J’avais 12 ans quand j’ai eu ma première caméra, un cadeau de Noël de ma grande sœur, alors enseignante en Allemagne. J’essayais d’imiter ses photos de voyage, mais hélas, Rockland n’était pas Bruxelles au temps de l’exposition universelle.
Je me souviens des acrobaties à faire pour éviter les fils électriques et les poubelles. Cette recherche de la photo parfaite m’a talonné toute ma vie : la belle composition, le bon cadrage, la bonne lumière, la bonne texture. Elle m’a talonné jusqu’à ce que je « rencontre » une petite fille, ma petite-fille. Elle mitraillait tout avec la caméra de son cellulaire. Un beau nuage : Clic clic clic clic. Tant pis pour les fils électriques, la saleté de la vitre d’auto ou les voitures sur l’autoroute, c’est le nuage qu’elle voyait. Rien d’autre.
J’ai beau essayé de lui inculquer quelques éléments de base de l’art de la photographie, rien à faire. Si t’aimes pas les fils, regarde-les pas! Puis je me suis rappelé un article de Stephen Jay Gould, un célèbre paléontologiste américain. Selon lui, il n’y aurait pas de vie sur terre si ce n’avait été d’un accident, d’une irrégularité, d’une imperfection. Vive les imperfections, donc, puisqu’elles sont source de vie.
Normalement, j’aurais rejeté la photo ci-haut sans même y penser. Pourtant, elle fait partie de mon quotidien, c’est la scène que je vois en sortant de la porte de la maison. C’est la réalité. L’imparfaite réalité.
J’entends une voix qui dit : Beaux nuages, grand-papa! Une autre qui dit : J’aime les fils qui traversent le ciel. D’autres voix s’ajoutent : Tes arbres morts ne sont pas très élégants, et Ça a l’air plus paisible que ce l’est pour de vrai.
C’est une photo qui me parle, je vais la garder.
Une réponse
Une philosophie qu’on gagnerait à appliquer à bien des sphères de la vie! (le jardin, la popotte, **les rénos** ;-))