On décrit un bonnet turc par rapport au nombre de spires (les tours autour du cylindre) et du nombre de ganses (les changements de direction au bord du nœud). Le nombre de spires détermine la largeur du nœud tandis que le nombre de ganses détermine la circonférence. Une bague de foulard est un bonnet turc de 3 spires 4 ganses.
Le bonnet turc peut être doublé, triplé et plus encore. On peut aussi l’entrelacer, ce qui multiplie ses usages et son aspect. Certains types d’entrelacement permettent de donner au nœud cylindrique une forme quasi sphérique. Pour cette raison, on peut affirmer que le bonnet turc se décline en milliers, voire une «multitude» ou une «infinité» de variations.
Voilà pour le côté bien aimé du bonnet turc.
En anglais, le nœud s’appelle Turk’s Head. Le terme remonte au temps des croisades contre les «vilains infidèles ottomans». À preuve, au moins deux pubs sur la route des croisés dans les Cornouailles en Grande-Bretagne se nomment Turk’s Head et affirment exister depuis plus de 700 ans. C.W. Ashley avance que le nœud aurait pu être nommé suite à la publication d’un livre en 1808 où l’auteur décrit un nœud qui «forme une sorte de couronne ou turban».
En français, la traduction littérale de Turk’s Head est tête de turc. Il existe un jeu de foire populaire qu’on connaît maintenant sous le nom de jeu du marteau ou de la masse. Il s’agit de frapper une sorte d’enclume avec force pour faire sonner une cloche au haut d’une colonne. Au 19e siècle, en France, l’enclume était une tête enrubannée et le jeu s’appelait la tête de turc. Depuis ce temps, l’expression tête de turc signifie bouc émissaire ou souffre-douleur. C’est peut-être pour éviter ce lien qu’on a remplacé tête par bonnet pour nommer le nœud.
Une autre piste est celle de l’auteur Alpheus Hyatt Verrill qui a écrit en 1919, en parlant du nœud : The same type of knot tightened at the end of a rope is called a Turk’s Cap (Le même type de nœud serré au bout d’une corde s’appelle un bonnet turc). Peut-être.
Il est mal nommé le bonnet turc, en français comme en anglais, parce qu’il porte trop de bagages et qu’il ne respecte pas les sensibilités de notre époque. Le bonnet turc existe depuis très longtemps : il fait partie de ces nœuds sacrés, les nœuds sans fin gravés sur des pierres et monuments. Il devrait certainement avoir un autre nom.
Image d’en-tête: Wenceslaus Hollar (1607–1677), Folger Shakespeare Library Digital Image Collection http://luna.folger.edu/luna/servlet/s/60xz99
Dessin de nœud: Verrill, Alpheus Hyatt. Knots, splices and rope work. Norman W. Henley Pub. Co., 1919.
La boule de Noël est de moi: un bonnet turc de 7 spires et 6 ganses à triple entrelacement à chevrons, communément appelé anana.
Photo de l’enseigne de pub: Gazamp
La gravure du jeu tête de turc est du domaine public.
Une réponse
Très intéressant et, comme d’habitude, très bien écrit!