Micronouvelles 1

Un chien

Le chien, un labrador perclus de rhumatismes et dont le poil semblait avoir été roussi par le feu d’un haut-fourneau, grattait le sol. Sans presse, calmement, malgré les douleurs dans les pattes, il ramenait au jour la terre dont il humait longuement chaque centimètre cube. De temps à autre, il arrêtait ses travaux d’excavation, s’asseyait sur son arrière-train et regardait à gauche, à droite. Il voulait être seul et aurait retardé ses fouilles si les maîtres ou Gertrude, la chatte dominatrice de la maison, avaient été là. Mais la chatte était chez le vété et les autres étaient tous au chalet, sauf Caleb, l’aîné boutonneux qui détestait aller au chalet et avait proposé de s’occuper du chien. Dès que les parents et les deux sœurs furent partis, Caleb avait enfourché son vélo pour aller rejoindre les copains. Il s’adressa au chien.  « Toi, tu restes là et tu fais pas le con. » Le chien avait la voie libre pour terminer sa curieuse tâche. Il jeta un autre coup d’œil aux alentours et reprit son creusement. Il avait grandi dans cette maison, qui avait été maintes fois rénovée. Le terrain n’y avait pas échappé, sauf le coin derrière le chêne, qui n’avait jamais été réaménagé. C’était le coin préféré du chien quand il était chiot, avant qu’il ne se mette à préférer le tapis moelleux du salon. Le labrador frétilla un peu de la queue. Il sentait les vieux souvenirs cristallisés dans l’humus qui reprenaient vie. Chaque coup de patte et de museau lui ramenait les senteurs de ses premiers mois. J’ignore si un chien peut pleurer. Si cela se pouvait, ce labrador aurait été en larmes au rappel des tendres mémoires qui surgissaient soudainement du sol. Ce ne fut pourtant qu’une vie de chiot bien ordinaire. Batifoler dans l’herbe, aboyer après la neige, cacher les chaussettes, ronger les marches d’escalier. Il cessa de creuser et s’affala de tout son long, museau dans le trou, pour inspirer un dernier effluve et expirer un dernier souffle. C’est dans cette position que Caleb le retrouva à la fin de l’après-midi.


Les saucisses

C’était une petite chorale sympathique, dirigée par Hernie Guts, un Écossais francophile qui avait monté de bric et de broc cette chorale, dans notre quartier paupérisé par la fermeture d’un gigantesque entrepôt d’Amazon. Il y avait quelques petites vieilles, un quinqua qui se donnait un look à la Elvis, un motard, une plombière, et d’autres. Une jolie bande. Mon chum René chantait aussi et je m’étais porté volontaire pour organiser le petit buffet d’après-concert. Gratuit pour les choristes, payant pour les membres du public.

J’avais disposé avec minutie les craquelins, l’humus, les pâtés – le végé et le pas végé, les fromages, et tout le reste, sans oublier les saucisses cocktail au sirop d’érable dont je raffolais, même si René ne cessait de me dire que c’était de la pure cochonnerie, dans les deux sens du terme. Mes préparatifs allaient bon train. La chorale a entamé What a Wonderful World, à la demande expresse de Béatrice, l’aînée de la chorale, qui venait de perdre un petit-fils et voulait échapper au pathos dans lequel s’était drapé sa famille. J’avais presque terminé, quand Hernie s’est tourné vers moi, le visage convulsé de douleur. D’un signe erratique de la main, il m’a supplié de prendre la relève et il s’est dirigé dare-dare vers les toilettes. Il faut dire que j’étais aussi l’assistant-directeur de la chorale. Personne ne comprenait ce qui se passait. Tous ont continué sans broncher et j’ai pu mener la troupe jusqu’aux dernières paroles de la chanson. Yes, I think to myself. What a wonderful world. Ooh, yes.

Après deux autres chansons, j’ai annoncé qu’on prenait une brève pause pour permettre à Hernie de revenir. Après tout, c’était lui la star de la chorale. Il avait déjà chanté, dans un rôle secondaire, à la Scala.

