Ma sœur, accompagnée d’une autre sœur, s’est rendue à l’urgence un jour de semaine, en début d’après-midi. L’attente a commencé.
J’ai été désignée accompagnatrice pour le shift de nuit, j’ai donc pris la relève à 22h.
La salle d’attente est bondée de monde – pas de grands blessés à cet endroit mais des gens mal en point, un peu brisés. Dans une salle d’attente, on attend. On attend encore.
Il y a un triptyque au plafond, des panneaux lumineux représentant un ciel bleu avec de jolis nuages blancs. Un substitut efficace à une fenêtre donnant sur l’extérieur, mais un peu incongru en pleine nuit. Le système de ventilation mène un vacarme infernal, mais le courant d’air frais qu’il génère est agréable. L’éclairage est bleuté, les murs gris.
Les conversations sont à voix basse. Ici, chacune et chacun s’isole dans sa bulle de souffrance. On n’empiète pas sur l’espace de l’autre, on se tasse les pieds pour laisser passer.
Les minutes sont des flaques, les heures deviennent lacs.
Au milieu de la nuit, la fatigue est manifeste. Les gens s’affaissent sur place, se recroquevillent, cherchent un brin de confort en se couvrant la tête, en se tournant d’un côté ou l’autre.
Un code s’est établi: on peut regarder nos voisins, croiser leurs regards, mais on ne scrute point. Avec rien d’autre à faire, nos yeux dansent entre les formes, s’arrêtent ici et là, passent et repassent. Mais à force de voir sans regarder, les voisins se dessinent tranquillement et prennent vie en nous. On les devine, on les reconnaît. Au bout de la politesse, il y a la délicatesse. Au bout du respect, il y a l’amour.
Au matin, je suis rentrée chez moi.
2 Responses
C’est vraiment bien décrit Stephanie, tout en étant poétique, tout à fait en résonance avec ce que j’ai pu vivre!
Oh, Stéphanie, quelle belle histoire, si bien dite! Un épisode de vie qui baigne dans la monotonie et la souffrance revêt au fil des mots une poésie très particulière. Superbe!