Comme l’a si bien souligné, Rosine Des Chênes, dans son livre intitulé Moi, j’apprends en jouant (2006) : « Tous les jeux, qu’ils soient moteurs, techniques, créatifs, sensoriels ou scientifiques, ont aussi leur rôle à jouer dans l’élaboration d’une personnalité forte. L’enfant y projette son présent et ses désirs. Il y exerce ses capacités affectives et émotives comme il s’entraine dans toutes les autres habiletés. »
Grâce au jeu, l’enfant découvre et affine son tempérament. À travers ses actions spontanées, l’enfant décèle ce qui lui procure des satisfactions, ce qui l’effraie et ce qui le rebute. Ses essais et erreurs lui révèlent les expériences où il se sent le plus compétent : énergie motrice, concentration, goût de la lecture ou passion de dessiner se manifestent instinctivement à l’enfant, qui reproduit ce qui lui procure le plus grand de plaisir.
Grâce au jeu, l’enfant apprivoise le monde subtil des émotions. En effet, principalement au moyen des jeux symboliques, l’enfant ressent, puis exprime diverses émotions. Il le fait d’abord inconsciemment, puis avec de plus en plus de contrôle. Les premiers pas de la maitrise des émotions consistent à les exprimer à travers les personnages et les scénarios des jeux de rôle.
Le jeu permet à l’enfant de construire sa personnalité. D’une part, parce qu’il choisit librement ses ateliers, il découvre puis exerce ses talents et ses aptitudes, le sel de la personnalité naissante. D’autre part, les défis inhérents au matériel, l’espace à partager et la présence des autres enfants incitent l’enfant à persévérer, à reconnaitre ses limites, à surmonter des difficultés, ce qui forge sa capacité de s’adapter à l’environnement.
Dans le jeu, l’enfant vit à temps plein et rencontre les autres. Il est aux commandes de ses actions, prend des décisions et suit son intuition spontanément. Quand il joue, il est maitre de ses actes et de ses pensées en plein éveil. Pendant qu’il apprend à s’adapter à son environnement, le jeu lui donne l’occasion de le maitriser à son tour.
Par le jeu, l’enfant apprivoise également sa connaissance de lui-même. Il clame son nom, puis s’exerce au « je veux », « je suis capable », « j’aime », « moi », « le mien » …à pleine voix. Il affirme son identité sexuelle dans les jeux symboliques et compare son âge avec les autres. Toutes ces situations forgent la base de son sentiment d’identité, indispensable à l’estime de soi (Des Chênes, 2006).
Pour ma part, le jeu est une force naturelle qui permet à l’enfant de satisfaire son besoin d’activité motrice et d’énergie physique. Outre cette dépense d’énergie, il lui permet également d’affiner sa motricité fine, en se déliant les doigts, de satisfaire différents besoins affectifs et de développer son intelligence, qui servira de base à des activités d’imagination et de création.
Le Dr Winnicott a, de son côté, observé les fonctions du jeu sous une lumière tout à fait originale. Dans son essai, Jeu et réalité, il explique que le jeu de l’enfant, en particulier, le jeu symbolique, est ce qui permet à l’être humain de passer du principe de plaisir, indispensable à la survie du petit d’homme, à l’acceptation de la réalité sociale, indispensable, elle, à l’adaptation au groupe social.
Le jeu, c’est l’étape obligée entre la symbiose primitive avec la mère et l’appartenance à la grande famille humaine. Le Dr Winnicott a su montrer l’importance de cette fonction du jeu, aussi essentielle que subtile. Par l’objet transitionnel d’abord, qui lui apporte le réconfort de la présence symbolique de la mère, puis par ses jeux imaginaires, l’enfant transforme son attachement passionnel primitif en intérêt pour des objets satisfaisant sa curiosité et sa soif d’apprendre. En même temps, le jeu symbolique l’aide à trouver sa place dans le monde et à assumer sa solitude. En effet, dans l’imaginaire, tout est possible, même retrouver, selon ses besoins, la présence perdue. Tout cela donne une existence propre aux pensées. L’être en devenir s’intéresse peu à peu aux jeux sociaux et aux activités culturelles qui, cette fois, l’aident à appartenir à son groupe.
Le jeu est aussi l’espace qui rapproche les désirs inaccessibles des projets réalisables ; parcours indispensable pour franchir la distance qui sépare le principe de plaisir du principe de réalité. C’est une tâche très difficile pour l’enfant que d’accéder au principe de réalité. Imbu du plaisir qui génère son appétit de vivre, qui lui donne la force de crier quand il a faim autant que d’exprimer son contentement, le bébé commence sa vie sociale sur le principe du plaisir absolu. Puis, alors que le plaisir l’a aidé à se garder en vie et à établir ses premiers contacts significatifs, il lui faut très vite se plier aux caprices de la réalité. Attendre, refréner ses gestes impulsifs, faire ses besoins sur le pot… font partie des exigences des adultes. C’est une épreuve terrible que l’enfant peut surmonter grâce au jeu symbolique, où il revit et transforme ces situations si difficiles à assumer.
Enfin, je partage l’avis des gens qui croient et disent que le jeu est important pour l’enfant. À mon humble avis et en fonction de tout ce qui précède (tiré du livre Moi, j’apprends en jouant), quand un enfant joue, il utilise un outil par excellence dont la nature l’a doté pour apprendre et s’adapter. Il est même loin d’être suffisant de considérer cet instrument (le jeu) comme important, car il constitue surtout une force naturelle qui permet à l’enfant de s’adapter à son environnement tout en exerçant du pouvoir dessus, bien évidemment, en quête de son autonomie !
Bytchello Prévil, écrivain spécialisé dans l’éducation de la petite enfance et titulaire d’une prestigieuse bourse d’excellence scolaire en administration des services à l’enfance
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