25 décembre 1635

C’est au « chapitre XI ou Journal des choses qui n’ont peu estre rapportées sous les Chapitres precedens » de la Relation de 1636 du jésuite Paul Le Jeune que l’on retrouve la seule description de la mort de Champlain, reproduit ci-dessous sans autre modification que celle des i en j et des u en v.

« Le vingt-cinquiéme Decembre, jour de la naissance de nostre Sauveur en terre, Monsieur de Champlain, nostre Gouverneur, prit une nouvelle naissance au Ciel ; du moins nous pouvons dire que sa mort a esté remplie de benedictions. Je croy que Dieu luy a fait cette faveur en consideration des biens qu’il a procurés à la Nouvelle-France, où nous esperons qu’un jour Dieu sera aimé et servy de nos François, et cognu et adoré de nos Sauvages. Il est vray qu’il avoit vescu dans une grande justice et equité, dans une fidelité parfaite envers son Roy et envers Messieurs de la Compagnie ; mais à la mort il perfectionna ses vertus, avec des sentimens de pieté si grands, qu’il nous estonna tous. Que ses yeux jetterent de larmes ! que ses affections pour le service de Dieu s’échaufferent ! quel amour n’avoit-il pour les familles d’icy ! disant qu’il les falloit secourir puissamment pour le bien du Pays, et les soulager en tout ce qu’on pourroit en ces nouveaux commencements, et qu’il le feroit, si Dieu luy donnoit la santé. Il ne fut pas surpris dans les comptes qu’il devoit rendre à Dieu : il avait preparé de longue main une confession generale de toute sa vie, qu’il fit avec une gande douleur au Père Lallemant, qu’il honoraoit de son amitié ; le Père le secourut en toute sa maladie, qui fut de deux mois et demy, ne l’abandonnant point jusques à la mort. On luy fit un convoy fort honorable, tant de la part du Peuple, que des Soldats, des Capitaines et des gens d’Eglise ; le Père Lallemant y officia, et on me chargea de l’Oraison funèbre, où je ne manquay point de sujet. Ceux qu’il a laissez apres luy ont occasion de se loüer ; que s’il est mort hors de France, son nom n’en sera pas moins glorieux à la Postérité.

« Au sortir de ces devoirs funebres, Monsieur de Chasteau-fort, qui commande à présent aux Trois-Rivieres, prit sa charge, selon le pouvoir que luy en donnoient Messieurs de la Compagnie, par les Lettres qui furent ouvertes et levées à l’heure mesme en presence du Peuple assemblé en l’Eglise : ces Messieurs m’en avoient fait le depositaire pour les produire en temps et lieu, comme je fis. »

Mon intérêt pour les Relations des jésuites m’est venu en lisant la traduction magistrale de Daniel Poliquin de la biographie définitive de Champlain par l’historien américain David Hackett Fischer. Le chapitre 25 décrits les derniers mois de la vie de Champlain. Voici comment Fischer/Poliquin rendent le « convoy » du père Le Jeune :
« À Québec, toute la population vint lui rendre l’ultime hommage. Les habitants défilèrent en procession : les jésuites vêtus de leurs robes noires, les soldats dans l’uniforme blanc, bleu et or du roi, les marins en costume bariolé, les officiers avec leurs casques brodées, les seigneurs coiffés de leurs chapeaux à plumes comme à l’époque féodale, et les centaines d’habitants français emmitouflés dans leurs capes et chaussés de sabots. Les Indiens aussi étaient là, enveloppés dans leurs fourrures lustrées. Ils marquèrent sa mort avec une peine sincère. Une délégation huronne arriva plus tard avec une grande quantité de colliers de porcelaine pour consoler les Français de Québec dans leur deuil. Les mythes et légendes devaient nourrir le souvenir de sa mémoire sur plusieurs générations. » (Le Rêve de Champlain, p. 599, édition Boréal Compact)

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