Il y a longtemps que je souhaite parler de la chance que j’ai eue, à la fin de l’été, de participer au Forum Social Mondial !
J’y ai vécu un peu comme un concentré de ce grand besoin et élan qui m’habitent : ce Vivre ensemble, dont on parle de plus en plus.. et qui, j’ai encore pu le constater, sont largement partagés…tant par les plus vulnérables que par les “biens portants” !
Ce qui aurait sûrement été une belle petite balade sans histoire ou même excitante (pour qui, comme moi, n’a pas beaucoup l’occasion de prendre le train), s’est en fait avéré être toute une aventure ! Plusieurs défis rencontrés, beaucoup liés à l’accessibilité. Dont de superbes escaliers en béton devant le pavillon de l‘UQAM où se tenait l’atelier auquel je participais. Aucune rampe ou mécanisme pour permettre l’accessibilité aux fauteuils roulants… Ni même une enseigne indiquant une autre éventuelle entrée accessible. Le néant… Je trouvais drôle qu’on puisse se voir bloquer l’entrée à l’UQAM en 2016… Un ami a dû entrer s’informer. Il y avait bel et bien un accès… par une porte derrière l’édifice…
C’est ainsi que je suis arrivée plusieurs minutes en retard à l’atelier sur le vivre ensemble auquel j’avais été invitée à témoigner. On m’attendait avant de commencer.
Mes constats:
Les défis rencontrés lors de ma courte escapade de deux jours viennent témoigner du besoin de l’autre pour arriver à fonctionner au quotidien, de la collectivité pour aménager des structures qui rendent possible l’accès pour tous. Ils viennent aussi me rappeler le besoin de l’accueil, de l’empathie et du soutien de l’autre pour m’aider à accueillir ma propre fragilité au coeur des défis, des épreuves, des fatigues et tempêtes que le voyage laisse sur le corps (maladie, fatigue et chaleur aidant)…
Aussi, ma participation au Forum social mondial m’a émue : c’est tellement précieux de rencontrer tous ces gens qui ont soif de trouver des façons de vivre autrement, des façons innovantes d’inclure les différences, les fragilités !
J’ai fait des rencontres riches avec des gens de Casablanca, Montréal ou Madagascar, intrigués par la petite initiative citoyenne d’inclusion que je représentais en avant-midi (le dépanneur Sylvestre); et eu des échanges inspirants en après-midi, à un atelier sur le vivre-ensemble où des gens de Québec, Montréal ou de l’Outaouais sommes venus témoigner d’un besoin criant de plus de communauté, et/ou présenter des exemples de vivre-ensemble.
Pas facile, je trouve, d’étaler sa solitude au grand jour, surtout quand on la vit plus intensément ! (comme l’hiver, quand il est difficile,voire impossible de rouler en fauteuil roulant)..Pourtant,
je sais qu’elle est aussi le lot de tant de personnes vivant avec handicap, maladie, vieillissement ou toute autre forme de vulnérabilité. Qui effraient tant!
En cette veille de ma participation au forum social mondial, à un atelier sur le vivre ensemble (http://www.larche.ca:8080/fr_CA/nouvelles?article=336377&title=le-vivre-ensemble-pareil-pas-pareil-et-notre-kiosque-au-forum-social-mondial), j’ai envie de partager un des articles que je garde en réserve depuis plusieurs mois. Juste pour rappeler que les apparences sont souvent bien trompeuses ! La solitude, parfois ressentie de façon aiguë, peut parfois être vécue par des personnes ayant un réseau social bien portant. Rassurez-vous, ceci n’est pas un cri d’alarme personnel (merci la Vie, j’ai un été bien rempli), mais plutôt une invitation à regarder autour de nous, à oser téléphoner à un proche malade ou âgé, à visiter un voisin nouvellement arrivé au pays.. ou encore une personne vivant en situation de handicap.. Et aussi alimenter une réflexion sur la nécessité criante de créer de nouveaux milieux de vie incluant aussi les personnes vulnérables,, différentes, et qui semblent bien loin de nos univers…
***
Oui, la solitude tue ! Elle coupe le souffle.
Passer un super dimanche ensoleillé en dedans. Encabannée. Je ne peux pas aller là où je voudrais, à cause du stationnement (toujours rempli aux heures d’affluence) qui bloque l’entrée. Parce que anyways, en panne d’énergie. Et pas de but ou de personne à rejoindre ailleurs.. Pas de projet sur lequel travailler avec d’autres non plus..
