La grand-maman

Depuis l’automne, je suis grand-maman, et très très fière de l’être. Le petit fils à qui je dois l’honneur de ce titre est plus que charmant, et je ne me lasse jamais de passer du temps avec lui. Comme nous ne vivons pas dans la même ville, il n’y a pas encore grand danger qu’il se tanne de mes visites, donc j’essaye de profiter pleinement de chaque minute auprès de lui.

Quand j’ai vu cette photo de nous deux collés ensemble dans le hamac, pour une fois je n’ai pas mal réagi à me voir. En temps normal, je suis hypercritique de mon apparence, surtout depuis que je traîne plusieurs livres en trop. Dans mon esprit, je devrais perpétuellement être mince et alerte, mais la réalité du moment c’est que je suis plus lourde et plus lente. Et tant pis, non? Ça ne change pas l’essence profonde de mon être. Ça ne change pas que ce petit chou me voit et m’entend comme une grand-maman toute pleine d’amour et de tendresse envers lui.

Pour une fois, j’ai vu le corps mou et généreux de la grand-maman que je suis comme un terrain accueillant et aimant pour mon petit-fils, qui se fout bien du chiffre sur le pèse-personne. Et tout comme je lui offrirais toute la patience du monde quand il pleure ou exprime ses besoins, je me suis sérieusement demandé pourquoi je ne pourrais pas être aussi gentille et douce avec moi-même? Un travail en cours. À suivre.

Le p’tit chou accouche

Mathieu et moi quand nous étions des bébés : il a environ deux ans dans cette photo, et moi, que vingt-quatre!

J’ai eu la chance d’avoir quatre enfants; chanceuse parce que j’étais en santé et les bébés aussi, et chanceuse parce que j’étais en amour et mon chum était un très bon papa. Je ne prends pas tout ça pour acquis, parce que ça n’arrive pas nécessairement à tout le monde, et certainement pas tout le temps. Le beau blond joufflu dans la photo est Mathieu, notre deuxième enfant à naître, mais aussi, notre premier fils.

Lors de l’arrivée de Mathieu, sans test ultrasons pour me contrarier, j’avais le pressentiment qu’il était une fille. Quand il s’est avéré de ne pas être une fille, je n’étais pas du tout déçue, j’étais contente, mais cela a pris un p’tit temps d’apprivoisement. J’ai donc eu l’impression, pendant les premières semaines de sa vie, de tomber progressivement plus profondément en amour avec lui, tout en constatant à quel point il était unique et différent de sa grande sœur.

Mathieu, qui n’a plus deux ans, et sa blonde Isabelle viennent d’accueillir un bébé à leur tour, un garçon qui s’appelle Laurent et qui promet d’être tout aussi merveilleux que ses parents. Et soyons clair – ce n’était pas mon p’tit chou de Mathieu qui a accouché, (contrairement à mon titre) mais c’est bien Isabelle qui a porté le bébé pendant neuf mois et qui a vécu dans son corps l’accouchement! Merci Isabelle! Toute la famille est content de l’accueillir et d’avoir l’opportunité d’apprendre à le connaître. Il est le premier d’une nouvelle génération. Déjà nous sommes collectivement gaga devant lui. Bienvenue Laurent!

Le sol bleu de Clara

Clara est une de mes élèves de piano. Elle a cinq ans et de grands yeux bleus. Elle commence seulement à lire et à écrire, mais elle est fière de connaître les notes de musique, do-ré-mi-fa-sol-la-si-do. Elle peut même les écrire si j’épelle les lettres une à la fois. « Mi » c’est « m–i », « fa » c’est « f–a » et ainsi de suite.

Mon découragement face au confinement et au télétravail imposé par la pandémie m’ont poussé à échanger un emploi stable en administration pour des contrats de professeure de piano et de formatrice en ateliers d’art. Un retour à mes premières amours. Je rebâtis donc cette fondation sur laquelle on nous encourage rarement de faire carrière. C’est dans ces activités que je retrouve ma joie.

Parfois, enseigner le piano aux tout-petits me ramène à ma propre enfance. L’émerveillement de Clara, tellement contente de reconnaître la note « sol » sur la portée qu’elle trace ses lettres trois fois, me ramène tout à coup l’odeur du gazon fraîchement coupé. Je me revois assise devant le piano droit, chez nous, près de la porte qui mène dehors au lac. Je peux quasiment sentir le vent entrer par la fenêtre, et je revois sur les feuilles de musique le griffonnage de Mrs. Burton, ma professeure de piano avec le dos bien droit qui voulait toujours que je pratique davantage.

Mes élèves profiteraient sans doute de pratiquer davantage eux aussi. Pourtant, cela ne me dérange pas de me mettre à la recherche du « sol » cinquante fois avec quelqu’un, parce que c’est peut-être à la cinquante-et-unième fois que la note va rester soudée dans son esprit, lui permettant d’aller l’identifier avec confiance sur le clavier. En musique, ainsi que dans nos vies, la répétition peut faire place à l’épanouissement.