Je me suis rendu aux toilettes pour voir ce qui s’y passait. Affalé par terre, la chemise ouverte, Hernie gémissait. Il tenait ses tripes dans ses mains. Mes études ratées de médecine m’ont été utiles, car j’ai aussitôt compris ce qui se passait. Une immense déchirure de la paroi abdominale avait permis aux viscères de sortir du péritoine et de se répandre comme un plat de … saucisses.

Les ambulanciers sont rapidement arrivés et Hernie a été opéré le soir même, avec succès. Le chirurgien n’avait jamais vu rien de tel. « En plus, quand j’ai vu son nom sur sa fiche, je n’en revenais pas! » Mon intervention avait été critique. Si on avait attendu deux heures de plus, Hernie serait mort d’ischémie et de nécrose irréversible subséquentes à une … hernie inguinale. Depuis, je suis incapable de voir des saucisses ou même d’entendre le mot hot-dog sans avoir un haut-le-cœur, parfois jusqu’à en vomir mes propres tripes.


Une promesse non tenue

– Tu viendras me voir, hein?

– Bien sûr Jules, chaque fois que je passerai dans le coin.

Dix années séparaient les deux frères. Jules venait d’être placé en foyer. Quadraplégique avec grave traumatisme crânien à la suite d’un accident de moto, il avait été pris en charge par les parents. La Covid passa par là et emporta à une semaine d’intervalle les deux septuagénaires, de santé déjà fragile. On proposa à Jules un transfert à Aylmer dans un centre spécialisé. Il préférait rester chez un oncle dans son patelin.

– Tu me le promets?

 Paul prit les deux mains de Jules.

– Je te le jure. Je fais souvent la route Gatineau-Montréal par la 50. Un petit détour par Chénéville, ça sera rien pour moi.

Jules ignorait que Paul, le grand frère qu’il idéalisait, venait de rencontrer Pâquerette dans un Tim Horton de Laval. Paul avait été séduit par sa désinvolture et sa sensualité. Après quelques sorties et nuits chaudes, elle lui avoua qu’elle était danseuse nue au chic Mambo Travesio, à Longueuil. Elle s’attendait à un rejet, comme cela arrivait souvent avec les types qui l’intéressaient, des intellectuels surtout. C’était tellement hors de son milieu. Au contraire, Paul fut titillé par la chose et devint un client régulier du Mambo. Il s’y lia d’amitié avec Ernesto, un motard. Ernesto était un fin parleur. Il était cultivé. La philo l’intéressait, la cosmologie aussi. Paul avait étudié en astrophysique avant de bifurquer vers la philosophie. La philo ne payait pas. Il devint donc chauffeur pour Postes Canada. Pendant que Pâquerette s’effeuillait sur la scène et faisait bander quelques petits vieux aux yeux exorbités, Paul et Ernesto discutaient de relativité générale, de trous noirs, de trous blancs, de lignes blanches, de coke.

– Viens, on va dans la back room. J’ai du stock comme t’en as jamais sniffé.

– Il y a longtemps que j’ai sniffé.

– Ben là, l’ami.

 Paul y prit goût, la relation avec Pâquerette devenait sérieuse. Un soir, Ernesto se pencha vers lui.

– J’ai besoin de ton aide, mon ami Heidegger. Viens, on va en arrière.

La deal fut conclue au-dessus d’une belle ligne. Une fois par semaine, Paul devait transporter deux ou trois kilos soigneusement dissimulés parmi les colis de la Poste. La coke et Pâquerette étaient sa nouvelle vie. Il oublia Jules. Il fut arrêté quelques mois plus tard. On l’avait dénoncé. Ernesto peut-être, qui commençait à avoir le béguin pour Pâquerette. Il ne le sut jamais. À sa sortie, il apprit la mort de son frère. Il se rendit au Mambo Travesio. Le bar avait été incendié et il ne parvint pas à retrouver Pâquerette. Il n’avait jamais revu Jules.


Un drôle de moineau

– Il est smart mon Gaston, tu trouves pas?

– Peut-être, mais il est bavard comme pas deux. Comment tu fais pour supporter ces cris rauques?

