très sexy culottes d’incontinence sont devenues mes alliées. Mais dois-je ajouter que c’est loin d’être mon choix, Et qu’elles ne sont pas infaillibles ?
J’ai aussi envie (ok, j’avoue que drôle dans le contexte J, mais promis : tout jeu de mots est fortuit) d’ajouter cette parenthèse au sujet de l’incontinence :
Comme c’est fou toute la gêne et la honte à juste prononcer ces quelques lettres !… Je connais trop de personnes pour qui l’âge ou la maladie (que l’on parle de SP, d’ACV, et quoi encore) joue des tours : quand la vessie ou les nerfs lâchent, disons que ce n’est pas la joie ! Tant de gens prennent personnel cette défaillance du corps, comme s’ils en étaient responsables ou même coupables !
Zut ! … Cette folie qui conduit même à ne pas vouloir admettre la situation, et surtout ne pas prendre les moyens pour tenter d’y remédier…
Certes, il n’existe encore aucune solution miracle, mais il existe à tout le moins des moyens de limiter les dégâts !
Et j’invite tellement tous ceux et celles qui sont affectés par les troubles de la vessie à oser consulter, et explorer les différentes avenues pour se sentir bien dans son corps, mais aussi pour être à l’aise de sortir !
Quand on y pense : c’est drôle comme ce sujet est tellement banal quand il s’agit des enfants ! Ni eux, Ni la société ne se posent de question ! C’est une réalité avec laquelle on arrive à composer… même si on peut souhaiter qu’elle soit temporaire !
Et pour ce qui est des fuites de mes amis les intestins, heureusement (!!!) elles ne sont qu’accidentelles et occasionelles. En fait, très souvent causées par mes choix alimentaires (voilà donc, pour les sceptiques et les curieux, le secret de la Caramilk, ou l’une des raisons expliquant mon alimentation particulière.
(**)Trouble De la Vessie Tout de Même Drôlement Énervant
Je disais dans mon dernier article que l’art adoucit les mœurs.. C’est fou comment l’art a aussi un pouvoir de guérison. Et aide à changer le regard et attendrir les cœurs durcis!
C’est dans cet esprit que je me suis mise à explorer un peu ce qui se fait en arts pour exprimer le thème amour et handicap. Ça m’a pris tout un temps avant de trouver cette peinture qui m’a tout de suite séduit : j’adore la légèreté, la liberté, toute la liberté qui émane de cette œuvre !
J’aime aussi beaucoup son message : «Le handicap à l’amour, c’est de ne pas être capable de voir l’esprit qui aime, et de ne regarder que ce que l’on voit avec les yeux, tout en aveuglant les racines du cœur» (beau clin d’oeil aux regards surpris, remplis de jugement, de moqueries, d’incrédulité…).
Signé : Eddy Louis Delvaux
Elle m’a donné des ailes et a vraiment fait résonner en moi un grand oui ! Et c’est drôle, quand je l’ai vue, je n’ai jamais remarqué que c’était deux garçons ! C’est tellement cette magie, cette lumière, cette grandeur de l’amour et de la tendresse qui n’ont que faire des handicaps ou orientation sexuelle… ou encore des maladies, de l’âge, de la nationalité ou des classes sociales…
Merci tellement à Eddie Louis Delvaux et à tous les artistes qui osent dépasser maladie, handicap, différence et/ou défis et offrir leur talent pour toucher les cœurs !
Merci de permettre un nouveau regard plus doux et plus vrai qui dépeint toute la beauté cachée derrière une réalité qui nous semble non désirable, souffrante, et qui trop souvent inspire jugement, pitié et rejet…
Et merci surtout d’ouvrir sur tout un monde des possibles !
Je n’aurais su trouver plus beau texte pour mettre la table, ou même les mots pour introduire le sujet !
Il avait aussi ce qu’ont pourrait appeler des limitations intellectuelles. Pas de celles qui font que l’on conserve la bienheureuse insouciance de l’enfance, comme c’est le cas pour certaines personnes dont l’évolution s’est arrêtée à l’âge mental des premières années de la vie.
En fait, il était doué de toute l’intelligence pétillante, de l’appétit de vivre et de la curiosité fringante d’un jeune homme.
Et c’est peut-être là que résidait sa plus grande souffrance, de ne pas pouvoir atteindre ou obtenir tout ce à quoi sa tête et son cœur aspiraient tout naturellement.
Ses yeux, d’un insondable bleu ciel, semblaient me dire : « Dis-moi, si les autres le peuvent, pourquoi est-ce que je ne pourrais pas avoir droit aux mêmes rêves et aspirations? » Parce que, comme la plupart d’entre-nous, ce que Richard attendait avant tout, c’est d’être aimé.
Aimé, il l’était assurément (…) Il se savait apprécié de ses proches. Mais ses rêves l’entraînaient plus loin, beaucoup plus haut.
Richard était un grand romantique, et il rêvait tout naturellement de grande romance.
De cet amour romantique que des milliers de films et romans ont idéalisé, jusqu’à le banaliser et à nous faire croire que là réside l’ultime sens de la vie : réussir à se faire aimer, au point où la personne convoitée choisira de nous dédier entièrement sa vie, ou du moins à ce que nous devenions l’objet central de son attention et affection.
Et c’est peut-être là, que le fait d’être handicapé devient plus profondément douloureux. Lorsque l’on a l’impression de devenir l’un de ces éternels handicapés ou laissé pour compte de l’amour humain. Exclu de cette grande rencontre romantique qui demeure l’une des aspirations centrales de notre culture, un inaccessible rêve appuyé et nourri, il faut bien le reconnaître, par d’impressionnantes industries.
Ce double handicap, que beaucoup de personnes handicapées vivent, reste un sujet tabou. Comme si le fait de ne pas disposer de toutes nos capacités intellectuelles et physique nous excluait automatiquement du jeu de la course à l’amour. Implicitement, nos valeurs culturelles sous-entendent que l’aventure romantique est avant tout réservée aux personnes qui sont désirables parce qu’elles jouissent de toutes leurs capacités, et qu’elles sont préférablement jeunes et belles.
Donc, mon ami Richard était un grand romantique au superlatif, et il tombait profondément amoureux. Et sa souffrance de ne pas vivre la réciprocité attendue faisait ressortir une autre forme de « handicap » que nous sommes nombreux à partager sur terre : cette espèce de conviction qu’à force d’imagination, en se permettant de mettre les autres en scène dans nos rêves les plus fous, que ces autres devraient nécessairement partager ces mêmes rêves et aspirations. Combien tombent toute leur vie dans cet handicapant piège à malheurs, se nourrissant de rêves, …et d’amertume du fait que ceux-ci ne se réalisent pas à la mesure de leur souhaits.>>
L’auteur de ce texte a été le confident des souffrances de Richard << (…) et surtout de son incompréhension : pourquoi ses rêves, pourtant fidèlement calqués sur les meilleurs films d’Hollywood, ne se réalisaient pas, comme dans les « happy ending » de ces productions à grand budget?
Et pourtant, dans les faits, Richard ne demandait pas grand-chose, dès qu’il se sentait moindrement considéré et aimé, ses ailes de papillon se déployaient et il virevoltait allègrement dans les airs.
Le reste du temps, il sculptait dans le bois des papillons aux ailes multicolores.
Il sculptait aussi des noms de femmes, assemblait à leur attention de magnifiques colliers de perles, ou dessinait leur visage.>>
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