Retour sur une semaine à Rouyn-Noranda pour assister au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue 2025
De retour de mon deuxième Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, qui marquait sa 44e cuvée cette année. Je reviens très satisfait de mon voyage cinématogastronomique annuel, surtout que cette année, le soleil était au rendez-vous et je suis sorti deux matins faire de la photo avec le grand photographe Rémi Lemieux. Et puis une semaine à fréquenter du beau monde c’est pas mauvais pour la santé métal des ermites de Richeville.

Des films, j’en ai vu pendant une semaine, des bons films, beaucoup de bons films et même un très bon film ou deux, ce qui fait que je pourrais en parler, mais à quoi bon parler de films qu’on a vu qu’une seule fois qu’on ne reverra pas et donc je vous épargne les détails, mais il y a un film qui m’a le plus accroché, de par la richesse de la mise en scène, du jeu des acteurs et de l’évocation d’un des pires monstres du XXe siècle. À la fin de ce film, le public est resté abasourdi, « flabbergasté » comme disent les jeunes, par la cavale de l’ange de la mort d’Auschwitz que venait de nous servir le réalisateur Kiril Serebrennikov dans son adaptation du roman d’Olivier Guez, prix Renaudot 2017, La disparition de Joseph Mengele.

Comme dans tout bon conte de monstre, il faut un contexte pour présenter l’histoire et compte tenu du contenu, rassurer le spectateur que le monstre est bel et bien mort. Le film s’ouvre donc sur un cours d’anatomie où l’enseignant atteste de l’authenticité de l’identité du squelette, squelette qui serait celui du « père de la médecine brésilienne » déclare le professeur aux étudiants incrédules, Joseph Mengele. Ce n’est qu’après ce préambule que commence le récit de la cavale de Mengele en Argentine, au Brésil et au Paraguay pour échapper à la justice, mourant sans avoir été repris par ses pourchasseurs. Nous vivons cette histoire du point de vue de Mengele lui-même et si à aucun moment on ne ressent de sympathie pour le personnage, c’est grâce au jeu remarquable d’August Diehl qui incarne la banalité humaine monstrueuse de la bête enragée qu’était Joseph Mengele.
La facture du film, la musique, la composition des images, j’ai été pris du début à la fin. Le film n’a pas été applaudi, ce qui est assez exceptionnel, le public applaudissant presque toujours les films, certains croient même bon de se lever si l’équipe de réalisation est présente. Je me suis levé, le film m’avait comblé, j’étais repu d’images. J’ai commencéi à enfiler mon manteau lorsqu’on me rappela que La disparition de Joseph Mengele n’était que le premier film, il y avait encore Panopticon, un film géorgien au sujet d’un adolescent, laissé au soin de sa vieille grand-mère, qui part à la dérive lorsque son père se fait moine. Ce n’était malheureusement pas une comédie, la dérive comprenant un passage de skinheads s’attaquant aux forces prodémocratie de la Géorgie libérée du joug soviétique. Pas une comédie, mais pas complètement une tragédie non plus, panopticon étant un lieu ou un moyen d’ouverture et d’exposition de soi.

C’est ça qui arrive au festival de Rouyn. Les films s’enchaînent les uns dans les autres, et de jour en jour tous ces univers d’ombre et de lumière se fusionnent, aboutissent dans la cour à ferraille de mes rêves. Je sors du festival gavé. L’Étrangère est un autre bon film malgré son improbable happy-end. Un happy-end, c’est pas mal la règle des films aujourd’hui, presque toujours introduit par un brin de musique dramatique, des images au ralenti, et des grosses émotions genre trois mouchoirs. Broken Voices fait exception, pas de happy-end dans cette dissection de la pédophilie dans une chorale de filles de la République tchèque, juste la banalité du mal, comme dans La Disparition de Joseph Mengele, car les monstres sont des hommes à bien des égards comme les autres, qui font des fêtes comme les autres. qui se réunissent comme ces revanchards nazis hier au Bréseil, qui se gaussent des pauvres aujourd’hui aux magasoirées de Mar A Lago.
Dans Il était une fois Gaza, une fin d’une absurdité désopilante arrive de façon tout à fait imprévu bien qu’elle ait été télégraphiée depuis le début. C’est un bien curieux film, très heureux d’avoir pu le voir. Une manifestation propalestienne nous a accueilli dimanche après-midi, c’était curieux et très poli, surtout que le film palestinien n’était pas au programme ce jour-là. C’est un très bon film, et on imagine la difficulté de sa réalisation, mais je ne peux m’empêcher d’y voir l’humour noir des frères Cohen. On n’a jamais su ce qui était arrivé de la manif.