Faque j’ai essayé de continuer à écrire à une personne qui m’est chère. Encore. Sans réussir à finir.
Pis évidemment, aussi me sont enfin venus les mots pour écrire à deux grands amis … mais juste pas l’énergie de prendre le crayon, le clavier ou même le dictaphone…
La solitude. La noirceur, la nuit, je vous dis…
Ouf!
Je veux offrir cette boule à l’univers. La solitude pèse vraiment lourd ce soir. Pas capable de regarder trop d’émissions, de films. Ou de Facebook. Besoin viscéral de vrai! De contacts. De nature. De juste rouler dans l’herbe, sentir les feuilles, courir avec un chien. Faire du ski de fonds. Dans la forêt !! Ok, ben à tout le moins être dans une forêt enneigée, sous les étoiles !
Besoin oui ok de la vivre et de l’embrasser cette solitude.. au dedans de moi. Je sais tellement pas comment, surtout quand cette fatigue me colle à la peau, quand le handicap me bloque l’accès à tant d’endroits où il fait bon se ressourcer et se retrouver…. cette maladie qui me coupe des autres… et aussi de moi-même!
Le fait d’être enfant unique n’aide pas beaucoup. Je me suis souvent sentie seule dans ma vie ! Mais au moins, en marchant, et avec mon auto, je pouvais me promener, aller voir du monde aller dans la nature, en campagne, chez des amis !!
Et oui, je pouvais me sentir quand même seule. Mais ça tue, de ne pas pouvoir sortir. D’être toujours fatiguée. De plus avoir de but. Je me sens trop inutile. Et comme juste du vent. Un bibelot. Qui a juste mauvais caractère.
Ouf, besoin d’être à l’oeuvre !!!!! J’ai eu beau dessiner près d’une heure (ou plus) ce matin. Prier. Écrire. Puis j’ai faim. Toute la journée ! Je sais plus quoi manger.
Merci la Vie pour le soleil. pour mon appart. Pour ce soir, tellement dur, j’ai du mal à trouver pour quoi rendre grâce.. Merci pour ma voisine qui m’a envoyé un courriel.
****
Sur la solitude, la vulnérabilité et la souffrance qui peuvent parfois mener à vouloir mourir, il me faut partager ces paroles si lumineuses de Jean Vanier:
Sur la question de la perte d’autonomie et du droit au suicide assisté
(pour ne pas être en état de dépendance envers les autres)
(…) nous sommes tous dépendants les uns des autres, et l’important est que chaque personne puisse découvrir la beauté de la vie parce qu’elle n’est pas seule, qu’elle est aidée et aimée.
Tous, nous naissons dans la faiblesse et nous mourons dans la faiblesse. Nous avons tous besoin par moments de recourir à l’aide de nos prochains.
Jean Vanier ne manque pas de remettre en cause les valeurs individualistes de notre mode de vie, il pense que la société se trompe en croyant que chacun doit être autonome et indépendant.
Les grands débats de société à propos des droits de la personne peuvent en effet nous faire oublier que tous les êtres vivants sont profondément interdépendants, et que nous avons tous besoin les uns des autres.
Il nous rappelle avec justesse que nous avons besoin de passer du “je” au “nous” et que nous devons accepter nos fragilités. Et que c’est de cette acceptation de la vulnérabilité que peut surgir la véritable la force qui mobilise les collectivités.
La vraie question pour Jean Vanier ne réside non pas dans une législation pour aider à mourir, mais plutôt dans une quête pour aider à vivre. Il s’agit de savoir comment encourager la société à aider les faibles et les fragiles. Selon lui, Il est important de vivre pleinement notre force et notre faiblesse en même temps.
(…)plusieurs études démontrent que le seul fait « d’entretenir des liens sociaux, de prendre le temps de rendre visite à une personne, est très bénéfique tant sur le plan moral que sur le plan physique. Vous savez, on a beau dispenser des soins de qualité dans les centres d’hébergement, il n’y a rien qui puisse remplacer la présence d’un proche.
