Le voile de la richesse

Un jour j’aimerais être connue pour avoir inventé une expression. Ce pourrait être le titre de cet article par exemple. J’écrirais un livre sur la théorie derrière l’expression et on m’interviewerait sur le sujet. Mais, ce serait dommage, parce que « le voile de la richesse » c’est l’expression que j’ai trouvée pour le fait que les gens des pays riches ne voient pas directement les atrocités qui sont engendrées par la fabrication des biens de consommation qu’ils achètent.

C’est pas un sujet super rigolo, mais c’est vrai : très peu de gens réfléchissent à l’empreinte écologique et éthique des choses qui se retrouvent sur les étagères des centres d’achat. Quand on y pense, un jeans a sûrement voyagé plus dans sa vie que plusieurs d’entre nous : entre l’endroit où le coton a été cultivé, où celui-ci a été filé, puis renvoyé ailleurs pour être cousu, pour voyager encore pour être bien raclé et abîmé à la dernière mode et finalement se retrouver au magasin. Et, après tous ces coûts de transports et l’argent que se mettent les commerces dans leur poches, il ne reste plus grand-chose pour les travailleurs qui ne sont pas protégés par un salaire minimum ou même un endroit sécuritaire où travailler : pensez au bâtiment qui s’effondrait sur des milliers de travailleuses et travailleurs du textile au Bangladesh en 2013.

Vie d'une robe quand les gens prenaient le temps de recycler Dessin de Daria

Je vous épargne la photo décourageante d’une pile de linge dans le désert du Chili. Voici la vie d’une robe du temps où tout valait la peine d’être recyclé. Dessin de Daria

Encore là, on parle d’une pièce de vêtement qui est utile et il est inévitable d’avoir à s’habiller (des propositions plus écolo suivront tout de même). Ce n’est pas le cas des babioles.

À ce point-ci, je me permets un interlude où j’arrête de faire la journaliste objective. J’avoue avoir une crotte sur le cœur. Ce qui m’a amené à écrire cet article, c’est une gentillesse qui a été aveuglée par le voile de la richesse. On m’a offert un cadeau (une belle pensée, certes) inutile et fait dans un pays lointain. J’ai dit merci, on m’a appris les bonnes manières! Cependant, comment puis-je recevoir avec bonheur un objet empreints de souffrance. Je parle de la souffrance d’êtres vivants qui ont été impactés lors de la fabrication, du transport ou de l’inévitable détérioration de cette chose.

Retournons à nos moutons. Je crois que la plupart des gens connaissent les enjeux décrits plus haut. Ils ont cependant ce voile qui cache l’arrière scène chaotique et ils ne font donc pas le rapprochement entre leurs actions et les injustices ou entre leurs achats et les problèmes environnementaux. Ou peut-être préfèrent-ils ne pas y penser. Il faut dire qu’on considère la surconsommation comme une drogue : Stéphanie Grammond écrit «…les acheteurs compulsifs vont magasiner carrément parce qu’ils ressentent un manque. Ils vont acheter comme d’autres prennent de l’alcool. »* et la journaliste Valérie Simard a intitulé son livre: « Année de détox vestimentaire, réflexions sur le prêt-à-jeter »**.

La meilleure solution reste de porter ce qui est déjà dans notre garde-robe jusqu’à la fin de vie des articles. Les autres options sont le trocs, acheter dans les friperies, la location (pour les occasions spéciales) ou l’achat local…mais encore là, la modération à bien meilleur goût!

Osez lever le voile pour voir ce qui se cache derrière. C’est pas joli, mais avec un effort collectif ça pourrait le devenir. Consommez moins, consommez mieux!

*article de La Presse par Stéphanie Grammond https://www.lapresse.ca/affaires/economie/commerce-de-detail/201211/23/01-4597162-la-drogue-douce-du-magasinage.php

**article de La Presse par Silvya Galipeau https://www.lapresse.ca/societe/mode-et-beaute/2024-01-07/une-annee-de-detox-vestimentaire/quete-de-solutions-a-la-surconsommation.php

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