Jacques a haussé les épaules et a souri. « On s’habitue, c’est tout. » Ch’est tout, ch’est tout, a répété aussitôt Gaston, le cacatoès. Il chuintait. Jacques lui avait appris un nombre impressionnant de mots, près de deux cents. Il semblait associer certains mots à d’autres. Lorsque la sonnette se faisait entendre en début de soirée, Gaston se mettait à hurler « porte, pitja… porte, pitja». Il ne manquait jamais la livraison de la pizza, surtout qu’il avait droit à une pointe. Quand Jacques était sous la douche et que le téléphone sonnait. Gaston l’accueillait au sortir de la douche en caquetant « douche, téléphone… douche, téléphone! ». Jacques avait déjà été marié et il avait acquis Gaston par la suite en guise de prix de consolation. L’entente avait été rapide et réciproque. Il avait trouvé son partenaire de vie. Ces derniers temps, Jacques avait souvent des pertes cognitives. Il était pourtant réputé pour l’infaillibilité de sa mémoire. La perspective de la démence l’effrayait. Je le visitais souvent. Il avait besoin d’être rassuré.

– Tu sais, je lui ai appris mon numéro de compte. Juste au cas …

– Il l’a retenu?

– Oui. Gaston, c’est quoi le numéro de mon compte?

L’animal a débité les dix lettres et chiffres du numéro. J’étais impressionné. Deux semaines plus tard, un AVC terrassait Jacques et l’impensable s’est produit : il est devenu amnésique. Sa sœur m’a demandé de m’occuper de ses affaires, pas très brillantes. Il devait de l’argent un peu partout. Ça pressait. Le fisc, l’hypothèque, des types louches. Elle n’avait pas ses accès bancaires. J’ai fouillé dans l’appartement, sur son ordinateur. Rien. Même pas un relevé. Jacques s’était trop fié à sa mémoire. Pendant mes recherches, Gaston est demeuré silencieux. L’absence de Jacques lui avait cloué le bec.

– Gaston, c’est quoi le numéro du compte?

Aucune réponse. Après plusieurs tentatives vaines, j’ai eu une idée. J’ai appelé la pizzeria voisine.

– Allô, oui, c’est pour une pizza moyenne avec bacon.

Du coup, Gaston s’est agité et a clamé pitja, pitja! Quarante minutes plus tard, la sonnette a retenti. Porte, pitja … porte, pitja. Boîte ouverte, je me suis servi. Ses grands yeux étaient fixés sur ma pointe de pizza. aucun de mes gestes de lui échappait.

– Tu en auras si tu me dis le numéro du compte.

Gaston a émis un râlement profond. Il a longuement hoché la tête de gauche à droite, déchiré par une demande impossible.

– Checret, checret. Motuche et bouche couchue.


Synchronicité

Le voyant s’est allumé. Panne d’essence annoncée. Comme j’avais deux cents kilomètres de route devant moi, j’ai fait le plein à la première station d’essence venue. C’était un gros dépanneur. Il y avait une bonne file à la caisse, la foule habituelle d’un vendredi soir. Certains attendaient de payer un plein d’essence ou de la bière et des chips, d’autres venaient prendre leur ration de billets de loto, le gros lot annoncé frisant les cinquante millions. J’ai vu la caissière. Je n’aime pas m’attarder sur le physique des personnes, chacun faisant son possible avec ce que la nature lui donne. Une autre loterie celle-là, celle du code génétique, qui produit au petit bonheur la chance des athlètes, des artistes, des scientifiques ou des financiers de haut vol, tous les autres devant se contenter du sort qui leur échoit. L’ADN façonne le contenant, ce ziploc fait de chair et d’os. Mais qu’en est-il du contenu? Cette caissière était particulièrement moche. Des yeux très espacés, une chevelure clairsemée, un sein plus haut que l’autre, des boutons d’acné, un mince filet de voix, un chandail des Nordiques. Dieu ou la génétique devaient être fatigués la nuit de sa conception. Pourtant, malgré toutes ses vicissitudes physiques, elle parlait calmement, avec gentillesse. Elle était bien au-delà des ratés génétiques qu’avait été le bricolage de son corps. Honteux, j’ai cessé de l’observer, me sentant pire qu’un voyeur caché derrière les arbres sur une plage de nudistes. Je me trouvais cheap. J’avais toujours éludé le concept d’âme, une notion à mon avis vaseuse servant à englober les paramètres inconnus du cerveau. Là, soudainement, entre une allée de junk food et une autre de produits automobiles, je n’étais plus certain. Elle a probablement plus de profondeur d’âme que moi, ai-je pensé. Mon tour est arrivé, j’ai payé, je lui ai souri, elle a répondu à mon sourire avec un regard perçant. Avait-elle lu mes pensées? De retour dans l’auto, j’ai démarré et j’ai allumé la radio. D’une voix suave, la présentatrice a annoncé le programme de la soirée. « Ce soir, en compagnie de Chopin et de Schubert, nous allons nous interroger sur l’âme et la beauté intérieure. »


