Il vient de m’arriver quelque chose de merveilleux, un de ces petits moments de pure bonheur que la vie nous donne comme ça pour rien quand on ne s’y attend pas. Depuis qu’elle est née, je n’ai pu tenir ma petite-fille de 30 mois que trois fois. On se voit souvent toutes les semaines, mais je suis surtout un grand-père. Aujourd’hui, elle jouait avec un paquet de cartes de tarot Ryder. Vers la fin de notre conversation, son père lui suggéra de piger une carte pour moi. Pendant qu’elle sortait le jeu de la boîte, je suis descendu chercher le mien, un grand Belline doré. J’ai sorti les cartes de leur écrin rouge, faisant grand état de la boîte comme si j’étais un magicien à la télévision. J’ai brasé les cartes avant de les étaler en éventail dans ma main gauche, reproduisant ce que je voyais son père faire. Elle pigea une carte et je fis de même. J’ai dû tourner ma carte pour la lire, une étoile formée par six glaives. Elle me montra la sienne. Six of swords. Un homme dans une barque avec six épées. Nous avions pigé la même carte.
Selon la méthode Belline – « exclusivement pour professionnels » met en garde la couverture du livret qui accompagne mon jeu –, le sens divinatoire de la carte six glaives est « figuration de l’envoyé, du commissionnaire cheminant sur la route. Symbole de la lutte contre l’adversité ». Un truchement, au fond, c’est une sorte de commissionnaire. Sa valeur unitaire est « grande lutte contre l’adversité », mais renversée, elle est une « déclaration d’amour ».
Je ne sais pas si je crois aux cartes, mais je crois aux petits bonheurs des aléas de la vie, car il suffit d’un moment comme celui-ci pour chasser loin de moi mes idées noires.