Simone et son violon

Simone, 8 ans, et son violon

Tous les samedis, le même jeune homme se présente devant elle au guichet du cinéma. Elle dira qu’il avait un penchant pour le cinéma. Lui dira qu’il avait avait un faible pour la caissière.

En 1930, après des rénovations majeures, le Théâtre Laurier est un devenu un palais du cinéma sonore de 1250 places.

Simone est caissière au Laurier. Bien qu’elle soit maintenant une violoniste accomplie, ses rêves d’une carrière en musique se sont évanouis. Elle fait occasionnelement des prestations lors de soirées culturelles et des fêtes champêtres, au Pavillon Rockliffe à Ottawa, entre autres. Son répertoire est assez étendu et se prête à plusieurs événements1. Son plus grand honneur sera d’être premier violon invité à l’Orchestre municipal d’Ottawa2.

« L’enregistrement de la musique, d’abord avec le procédé Vitaphone, puis avec les procédés de son sur film, toucha aussi une profession qui s’était développée dans les 35 premières années du cinéma : les instrumentistes qui jouaient au pied de l’écran, accompagnant les péripéties du film au moyen de musique plus ou moins improvisée (…) Les pianistes, les violoneux (sic), les organistes n’ont plus leur place dans les salles. Ainsi, aux États-Unis, la Fédération des musiciens américains (American Federation of Musicians) recense quelque 22 000 emplois perdus de 1926 à 1928.» Wikipedia.

Mais la vie suit son cours. Tous les samedis, le même jeune homme se présente devant elle au guichet du cinéma. Elle dira qu’il avait un penchant pour le cinéma. Lui dira qu’il avait avait un faible pour la caissière.

Lui, le gars de la campagne, en ville depuis la fermeture du moulin à bois de Rockland. Elle, la fille de Hull qui prend les p’tits chars pour aller manger un jello sur la rue Principale. Elle se moque de lui quand il parle des mouches à feu. — Voyons donc, Isaïe, ça s’peut pas! — J’te l’dis, Simone! Un jour il lui ramènera un pot rempli de lucioles en guise de fleurs.

Simone et Isaïe auront sept enfants. Ils seront partenaires dans plusieurs entreprises de cinéma à Arnprior, Pembroke, Alfred, Hamilton et Rockland. Simone jouera de son violon toute sa vie. Elle donnera des récitals, accompagnée au piano, à des événements sociaux et religieux. Elle sera la vedette de toutes les rencontres de la grande famille. Elle jouera aussi devant la cage de chacun de ses nouveaux serins pour les inciter à chanter.

Récemment, comme j’ai hérité de la reponsabilté du violon, j’ai accompagné mon fils Louis chez son ancienne professeure de violon. Elle et son mari, ébéniste et luthier amateur, étaient pressentis pour mettre le violon en bon état. Elle a mis le violon à son épaule pour l’évaluer et s’est mise à jouer avec vigueur et aplomb, comme ma mère le faisait. Faut dire que d’entendre ces cordes ainsi vibrer après plus 35 ans de silence… ben, ça m’a fait de quoi.

L’original de la photo d’entête est entre les mains de ma soeur Gislaine. Merci Gislaine et Monique pour vos efforts de mémoire!

1 Au décès de ma mère, mon grand frère, qui l’avait entendue au sommet de son art, a compilé 2 CD audio des pièces qu’elle jouait à cette époque. J’ai remplacé les versions audio par des versions glanées sur Internet dont plusieurs rappellent les ambiances dans lesquelles elle a certainement joué. Exercice très intéressant.

2 Ne pas confondre avec l’Orchestre du CNA. Simone s’est présentée à des auditions lors de la création de cet orchestre en 1969. On lui a dit qu’on voulait des talents plus jeunes. L’Orchestre symphonique d’Ottawa, qui a plusieurs fois changé de nom, existe depuis 1894.

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