Le mirage des apparences

Quand on se colle aux apparences
Qu'on en fait sa pitance
Qu'on ne croit qu'à ce qui se fait voir
En superficie
Ça occulte la vraie vie

Mais ça c'est pas notre terroir
Ni non plus notre territoire

On préfère
Les affaires lisses
Les gens aussi
Tout ce qui nous glisse
Sur le pourtour
Qui ne joue pas des tours
À notre blanche petite tour
Aimablement propice
À nous maintenir
Confortablement assis
Faut pas que ça interfère Avec ce qui nous fait tenir Bien en laisse Nos propres faiblesses

Instantanéité

Consumer sa mort
On voudrait qu'elle soit dehors
Évacués, les désirs d'immortalité
On brûlerait vif pour l'instantanéité

Enflammées les folles vacuités
Ce qui se croit habilité
À nous donner notre accréditation
On ne cherche pas plus loin
On a écouté notre plus grand besoin
Et on s'est trouvé une justification
Tout est ok, on peut aller en société
Pas besoin d'autres considérations
Le compte est bon

On peut arrêter de compter
Ce flux d'années toutes alignées
Pas nécessaire de se connaître
On a trouvé notre raison d'être
C'est suffisant pour suivre le fil
Une existence dans la balance
De ce qui va se terminer, faut-il
Sans qu'on ait à donner notre permission
Du moins c'est notre impression
De nos jours on ne cherche plus le sens
Aveuglé par les feux des artifices On s'est jeté sans malice Dans le tourbillon du spectacle ambiant Pour participer à la mêlée Un rôle dans le jeu valorisant Pour faire croire qu'on est vivant
On ne sait même pas qu'on avait une mission Une qualité toute naturelle On a oublié qu'on avait cet appel À se réaliser en tant que réceptacle manifesté
De la constance d'éternité

Demande interdite

Tous les humains ont des demandes
C'est normal pour la majorité
Que certaines leur soient accordées
Mais y en a qui sont à l'amende
C'est trop cette croyance
Que c'est aussi pour toi
À bas tes espérances
T'es effronté même d'y penser
Arrête d'y croire et tais-toi

Tais-toi dans la tristesse
Tais-toi lorsque tu meurs en-dedans
Tais-toi pour éteindre tes souhaits
Tais-toi pis arrime-toi solide
Pour vivre en toute politesse
Même si ton âme est en détresse
Devant l'iniquité des gens
Beau niais

Tais-toi quand les autres s'expriment
Comprends bien pour que ça s'imprime
Que pour toi le silence prime
Sur les élans qui t'animent

Tais-toi quand le restant du monde fait entendre sa voix
Tais-toi quand ton coeur tremble jusqu'au trépas
De ton désir de vivre
Tais-toi lorsqu'autour de toi
S'élèvent des réponses arides
À tes timides appels aux côtés magnanimes
De tes homonymes
Pas de traitement æquanime
Pour les anonymes
Faut survivre
L'heureusité tu mimes

Voués à rester dans l'abîme
De leur seul mutisme
Dû comme une dime
À leur indigence unanime
Englués dans un inéluctable altruisme
Obligés de se cacher sous un pseudonyme
Pour simplement croiser
Ces bonnes personnes
Auxquelles tout résonne
Celles qui sont dans leur bon droit
D'exister

Défaite sublime
D'une tentative même minime
Qu'un filet infime
De toi, de ta voie
Soit entendu
Sans être jugé superflu
Par les donneurs de leçon
Qui disent que c'est ta décision
D'abaisser le son
De ton diapason

Tu parles d'un choix

Tais-toi

Jour fermé

Même s'il fait si beau dehors
Le repli mord
Impossible de sortir
Trop rivée à l'habitude
Perte d'amplitude
La journée est passée
Déjà le soleil décline
Il fait pénombre
Les ombres
Ne m'ont pas quittée
Demain sera mieux
Aujourd'hui est maintenant vieux
Un autre jour s'imagine
Occasion de désir

Terre nourricière

Francisco de Goya Enfants cueillant des fruits
Joyeux anniversaire
Aux légers locataires
De ma vierge terre
Les fruits de mon verger
Offerts pour vous alimenter
Donnent vitalité à vos jeunes ans
Je vous nourris avec contentement

Poème inspiré de cette oeuvre de Francisco de Goya