(…)
Mais des solutions existent pour compenser le manque de visites et le poids de la solitude, lance-t-il. « J’ai vu des expériences extraordinaires dans certains établissements où des garderies ont été installées. Ne pensez-vous pas que ça vient compenser pour l’absence de présence de la famille ? Voilà un exemple qu’il faut reproduire. Je pense aussi à des établissements où les aînés font du bénévolat pour l’Armée du Salut, qui leur apporte des vêtements lavés qui doivent être pliés en vue de leur mise en vente. Dans ce cas, les aînés se sentent utiles pour la société ! »
« On est tombés par terre quand on a reçu des propositions de gens qui, touchés par ce problème, nous ont demandé comment faire pour adopter un aîné ! Ce sont des personnes immigrantes qui nous l’ont demandé. Ç’aurait été une façon pour elles de s’intégrer au sein de la société québécoise et de faire du bénévolat. Mais les CHSLD nous ont dit qu’il n’existait pas de structure pour répondre à cette demande. Mais il faudrait bien y penser un jour… ».
* ***
Poème de Michel Pepin
Semence du chaos
Il y a le béton
L’acier
Le passé
Le bruit
Les tourments
La cassure du présent
Mes yeux ne voient presque rien
D’autre que la lourdeur du quotidien
Sale solitude aidant
Chaque jour est si pesant
Requiérant la force
D’un aveugle
Voyant tout de même
Un mince filet
De lumière
Au travers la poussière
La télévision reste le meilleur compagnon de nombreuses personnes handicapées. 22 % d’entre elles se trouvent en effet en situation d’isolement relationnel. Presque deux fois plus que l’ensemble de la population (12 %).
Dans son étude sur les solitudes en France, rendue publique le 7 juillet, la Fondation de France souligne que « la perte d’autonomie, la maladie jouent de manière très négative sur le maintien ou le développement de la vie sociale ». Sous tous ses aspects.
38 % ne disposent pas d’un réseau amical actif contre 25 % de l’ensemble de la population ; 46 % n’ont pas ou peu de contacts dans leur entourage familial (contre 39 %) ; etc. 16 % déclarent même n’avoir aucun ami (contre 7 %).
La pauvreté accroît le risque d’isolement
Plus d’une personne sur deux considèrent que la survenue de leur handicap s’est traduit par une érosion de leurs relations amicales. Que leurs amis se soient éloignés ou qu’elles aient moins d’énergie pour les rencontrer.
La pauvreté constitue un facteur aggravant. Les personnes en situation de handicap sont près de deux fois plus isolées lorsqu’elles sont en situation de pauvreté que lorsqu’elles disposent de revenus supérieurs à 1 500 €.
Les conjoints de personnes handicapées plus isolés aussi
Enfin, « vivre avec un conjoint confronté à la maladie ou au handicap n’est pas sans incidence sur la vie sociale », note la Fondation de France. Pour 4 aidants sur 10, la vie amicale est plus réduite qu’avant. 13 % sont isolés contre 11 % des personnes dont le conjoint n’est pas confronté à la maladie ou au handicap. Reste la télé…
Merci tellement, la vie, pour cette vague d’entraide qui réchauffe mon cœur !
C’est fou à quel point la peur de déranger et les désirs tenaces d’être autonome, efficace, le plus “normal“ possible nous coupent littéralement des autres !!
Surtout dans un monde où capitalisme- individualisme-efficacité-jeunesse éternelle-et culte du vite-vite-vite évacuent et mettent à l’écart toute vulnérabilité, maladie, handicap, tout ce qui prend de l’âge et dont le rythme est plus lent…
J’ai eu la chance de vivre ce soir un entracte ! De voir que la coopération, l’entraide, l’empathie et la chaleur humaine ne sont pas que des vestiges de notre patrimoine !
Je suis tombée par terre lors d’un transfert. J’aurai bien quelques bleus sur les fesses, mais vraiment rien de grave, rien qui ne vaille la peine de raconter. Jusqu’ici. La suite est plus palpitante (vu d’une personne à mobilité, et au rythme réduits) : n’arrivant plus à me relever seule quand je suis par terre, j’ai essayé de joindre quelques amis au téléphone (il me suit partout, le téléphone : dans un sac accroché au fauteuil, à la marchette, ou en bandoulière). Sans succès. Normal, pour un vendredi soir… Je m’y attendais un peu, et me disais que je devrais peut-être attendre quelques heures sur mon plancher de céramique (ça garde les idées au frais), puis j’ai ouvert mon compte Facebook. Et puis le flash est venu : Pourquoi pas envoyer un appel à l’aide ? J’étais plutôt sceptique : en fait, comme je ne vais plus beaucoup sur Facebook, je ne savais vraiment pas si des gens s’y brancheraient un vendredi soir… et aussi s’il y en aurait qui auraient le goût de jouer au secouriste. … et fallait surtout dépasser ma peur de déranger.
