Aiguiser le crayon

Quoi faire avec un blogue ? Me voilà avec mes 50 000 mots habituels à traduire d’ici au 28, je passe mes journées au clavier, alors voilà, plutôt que d’opiner sur les sujets du jour, le blogue sera mon écritoire et mon cahier de brouillons. Je vais probablement réécrire des textes destinés à d’autres fins ici. Lorsque j’aurai de vrais petits papiers à dévoiler, je sortirai tambours et trompettes, ouvrirai les vannes des réseaux sociaux et monterai sur la tribune du Petit Parc pour proclamer haut et fort mon petit papier avant de retourner m’amuser dans mon coin du Petit Parc.

Voici le texte de départ de l’atelier d’écriture, que je vais réécrire.


Autoportrait 2003

Ce matin, j’ai voulu imprimer un Sudoku du Monde. Une page blanche est sortie de l’imprimante, ma production littéraire des quarante dernières années. Je me suis mis en tête de retrouver le fil égaré d’une écriture de création.

J’étais parti pour Toronto, sur les ailes d’une ange comme on dit, qui était venue m’offrir un gite au fin fond du val, ce petit coin que je croyais être de paradis et qui s’était avéré être, comme me l’avait si bien décrit Alex un jour que nous nous étions croisés au marché et qui avait lui aussi connaissais le manoir de ma propriétaire et de son pote, « une belle pomme rouge qui est complètement pourrie quand tu croques dedans ». Alex, c’était un dessinateur de La Pulpe, une revue du petit navire Cinésources 10 dont j’avais été le coordonnateur. Mais ça, c’était bien après l’âge d’or de Jean-Pierre et d’André, mais ça, c’est toute une autre histoire, qui n’est pas celle d’aujourd’hui.

Je suis arrivé à Toronto et je m’étais mis à écrire, ou plutôt à piocher à deux doigts sur une grosse Underwood qu’avaient rodée les filles de l’école secondaire de Rockland dans les années 40, m’avait-on dit quand on me l’avait donnée. Enfin, je pensais que j’écrivais. Pour reprendre le mot de Truman Capote, « That’s not writing, that’s typing ». J’ai rempli une soixantaine de pages de l’immense fresque de fantômes qui enfumait mes rêves avant de me rendre à l’évidence que je ne savais pas écrire. Si vous êtes pas fin avec moi, je vais vous en faire lire de ce galimatias.

Quand on lâche la bouée et que le courant est fort, on finit par être emporté par le torrent de la vie qui semble si doux quand on est jeune. La nécessité de gagner sa vie s’impose, les années passent et la case départ est toujours là. Je m’étais juré avant de partir pour Toronto que ma plume me ferait vivre, et c’est ce que j’ai fait mais hélas, je l’ai fait en tant que truchement, ce qu’on appelait au pays de mes ancêtres les gens qui servaient d’intermédiaires entre les langues. Nous, les truchements, sommes de vieilles prostituées des lettres rarement dignes du respect des Lettrés. N’empêche que c’est une bonne école et on rend service. Et aujourd’hui, je me sens mieux outiller, comme on dit maintenant, pour me remettre à l’œuvre.