L’air

Des pas derrière moi. C’est la cadence lente de Léa. Elle pose sa main sur mon épaule.

– Ça va?

Je fais oui de la tête. Les yeux fermés, je prends une grande respiration. La douceur de l’air me fait mal. J’expire longuement. Elle enserre mes épaules. Je l’aime.

– Tu devrais te reposer. Nous avons une longue route à faire demain.

– J’arrive.

Je ne parviens pas à m’extirper de la vue qui s’offre à moi, une vue que je connais pourtant si bien. La rue bordée par la piste où vélos et joggeurs circulent en évitant les trous, le parc où il a fallu abattre les frênes infestés, la rivière lente. Il y a ce soir une légèreté intenable dans l’air, comme si les molécules d’azote et d’oxygène vibraient à des fréquences produites par une mécanique autre que la quantique. Les mouettes planent un temps fou au-dessus de l’eau, elles battent peu des ailes. Malgré sa légèreté, l’air a une portance extraordinaire. Il soutient non seulement le voilage des oiseaux sur de longs trajets, mais aussi le fragile échafaudage de mon cœur. Il y a un murmure de bonté dans l’air.

Dans deux jours, on enterrera mon père. Nous nous sommes revus il y a une semaine, dans son bungalow délabré de Val-d’Or. Il était à l’agonie. Longtemps, l’air a été vicié entre nous. Beaucoup de malentendus, de non-dits qui ont pollué l’atmosphère. Nous ne nous sommes pas vus pendant quinze ans. Dans sa chambre, nous n’avons pas parlé. Seuls des petits serrements de ses doigts sur les miens disaient quelque chose. Sur son petit appareil, du Bach jouait en boucle. L’Air sur la corde de sol. J’aurais voulu l’accompagner jusqu’à son dernier souffle, jusqu’à cette dernière bouffée d’air que j’aurais pu inhaler dans un ultime acte de réconciliation. Je devais revenir d’urgence à Montréal pour le travail.

Léa me tend une tasse de thé et s’assoit sur le banc, à mes côtés. Je la regarde. L’air autour d’elle est un véhicule de beauté.


Une famille

Ils ne passaient pas inaperçus. Les Grignon, une famille de huit. À la plage, ils détonaient. Tous de grande taille, même les plus jeunes, ils se déplaçaient en groupe, que ce soit pour aller aux toilettes, commander des smoothies au bar ou plonger timidement un orteil ou deux dans l’eau pourtant chaude. Outre leur grande taille, ils avaient tous un long cou, des bras courts, de longues jambes. Il y avait toujours l’un d’entre eux en train de regarder au loin, bougeant la tête par petits gestes saccadés. Ils ressemblaient à des suricates, morphologiquement et collectivement. La mère était la plus affairée des huit. Ses petits yeux plissés scrutaient avec méfiance quiconque s’approchait trop des plus petits, dans les 3 à 5 ans. Les plus vieux sortaient à peine de l’adolescence. À la différence des autres de leur âge qui ne demandaient qu’à s’éloigner au plus vite de papa et maman, ils restaient agglutinés au groupe. Le père, ventripotent, lissait avec soin sa fine moustache comme s’il l’avait reçu en héritage de Dali lui-même. Ils étaient arrivés à la plage dans une Toyota Sienna rafistolée. Dans notre petite ville du bord de mer, tout le monde se connaissait. Nul ne savait où cette famille habitait, comment les parents gagnaient leur vie. Sur la plage, ils choisissaient toujours le point le plus haut. Ils se relayaient pour faire le guet. Personne ne s’approchaient d’eux. J’entendais les commentaires des autres vacanciers. On les trouvaient bizarres. Je les ai vus souvent cet été-là, mon premier été de travail comme sauveteur pendant mes études. En quatre ans, c’est le seul été où ils sont venus. Du haut de ma chaise de sauveteur, j’avais eu tout le loisir de les observer. Je me suis souvent interrogé à leur sujet. Comment une famille d’humains pouvait-elle ressembler autant à un groupe de suricates? La nature a le don de réserver des surprises. Prenez mon cousin Tobias, qui n’a pas presque pas de mâchoire. Avec ses yeux globuleux et son nez camus, il a le profil d’une tortue de mer.