Cette chute au sol m’a invitée à oser. Oser montrer ma vulnérabilité. Oser demander de l’aide ! Même à 18h30 un vendredi soir. Car, « c’est clair que tout le monde se la coule douce entre amis, ou se retrouve en famille pour une détente bien méritée ou pour magasiner ou je ne sais trop quoi… » , que je me dis.
C’est fou, c’est comme si c’était une montagne infranchissable. Le monde Everest, que de demander ! … Et pourtant !… Suffit d’un appel, un tout petit appel… Ok, quelques-uns (mais un seul, sur FB). Et quelle fut ma surprise de lire les réponses : même d’amis à des centaines de kilomètres ! Ça m’a tellement fait chaud au cœur ! Et de voir mes voisines et voisin arriver pour m’aider… et aussi même juste pour jaser. Même juste quelques minutes.
De quoi me réconcilier un peu avec les réseaux sociaux ! Je suis bien sur Facebook, mais y vais de moins en moins… Besoin de contacts vrais. La solitude qu’entraînent handicap, maladie et perte d’énergie est parfois, souvent intense. Je suis heureuse de pouvoir avoir des nouvelles des gens qui m’entourent, des gens que j’aime, seulement en un clic !
Mais il n’y a rien comme le contact direct. La chaleur d’un câlin, d’un sourire. D’une visite éclair, le temps d’une tisane ou d’un repas.
Je sais, à notre époque, on (*) a de moins en moins le temps pour des rencontres avec ceux qui nous entourent. Et peut-être encore moins avec les plus vulnérables, ceux qui ne partagent plus cette course effrénée… Et qui n’ont plus grand-chose à raconter… Et peuvent être ennuyants, et même nous déranger (pas toujours agréable de voir la vulnérabilité de l’autre, ce miroir de sa propre vulnérabilité).
Et depuis plusieurs mois, je cherche. Je me demande c’est quoi le chemin. Je n’éprouve pas le besoin ou même l’énergie d’avoir des loisirs ou même juste de jaser pendant des heures… Mais plutôt ce besoin fort d’être à l’œuvre, même différemment ! Et pas toujours en solo ! Quand on ne travaille plus, quand on a ni conjoint, ni enfants, et plus la possibilité de s’impliquer comme avant dans la communauté, le temps (surtout celui où l’énergie s’est envolée) devient comme un sablier qui en finit plus de couler… (j’y reviendrai, dans un prochain article).
Je sais que de plus en plus de gens (et ça risque de s’amplifier, avec le vieillissement de la population) vivent une forme ou une autre de solitude. Et pas juste les personnes les plus vulnérables !
Il est clair que les réseaux sociaux répondent à un besoin d’être lié à notre monde… Besoin d’étancher ces soifs de présence, de lien, d’amour, d’amitié, de complicité, de rire…et aussi peut-être ces soifs plus ou moins conscientes de sens, de don de soi !
Mon expérience de ce soir m’a permis de croire ! De croire, oui, en l’importance des réseaux sociaux, mais surtout en la grande humanité qu’ils révèlent, et qui n’est pas que mirage sur fond d’écran.
Et c’est bon ! Merci la Vie ! Et merci mes amis Facebook !
_______
(*) Ici, le “on” m’inclue, car il m’arrive encore, plus rarement, mais quand l’énergie revient, de vite me laisser emporter par cette hâte d’accomplir une montagne de trucs qui pressent tous plus les uns que les autres!
Suite au décès de mon père, en juin dernier,
l’hiver s’est chez moi hâtivement installé.
Mon corps s’est vite trouvé glacé, au propre et au figuré.
Mes pieds devenus insensibles (à la chaleur et au froid) et gelés.
En permanence. Même en plein cœur de l’été.
Je sais, normal, crise de SP.
Puis une fatigue assez tenace s’est installée. Je restais plusieurs heures au lit.
Et éloignais de plus en plus les sorties.
Merci la vie, j’ai été bénie des dieux,
Si bien entourée et soutenue, par mom, famille, ange voisin et amis…
Merci aussi la vie pour mon nouvel amoureux,
Qui a réchauffé mon cœur, et mes pieds, et grâce à qui j’osais des sorties.
Puis sont tombées les obligations, les démarches pour le règlement de la succession.
Se retrouver avec une belle maison,
dont mille marches d’escaliers bloquent l’accès à tout éclopé, aîné ou… colimaçon.
Il y a tant à régler : tout trier, vendre ou donner, et la paperasse, et l’administration (*).
