La musique est une voix, elle nous parle. C’est beau les groupes et les grands orchestres, mais rien n’est plus éloquent qu’un instrument seul, ou en solo. C’est intime, un tête-à-tête collé collé.
Mes souvenirs d’enfance y sont pour quelque chose. Ma mère sortait son violon à toutes les semaines, pour le faire sonner qu’elle disait. Quand j’étais présent, elle jouait les pièces que je préférais : la Danse hongroise No 5 de Brahms, La Méditation de Thaïs de Massenet…
J’ai découvert les sonates et partitas pour violon seul de Bach avec Henryk Szering, et les suites pour violoncelle seul avec Pablo Casals d’abord puis avec Yo-yo Ma.
J’ai été emporté par la vitalité du Prélude de la Partita No 3 pour violon et je me suis effondré dans l’infinie tristesse de la Sarabande de la Suite no 5 pour violoncelle.
J’ai été séduit par le chant de sirène des Uilleann pipes de David Spillane et j’ai failli me noyer dans le Lac Jolster de Richard A. Séguin quand un accord de guitare est venu me réchapper à la fin.
Les improvisations de Keith Jarrett ont renversé beaucoup de mélomanes comme moi en 1975. Plus récemment, le piano de Hania Rani sur Esja me rassure : la créativité et la virtuosité existent encore dans la jeune génération.
Puis il y a la trompette de Miles Davis, le violon de Ti-Jean Carignan, l’accordéon de Vincent Peirani, et tellement d’autres !
Il y a une pièce que je ne veux plus écouter tellement elle me charrie. Je la garde pour la fin. C’est toute l’existence humaine en une capsule de 15 minutes. Quand je mourrai, la dernière musique que je veux entendre du fond de mon urne, c’est la Chaconne de Bach par Henryk Szeryng.
L’image d’entête, modifiée par Stephanie, est de Marko Milivojevic. Wikimedia Commons.
La photo du lac Jolster est de Frokor. Wikimedia Commons.
2 réponses
C’est curieux. J’ai redécouvert la musique il y a quelques années par l’écoute de morceaux « mono-instrumentaux », comme j’ai pris l’habitude de les qualifier. Guitare, puis violon et, enfin, piano. Sans doute que mes deux nièces mélomanes y sont pour quelque chose ; toutes deux jouent du violon et l’une enseigne le piano.
Je précise que je n’ai aucune éducation musicale, que je confonds dièse et bémol, octave et clef de sol. Les morceaux orchestraux me plaisent aussi, mais les avalanches de notes qui tombent de ces Himalaya orchestraux me lassent. La voix propre, la vibration d’un instrument se perd dans la cohue. Enfin, chacun ses goûts.
J’ai l’impression qu’il y a deux sortes de musiques. Celle qui a besoin de notre apport émotif et musculaire pour exister. Si l’on ne participe pas à une mélodie ou si l’on ne bat pas la mesure du pied, elle n’existe pas. C’est le genre de musique qui peut se chantonner. Il y a une autre sorte de musique qui me semble exister en dehors de nous. Chaque note est une révélation qui nous cloue sur place. C’est celle que je préfère.
Chacun a son palmarès. J’y vais du mien. Ça sera court, plus je citerais de morceaux, moins je saurais où m’arrêter. Je me contenterai de trois pièces + une. Je les donne dans le désordre.
Le Tombeau de Couperin, Maurice Ravel. Ravel devait se contenter de sept notes et de dix doigts. La musique la plus lumineuse et la plus arabesque qui soit. (Arabasque est ici un adjectif.)
Le Tombeau de Couperin (Milstein, Lortie)
https://www.youtube.com/watch?v=hcuPVgpUKKs
Luys de Narvaez. Cette musique arrête le temps. Je ne l’écoute pas trop souvent, je ne voudrais pas l’user, atténuer l’effet qu’elle produit sur moi. Je recommande le premier morceau et celui qui commence à 8 :04.
Luys de Narvaez
https://www.youtube.com/watch?v=zn2GqqbZf2U
Gavotte, de Rameau. Il me suffit d’entendre les notes d’intro pour que je sois pris à écouter tout le morceau.
Rameau – Suite en la Gavotte et six Doubles / Natacha Kudritskaya @festival1001notes
https://www.youtube.com/watch?v=HuJ-LKEH6W0
Pie Jesus de Gabriel Fauré. Si vous ne frissonnez pas à la voix d’Andrea (la voix est un instrument aussi), donnez votre cerveau à l’IA. Il est déjà robotisé.
VOCES8: Pie Jesu by Gabriel Fauré
https://www.youtube.com/watch?v=o9al6HNOgSo
Hors concours pour excellence universelle : Jean-Sébastien Bach.
Enfin, chacun ses goûts, comme je disais. Moi, je donnerais tout Mozart et tout Beethoven pour trois notes de Satie.
Merci d’ajouter à ma liste d’écoute, Henri. Tes deux dernières pièces en particulier.