Un sourire de Tchékhov

Des fois, il y a des mamans qui pensent que leur enfant est la plus récente merveille du monde.

Aujourd’hui 17 janvier naissait en 1860 Anton Tchékhov, mort à 44 ans, médecin de profession comme Céline. La semaine dernière, il a fallu que mes bottines suivent mes babines, et de fil en aiguille, je me suis retrouvé à lire sa pièce Les trois sœurs dans la traduction d’Elsa Triolet. Au deuxième acte, il y a un échange particulièrement délicieux. Natacha, l’épouse du frères des trois sœurs, louange son bébé, Bobik. Salioni est un officier de passage. La scène se passe en soirée chez les trois sœurs où l’on attend les masques :

NATACHA, à Salioni. — Les nourrissons comprennent tout, merveilleusement. Je lui dis : « Bonjour, Bobik. Bonjour, mon chéri !1  » Il me jette un regard singulier. Vous croyez que c’est mon imagination de mère, mais non, je vous assure ! C’est un enfant exceptionnel.
SOLIONI. — Si cet enfant était à moi, je l’aurais fait sauter à la poêle, et je l’aurais mangé. (Il emporte son verre au salon et s’assied dans un coin.)

C’est drôle comment on met plus de temps à lire une pièce que de la voir. Pour changer de propos et surtout parce ce que je n’ai pas de propos à vous faire, j’ai reçu dernièrement ce codicille de courriel de ma sœur qui habite là-bas en vraie terre promise, au vieux pays de Rimbaud, et qui m’a aussi beaucoup amusé.

Chers amis, je vous ai adressé des vœux un peu rapidement, mais après consultation d’un avocat, je me suis rendu compte de l’imprudence de ma formulation. Vous souhaiter une bonne année, une bonne santé et la prospérité me soumet, en effet, au risque de poursuites…
Voici donc la version rectifiée de mes vœux, et qui est en conformité avec le principe de précaution inscrit dans la Constitution.
Nouvelle formulation:
Je vous prie d’accepter, sans aucune obligation
implicite ou explicite de votre part, mes vœux à l’occasion du solstice d’hiver et du premier de l’an, en adéquation avec la tradition, la religion ou les valeurs existentielles de votre choix, dans le respect de la tradition, de la religion ou des valeurs existentielles des autres, ou dans le respect de leur refus, en la circonstance, de traditions, religions ou valeurs existentielles,
ou de leur droit de manifester leur indifférence aux fêtes populaires programmées.
Ces vœux concernent plus particulièrement :
– la santé, ceci ne supposant de ma part aucune connaissance particulière de votre dossier médical, ni d’une quelconque volonté de m’immiscer dans le dialogue confidentiel établi avec votre médecin traitant ou votre assureur avec lequel vous auriez passé une convention obsèques ;
– la prospérité, étant entendu que j’ignore tout de la somme figurant sur votre déclaration de revenus, de votre taux d’imposition et du montant des taxes et cotisations auxquelles vous êtes assujetti.
– le bonheur, sachant que l’appréciation de cette valeur est laissée à votre libre arbitre et qu’il n’est pas dans mon intention de vous recommander tel ou tel type de bonheur.

Nota Bene :
Le concept d’année nouvelle est ici basé, pour des raisons de commodité, sur le calendrier grégorien, qui est celui le plus couramment utilisé dans la vie quotidienne de la région à partir de laquelle ces vœux vous sont
adressés. Son emploi n’implique aucun désir de prosélytisme. La légitimité des autres chronologies utilisées par d’autres cultures n’est absolument pas mise en cause.
Notamment :
– le fait de ne pas dater ces vœux du yawm as-sabt 1 Safar de l’an 1434 de l’Hégire (émigration du Prophète à Médine) ne constitue ni une manifestation d’islamophobie, ni une prise de position dans le conflit israëlo-palestinien.
– le fait de ne pas dater ces vœux du 2 Teveth 5773, ne constitue ni un refus du droit d’Israël à vivre dans des frontières sûres et reconnues, ni le délit de contestation de crime contre l’humanité ety ne peut laisser supposer en aucun cas toute forme d’antisémitisme.
– le fait de ne pas dater ces vœux du 3ème jour (du Chien de Métal) du 11ème mois (Daxue, Grande Neige) de l’année du Dragon d’Eau, 78ème cycle, n’implique aucune prise de position dans l’épidémie de Covid frappant la planète.
– le fait de ne pas dater ces vœux du Quintidi de la 3ème décade de Frimaire de l’an 221 de la République Française, une et indivisible, ne saurait être assimilé à une contestation de la forme républicaine des institutions.
– le fait de ne pas citer tous les calendriers existants ou ayant existé ne préjuge pas non plus d’un quelconque ostracisme vis-à vis de ces références.

Enfin, l’emploi de la langue française ne sous-entend aucun jugement de valeur.
Son choix tient au fait qu’elle est la seule couramment pratiquée par l’expéditeur. Tout autre idiome a droit au respect tout comme ses locuteurs.
Clause de non-responsabilité légale :
En acceptant ces vœux, vous renoncez à toute contestation postérieure.
Ces vœux ne sont pas susceptibles de rectification ou de retrait.
Ils sont librement transférables à quiconque, sans indemnités ni royalties.
Leur reproduction est autorisée.
Ils n’ont fait l’objet d’aucun dépôt légal. Ils sont valables pour une durée d’une année, à la condition d’être employés selon les règles habituelles et à l’usage personnel du destinataire.
A l’issue de cette période, leur renouvellement n’a aucun caractère obligatoire et reste soumis à la libre décision de l’expéditeur.
Ils sont adressés sans limitation préalable liée aux notions d’âge, de genre, d’aptitude physique ou mentale, de race, d’ethnie, d’origine, de communauté revendiquée, de pratiques sexuelles, de régime alimentaire, de convictions politiques, religieuses ou philosophiques, d’appartenance syndicale, susceptibles de caractériser les destinataires.
Leurs résultats ne sont, en aucun cas, garantis et l’absence, totale comme partielle, de réalisation n’ouvre pas droit à compensation.
En cas de difficultés liées à l’interprétation des présentes, la juridiction compétente est le Tribunal habituel du domicile de l’expéditeur.
Après ce préambule je me permets de vous adresser mes vœux : « BONNE ANNÉE 2023! »

Bonne année quand même !

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