C’était il y a une douzaine d’années. Certains jours, la poursuite du moment présent était comme une chasse aux papillons, mais sans filet, ou, dans le meilleur des cas, avec un filet plein de trous. D’autres jours, moins légers, elle ressemblait à un projet digne de Sisyphe. Or, je n’ai jamais entendu personne qualifier ce pauvre Sisyphe de « zen ». Obsessif, sans doute, fataliste, peut-être. Quoi qu’il en soit, étant purement mythologique, donc aucunement humain, il ne s’est jamais soucié de la question.
À l’époque, toutes mes amies lisaient ou avaient lu Le Pouvoir du moment présent, d’Eckhart Tolle. C’était libérateur de sortir de son moi torturé pour s’immerger dans son espace à lui, pacifié et joyeux. Je l’ai visité plus souvent qu’à mon tour, aussi bien le jour que la nuit. J’avais l’impression de vivre une vie nomade et, dès que je le pouvais, de planter ma tente dans le « Eckhartsland ».
Écouter les causeries d’Eckhart au beau milieu d’une longue insomnie était assez magique. On pouvait ressentir sa paix et partager pendant quelques instants la joie de vivre à demeure dans le moment présent. Je garde de cette période, mouvementée mais fertile, un genre de souvenir tendre. De la gratitude, aussi.
Imaginons maintenant les pages du calendrier qui tournent.
Les années et un nombre infini d’instants présents ont passé. Ce fameux moment présent demeure presque aussi insaisissable, mais, somme toute, ça n’a plus beaucoup d’importance. Un jour à la fois, cependant, j’ai découvert que tous les moments devenaient plus vivants et accueillants une fois qu’on se sentait en amitié avec soi-même. Après tout, ce n’est en nulle autre compagnie que la sienne propre qu’on s’endort le soir, qu’on se lève le matin et qu’on traverse la journée. Quand on se sent chez soi, à l’aise dans sa parfaite imperfection, le cœur et la tête s’apaisent. L’amour et la confiance peuvent alors entrer.
Magnifique billet, Mireille. Et super bon choix d’images… Forme et contenu me ravissent!
Merci beaucoup
Les petits mots qu’on nous laisse gentiment sont un baume au coeur et un encouragement à continuer. Un merci bien chaleureux, Lise!
Le présent est un cadeau. Merci Mireille
L’amitié aussi. Merci, mon ami, toujours présent:)
– « Carpe diem », conseillait quelqu’un à Sisyphe.
– « Carpe » toi-même ; moi, j’ai les mains prises avec cette roche !
Comme le disaient les stoïciens, seul le présent nous appartient ; le passé n’existe plus et le futur n’existe pas encore. Le problème (là, c’est moi qui parle), c’est que le présent ne dure pas, à moins d’en faire du passé, lequel n’est que de l’avenir dépassé.
La vie est compliquée.
Le temps est une bien curieuse affaire, mystérieuse et insaisissable. Pour ce qui est de la vie, je me demande parfois si ce n’est pas avant tout l’esprit humain qui la rend compliquée…