L’exercice d’entraînement

Il est toujours bon de faire quelques exercices d’entraînement avant de passer à l’action. Il a fallu, par exemple, que j’apprenne à écrire à la machine lorsque j’ai commencé mon apprentissage en tant que truchement à Toronto. J’ai dû apprendre à discipliner mes doigts, à les faire écouter le fil de ma pensée, sans dévier et sans ratures. Et c’est à force de répétitions et d’exercices d’entraînement que depuis bientôt 40 ans mes doigts filent au gré des mots des autres.

Que peut-on déjà conclure de l’occupation d’Ottawa ? Un comité d’extrême droite a démontré sa capacité de mener une opération paramilitaire avec bivouac, latrines et même parc gonflable pour amuser les enfants, impunément, pendant des semaines. Elle a pu se ravitailler librement, les forces policières, en tenue civile et non en armure antiémeute comme je les ai souvent vues pour la moindre manifestation anticapitaliste à Toronto, se disant intimidées par le nombre de manifestants. Il faut dire qu’on ne nous a jamais dit qu’il n’y avait pas d’armes parmi les camionneurs. C’est vrai que notre classe politique a fait un coup de cochon aux policiers et aux policières en leur demandant de s’exposer à la hargne d’une meute pour faire des interpellations. N’empêche qu’il faut se demander pourquoi les forces policières semblent incapables de faire ce que de simples citoyens ont fait en fin de semaine, c’est-à-dire bloquer un convoi et l’empêcher de se rendre au centre-ville ? J’attends impatiemment l’enquête publique qui révèlera les dessous et les complaisances du siège d’Ottawa.

C’est sûr qu’avoir un ennemi intérieur, c’est bon pour gouverner, tout comme il est vrai que le peuple est plus docile lorsqu’un pays a un ennemi extérieur. Les idées nauséabondes de l’extrême droite américaine et du trumpisme ont traversé allègrement la frontière poreuse d’un pays colonisé par les réseaux sociaux libertaires américains. La doctrine de la libarté a le vent dans les voiles. Notre démocratie est-elle menacée ? Peut-être que non, l’idéologie des camionneurs ne trouvant sa pleine expression que dans les régimes antidémocratiques totalitaires et le Canada est une terre d’accueil pour des gens qui ont justement fui ces régimes. Qui vivra verra.

Maintenant, tout un chacun vit accroché à la mémoire collective de son petit écran de balivernes à écouter prédicateurs et autres affabulateurs de la haine. Quand tout cela sera terminé, il y a un petit comité qui va se féliciter de la grande réussite de sa mobilisation et qui se dira mieux armé pour la prochaine confrontation. Qu’elle soit de vente ou paramilitaire, c’est toujours bon pour l’esprit d’équipe d’une force d’avoir des exercices d’entraînement.