Les dits de ma voisine

Premier d’une série de billets réunissant les confidences non sollicitées de ma voisine. Ceux marqués d’un astérisque* ont déjà paru dans le recueil Grève des anges.

Voir aussi la page consacrée à ce titre dans le blogue.


Poire

Quand on parle de couper la poire en deux, me dit-elle, je me sens toujours visée.


Plongée (1)*

L’eau accueille et rejette ; elle ne s’oppose pas à notre intrusion dans sa substance et, en même temps, elle nous refuse – grâce à quoi plonger et flotter sont possibles. Son étreinte est glacée – il faut se jeter dans ses bras résolument – et douce : elle s’enroule autour de moi dans une caresse continue et totale.


Compétition

Quand je suis avec une amie, me dit-elle, il y en a toujours une qui est la plus belle et ce n’est pas toujours moi. 

(Parfois, trouver quelque chose à répondre aux confidences de ma voisine oblige à de grands efforts.)


Photons*

La nuit, les photons émis par des étoiles situées à des centaines ou des milliers d’années-lumière entrent par mes pupilles. Ils meurent sur ma rétine, après un interminable voyage en ligne droite à travers le vide, pour produire, au fond de mes yeux, une étincelle tremblotante que je prends pour l’image de leur astre d’origine.

Drôle de destin que celui de ces photons.


Vastitudes*

Je prends toujours mon bain dans une eau mousseuse, dit-elle. Assise dans une baignoire remplie d’une eau plate, si je puis dire, mon regard est immanquablement attiré, à travers la masse translucide, par la blancheur de l’émail et ses vastités glacées. Il s’ensuit des méditations désolées qui rendent la baignoire inhabitable.

Sauf à convaincre le propriétaire de faire émailler ma baignoire en rose, je ne vois pas d’autre solution que d’user et abuser de la mousse de bain.


Rondeurs*

Quand je croise les mains derrière mon dos, elles reposent chacune sur les rondeurs de mes fesses, ce qui me permet d’apprécier ce que les autres apprécient en elles. Quand je croise les bras sous ma poitrine, ils se trouvent à soupeser et soutenir mes seins dont le poids et la fermeté me plaisent, à moi ainsi qu’à d’autres.

Ce sont de petites expériences quotidiennes qui adoucissent la vie. J’ai toujours quelque chose sous la main ou sur les bras pour m’occuper et me rassurer.

Et quand, d’aventure, je porte mes mains à mon crâne, force m’est de constater que j’ai la tête dure.


Plongées (2)*

Depuis mon logement du septième, il faut baisser les yeux pour voir s’envoler les oiseaux. Étrange changement de perspective ; ils ne s’élèvent pas, ils tombent sous mes fenêtres, plongeant d’un balcon de l’immeuble ou des corniches des constructions voisines ; jamais je ne les surprends dans l’effort de s’arracher du sol. Du coup, leurs manœuvres dans l’air me semblent une longue suite de glissades aisées.

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