Lectures d’été – Pessoa

J’ai échangé avec une amie un Schopenhauer contre un Pessoa. Un désespéré tonifiant contre un désespéré qu’on a envie d’achever. Je me suis fait avoir.

Le livre de l’intranquilité de Pessoa : journal d’un gars à qui le fait de ne jamais penser au sexe permet d’entrevoir le vide de l’existence. Bon, je n’ai lu qu’une quarantaine de pages du tome III, le reste est peut-être différent.

(Photo.) Comme c’est un exemplaire emprunté, je n’ose pas griffonner au crayon dans les marges ou souligner des passages. Alors, j’ai découpé mes post-it en minces lamelles pour les multiplier et je crains quand même d’en manquer. Me donner tant de mal pour un auteur si aboulique…

Réflexion personnellle. – Tout texte est une parenthèse qui demande à être fermée sous peine de s’écouler en une poutine informe. D’où ma prédilection pour les auteurs concis et mon agacement devant les effuseurs qui se plaisent à méandrer jusqu’à la dernière goutte d’encre. Je ne nomme personne.

« La métaphysique m’a toujours paru être un prolongement de la folie latente. Si nous connaissions la vérité, nous la verrions, et le reste n’est que système et fioritures. Si nous y réfléchissons, il nous suffit de constater l’incompréhensibilité de l’univers ; vouloir le comprendre, c’est être moins qu’un homme, car être homme, c’est savoir qu’on ne peut comprendre l’univers. » (Pessoa, Le livre de l’intranquilité – tome III, p. 238, Christian Bourgeois Éditeur, traduction de Françoise Laye.)

Malgré mes réserves et mon agacement, je trouve que Pessoa dit souvent des choses très justes, sinon intéressantes.

Ajout (9 juillet 2022)

Pessoa réalise l’illustration parfaite du solipsisme : « Je suis un ascète dans la religion de moi-même. » Il lui manque une fenêtre. Paradoxalement, il ne reste enfermé dans son petit moi que pour douter de son existence, réussissant l’exploit d’être un égocentrique sans égo. Les quelques mouvements lyriques qu’il s’autorise dans la description des paysages et de la lumière du ciel allument ici et là quelque espoir chez le lecteur. Autant de déceptions, l’horizon se rétrécit aussitôt à la mesure de Pessoa.

Pour ma part, je suis trop distrait, trop superficiel. Comparé à Pessoa, je suis un égocentrique peu conséquent qui s’amuse de tout ce qui passe devant mes yeux. Et comme moi, je ne passe pas et que je dure, il m’arrive de me trouver pénible au milieu du bariolage du monde.

Mais il faut être naïf pour lire les livres avec attention. Qui fait ça, sauf moi et quelques hurluberlus ?

Ajouts, suite à la lecture de l’édition intégrale de l’œuvre (14 mai 2023)

Quelques lignes tirées du Livre de l’intranquilité qui m’ont semblé illustrer mon point de vue. (Édition intégrale augmentée, même traductrice : Françoise Laye, même éditeur : Christian Bourgeois Éditeur, 1999).

Qui donc me sauvera d’exister ?
Je gis ma vie.
F.P. (1)

Autobiographie sans événements (2)

[…] et remarquons bien qu’il n’y a pas, chez Omar Khayyam, le moindre signe d’énergie, la moindre phrase d’amour (3).

[…] il monte de ces pages […] une impression désertique de monotonie (4).

  1. Exergue au Livre de l’Intranquilité.
  2. Sous-titre du Livre de l’Intranquilité.
  3. Fragm. no 446, p. 454 : on pourrait en dire autant de Pessoa…
  4. Fragm. no 442, p. 450 : Pessoa, à propos de son propre livre.

Photo couverture, Pessoa dans une rue de la « Baixa » à Lisbonne, document José Fabião. La photo a été modifiée pour l’image au sommaire du blogue.

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