Les mochis

Je déteste les mochis. Si, selon wiki, le mochi est considéré par les Japonais comme le réceptacle de l’esprit des divinités, il sont pour moi le symbole même de l’abomination culinaire. J’avais rencontré Corinthe dans un cours de cuisine. L’habituel alimentaire nord-américain, entendons-par là le gras, le riche et le salé, me satisfaisait. J’avais néanmoins un faible pour certains plats orientaux. Voulant apprendre comment préparer un pad thaï ou un mapo doufu décent, je m’étais inscrit à un cours. Corinthe était l’instructrice. À peine trente ans, elle avait bourlingué dans tous les recoins de notre boule pour bouffer des trucs hors du commun. Des œufs de cent ans, de la cervelle de singe, du haggis, des yeux de mouton. Elle avait vu en boucle tous les défis alimentaires de Fear Factor. Elle s’était mise au bouddhisme zen et du coup elle avait opté pour la cuisine macrobiotique. Nous nous sommes plus, et nous avons emménagé ensemble. Elle m’a initié à de nouveaux ingrédients : miso, seitan, konjak et un tas d’algues différentes. Elle lisait et relisait les ouvrages d’Oshawa. La macrobiotique, j’appelais ça la cuisine brune en raison de tout le tamari dont je recouvrais ces affaires-là. Puis les mochis sont arrivés. Corinthe avait quelque chose avec les mochis. Ou plutôt elle ne l’avait pas. Excellente cuisinière en tout, les mochis lui échappaient. Elle n’y parvenait tout juste pas. J’étais son cobaye. Son premier essai m’a coûté une incisive. Dès la première croquée, le dent s’est coincée dans l’amas de riz. C’était tellement gluant que j’ai eu de la peine à sortir ce tas collant et épais de ma bouche. Deux semaines plus tard, elle m’a annoncé un changement dans sa recette. « Le riz est plus frais. » Frais ou pas frais, j’étais dubitatif. J’ai croqué avec précaution dans la bouchée, y insérant avec soin chaque dent. J’ai mâchonné et mâchonné, puis j’ai tenté d’avaler. Là, ça a bloqué et pas à peu près. L’air ne rentrait plus. J’étouffais. Heureusement, son frère était là. Un grand gaillard, ambulancier de surcroît. Sans hésiter, il m’a saisi à bras corps par derrière, m’a soulevé et a appuyé tellement fort sur mon thorax que j’ai eu les côtes endolories pendant des semaines. Au moins, j’avais expulsé le morceau, un motton bien visqueux. Pendant un an, il ne fut plus question de mochi.

Un nouveau restaurant japonais venait d’ouvrir dans un endroit bucolique donnant sur la rivière. Corinthe était excitée à l’idée d’y fêter notre deuxième anniversaire. « Je connais le chef. » La bouffe était excellente. Le chef nous a amené un dessert. « Préparé expressément pour toi et ton ami, ma chère ». Des mochis! Même si c’était des hishis mochis bien jolis, c’était quand même des mochis. Corinthe a pris une bouchée et ses yeux se sont agrandis d’extase. « Hiro, c’est génial. » Hiro m’a regardé, attendant que je plonge ma fourchette dans sa création. J’ai coupé un petit morceau et j’ai vite croqué dedans pour passer à autre chose. Schlack! Une deuxième incisive est tombée au combat. J’ai foudroyé Hiro du regard. Corinthe était morte de rire. Elle a minaudé. « OK, plus de mochi, mon beau. Un hamburger demain midi? »


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