Il y a aussi le vide, le manque, et l’incompréhension…
La tristesse, le stress, l’urgence de vite tout régler. Quel tourbillon!
Oui, en finir au plus vite, pour me remettre à vivre et ne plus angoisser!
Juste recommencer
à être à l’œuvre, même peu, même à pas de tortue…à oser!
Plutôt que de m’envelopper doucement,
et m’isoler dans un cocon tout blanc.
Sans m’en rendre compte, bien évidemment.
L’hibernation la plus longue, la plus glaciale et la plus mortelle,
Est celle qui isole et coupe les ailes.
Se sont sournoisement installés épisodes de repli sur moi, ma douleur ou ma misère…
Qui m’ont fait perdre les pédales, le sens de l’existence, et même tout repaire!
L’être humain est un être foncièrement social. Et un être de don. De lumière.
Ne sommes-nous pas tous originellement appelés à devenir mères et pères,
même différemment, si pas dans notre chair?
Puis, dehors, s’est véritablement pointé l’hiver …
Moi qui me suis dit combien de fois : « Wow, c’est pas possible! Je ne pourrais JAMAIS rester enfermée chez moi sans sortir : Hiver, maladie, amenez-en! » Voyez le portrait?
Et vlan! C’est fou comme c’est devenu difficile de sortir. TRÈS. Oui oui, même avec un logement adapté, full accès! (j’y reviendrai, et conterai la saga en plusieurs épisodes, je le promets). La vie a cette façon de me faire un ptit clin d’œil, et me rappeler de pas juger! Ouais…
(*) Pas certaine que j’en serais sortie vivante sans les si précieux coups de main de mon parrain, et de ma grande amie MH.
Si toutes ces démarches m’ont littéralement dépouillé de mon énergie, c’est drôle comment les épreuves peuvent aussi offrir l’inestimable cadeau de nous rapprocher de famille et amis. Des vagues parfois si fortes de soutien et d’amour m’ont transportée et émue, au plus haut point. Merci tellement aussi à toutes celles et ceux dont les mots et les gestes m’ont été d’un grand support, et d’un grand réconfort. Et, mon très cher pa, le bouquet de mercis te revient à toi. Merci pour TOUT ce que tu as été et es encore pour moi. Merci pour ta présence, ton soutien si précieux, merci de m’avoir aidée à devenir qui je suis. Les mots me manquent. Ou ont été dits. Merci la Vie pour ce lien si grand, si précieux, toujours bien présent, même si son visage semble se dérober à mes yeux.
Préambule : j’ai commencé à écrire ce texte en décembre 2013, peu après être tombée et m’être blessée aux côtes, la douleur rendant difficile d’envisager le jour où je pourrai sortir : impossible pour l’instant de penser même prendre un bain, encore moins mettre mes bottes d’hiver, très difficile à mettre avec mes orthèses, et encore bien moins de descendre et monter les escaliers… sans compter les pirouettes que le transport exigent, ou les obstacles d’endroits non adaptés…
Triste comment de plus en plus, les gens qui viennent me voir le font pour m’aider parce que je les paie, ou par sympathie, compassion, et presque plus personne ne vient par simple amitié, affection, ou désir de partager simplement du temps avec moi. Est-ce par peur de devoir m’aider? Il est vrai que j’ai de plus en plus besoin d’aide. Et je n’aime pas demander. Mais comment faire autrement?
Non, je n’ai pas les moyens de payer un assistant 24h sur 24. Ni le désir d’avoir le sentiment d’avoir que des rapports aidant/aidée, réducteurs à la position de personne qui n’a plus rien à offrir. Plus bonne à rien, et qui dérange ou demande sans cesse…
Bon, je sais que je peux être particulièrement dans ma bulle à mes heures. Difficile pour moi de juste parler pour parler. J’ai besoin de profondeur, de liens vrais. De complicité. De rire (et je sais, j’ai un sens de l’humour très particulier). Besoin de rester liée aux défis de notre monde et d’œuvrer à des projets porteurs de vie.
Vivement des projets de société d’une fraîcheur, empreint d’un esprit communautaire où chacun tient place d’être humain à part entière, et participant et contribuant, à sa mesure, à la vie de sa communauté, mais aussi de sa collectivité, et du monde (l’internet peut être un outil incroyable)!
