Des marginales, c’est certain : elles étaient peu nombreuses à le faire en Amérique du Nord. Le taux d’allaitement était à peine de 25%.
Mais pourquoi la plupart des femmes n’allaitaient pas? La mode était certainement aux nouvelles technologies. On ne connaissait pas les lacunes du lait artificiel comme maintenant et on vendait les préparations pour nourrissons à grands coups de publicité. De plus, dans une ère où tout ce qui avait attrait au sexe était caché, on n’éduquait pas les jeunes gens à l’accouchement ou à l’allaitement. L’allaitement en public était quasi inexistant (voir mon article Echele Leche). Les jeunes mamans n’avaient donc pas beaucoup d’incitatifs pour allaiter ou d’informations pour réussir à le faire.
Pour vraiment comprendre la source du problème il faut retourner en arrière dans le temps.
Depuis la fin du 19e siècle, l’allaitement perd de son attrait. Le métier de nourrice, qui était jusqu’alors tellement en demande que des agences s’occupaient de mettre en contact les nourrices avec leurs clients, disparaît. C’est le lait animal donné à la cuillère ou à la tasse qui remplace, très mal, cette fonction. De plus en plus de gens vivent en ville et l’approvisionnement en lait animal se fait dans des conditions insalubres. Beaucoup de bébés en meurent.
De ce désastre naît le besoin d’une préparation pour nourrisson qui se gardera longtemps et ressemblera plus au lait humain en terme de composition. Docteurs et scientifiques aideront à la création de « formules » qui permettront de sauver des vies. Le problème est que ces formules n’étaient pas destinées à nourrir la majorité des enfants et beaucoup d’entre eux ont été privé des bienfaits de l’allaitement.
Voilà qui nous ramène aux années 1880-1890 et à la raison la plus plausible de la baisse de l’allaitement selon la Dr. Jacqueline H. Wolf. À cette époque de grandes transitions, au lieu de suivre la nature, l’homme se contraint à un horaire spécifique à la machine et à la production industrielle massive. La médecine suit ce courant et prescrit aux mères un horaire d’allaitement : donner le boire aux trois heures. On ajoute aussi la méthode de laisser le bébé pleurer pour lui imposer ledit horaire, ainsi qu’un tas d’autres recommandations bidons, plus basées sur la spéculation que sur des fondements scientifiques. D’ailleurs, lorsque les femmes viennent se plaindre d’un problème de production lactée, la médecine se penche sur toutes sortes d’hypothèses fantaisistes. On n’en vient même à penser que l’éducation des jeunes femmes réduit le développement de leur système reproducteur (l’énergie allant plutôt vers le cerveau!) et qu’ainsi l’allaitement est en voie de disparition.
En réalité, tout comme les singes, le bébé humain a évolué pour être porté et allaité sur demande. Plus le bébé tète souvent et efficacement, plus le corps reçoit le signal de produire du lait. Les bébés animaux qui sont cachés et attendent le retour de la femelle pour boire, sont des bébés qui ne crient pas ( ils se feraient dévorer!) et dont le lait maternel est plus consistant pour que ces derniers n’aient pas faim entre les tétées.
Le taux d’allaitement continue de baisser pendant plusieurs générations. En plus des autres raisons énumérées plus haut, la croyance populaire que les bébés ont besoin d’un horaire strict est tenace. Oui, elles étaient peu à donner le sein dans les années 50, mais ce n’était pas la fin de l’allaitement.
De nos jours le taux allaitement à beaucoup augmenté : proche de 75%. Malheureusement, nous avons encore du chemin à faire car seulement le quart des femmes prolongent l’allaitement au-delà de six mois, le minimum recommandé par l’organisme mondial de la santé. Cela représente le même taux d’allaitement que dans les années 50.
Références:
Wolf, Jacqueline H., “Don’t Kill Your Baby: Public Health and the Decline of Breastfeeding in the 19th and 20th”
Très intéressant comme lecture! Bien d’accord que le taux aujourd’hui demeure trop bas. Je vais toujours prôner l’allaitement, j’y crois fermement.
Merci Chantal!