Depuis quelques mois, je rêve de partager mon quotidien avec d’autres, qui soient handicapés ou non, riches, pauvres, étudiants, immigrants, familles, personnes âgées ou jeunes. Tous dans une grande maison ou immeuble à plusieurs chambres. Chacun ayant ses propres quartiers où il peut se retirer au besoin pour travailler à son rythme, se reposer, dessiner, bref, retrouver son intimité. Mais on trouverait aussi au cœur de cette maison des espaces communs (cuisine, salle à manger, salon, salle de rencontre même (que l’on pourrait prêter ou louer à des organismes de la communauté)… des lieux d’échange, de partage et de communion. Où chacun apporterait la richesse de sa présence.
Je rêve d’une maison qui respire l’entraide, où les personnes handicapées seraient supportées dans leur quotidien par les autres colocataires, mais aussi par des employés, et soutenu par la communauté (liens étroits avec les organismes qui œuvrent pour et avec les personnes handicapées dans la communauté.
J’ose rêver aussi d’une maison offrant un environnement favorisant paix intérieure et harmonie. Une maison où serait il possible : de cuisiner ensemble des repas végétariens, de partager des moments d’échange et de prière, d’offrir des ateliers de dessin, et même travailler à des projets communs…
En fait, je rêve d’une maison qui serait l’héritière des Maisons Simon de Cyrène en France, qui s’inspirent elle-même des foyers de l’Arche de Jean Vanier, présents partout dans le monde. Il doit y avoir possibilité d’adapter la formule au Québec, même s’il n’y a pas de service militaire obligatoire.
Quelques statistiques et constats :
Selon une étude réalisée par la Fondation de France en juin 2013, 39 % des Français n’ont aucun lien suivi avec leur famille, 37 % n’ont aucun lien avec leurs voisins, 25 % n’ont aucun ami [3]. De plus, 53 % des Français n’ont pas d’activité professionnelle (retraite, formation, chômage, inactivité) et donc pas de collègues de travail.
Pas moins de 5 millions de gens n’ont aucune de ces cinq catégories de personnes dans leur entourage. Elles n’ont ni amis, ni famille, ni collègues, ne connaissent pas leurs voisins, et ne fréquentent personne via leurs loisirs ! Autrement dit, elles sont seules, seules, seules.
Or, ce phénomène connaît une dramatique augmentation depuis 3 ans : le nombre de personnes de moins de 40 ans frappées de totale solitude a doublé depuis 2010. Le nombre de personnes de plus de 75 ans touchées par l’isolement a augmenté de 50 % depuis 2010 !
Comment s’étonner que se multiplient les cas où des personnes âgées sont maltraitées dans des instituts pendant des années sans que personne ne s’en aperçoive, ou que des cadavres soient découverts des mois ou des années après la mort, dans des appartements où personne ne s’était aperçu qu’il n’y avait plus de vie ?
Nous assistons à une véritable implosion sociale, porteuse d’infinies souffrances pour les victimes car la solitude absolue est une des plus terribles choses qui puisse arriver à un être humain.
« L’homme est un animal social » disait déjà le philosophe Aristote au Ve siècle avant Jésus-Christ. « Il n’est pas bon que l’Homme soit seul » est-il écrit dans le Livre de la Genèse, qui date de 750 avant Jésus-Christ.
Et malheureusement, comme d’habitude, il n’y a aucune recette miracle, aucune solution simple et rapide à proposer. La seule issue est la méthode des petits pas. Chacun à notre niveau, nous pouvons essayer d’améliorer la situation là où c’est possible, c’est-à-dire dans notre entourage et dans notre propre vie, en étant attentif, en étant prévoyant, en évitant de se laisser piéger par la solitude.
Pour terminer, j’ai le goût de partager cette histoire particulièrement touchante :
Réduire le handicap à une seule compensation financière, fût-elle conséquente, c’est enfermer la personne dans un cadre administratif en lui déniant le moteur fondamental qu’est la relation avec autrui. C’est ce dont témoigne une jeune femme handicapée qui avait reçu une somme importante de son assurance. Sophie s’était installée dans un studio, aménagé pour répondre à son invalidité, et bénéficiait des aides dont elle avait besoin. Pourtant, elle nous confiait qu’elle n’était pas heureuse: « Toutes les personnes qui se déplacent pour me voir sont payées pour le faire ». La gratuité de la relation et de l’échange qui ne soient pas la résultante d’une obligation professionnelle avait disparu, et avec elle, le goût du bonheur.
Lorsqu’on a été mis au ban de la société, la seule chose essentielle, c’est l’Autre.