Presque toute ma vie adulte, j’ai dû composer avec un problème de manque d’eau.
À la ferme, nous avions un puits de surface de 36 pouces de diamètre par 5 tuiles de profondeur, soit environ 18 pieds. Même dans les meilleures saisons (rares), quand la pluie était suffisante pour maintenir le niveau d’eau, c’était bien peu pour les besoins de la maisonnée, la basse-cour, et la production maraîchère.
Par temps de sécheresse, ou même si le sol était gelé et empêchait l’eau de s’infiltrer, le puits pouvait se vider.
Parce que la gestion de l’eau était critique, son niveau était surveillé de près. Avant d’arriver à en manquer, il y avait toute une hiérarchie de besoins en eau qui étaient restreints ou coupés : lavage proscrit (donc voyages à la buanderie), douches minutées, etc. Surtout, surtout, pas de gaspillage! Faire couler l’eau en se brossant les dents, jamais de la vie.
Même avec toutes les restrictions en place il arrivait régulièrement que le puits soit vide. Pas d’eau. Difficile.
À un certain moment nous avions fait creuser – à grands frais – un 2e puits, celui-là foré, à une profondeur de 120 pieds. Tout en bas, pas d’eau. Mon père, qui avait construit la maison, nous a confié qu’il croyait nous avait légué son «Water Devil».
Maintenant nous habitons en bordure d’un village, juste un peu plus loin que le réseau d’eau municipal. Nous avons donc… un puits de surface. Il va sans dire qu’avec quatre adultes et deux ados dans la maison, le niveau d’eau dans le puits est suivi de près.
Tout cela pour dire que j’étais bien mal équipée pour une de ces blagues que nous lance la vie.
Trop d’eau! Tout d’un coup, trop d’eau. De l’eau qui s’infiltre comme un intrus dans la nuit, nous réveille brusquement et devient un cauchemar. L’eau qui arrive de partout, d’abord par petites flaques que nous pensions être en mesure de ramasser, puis de plus en plus, alors que les flaques s’élargissent sur le plancher pour devenir un fond marin. L’eau qui monte et monte dans la nuit, heure après heure, malgré tous nos efforts, le Shop Vac à plein régime, les voyages de chaudières pleines vidées sans cesse.
Nous avons réussi malgré tout à «sauver les meubles». L’inondation a été maintenue à environ 1 pouce.
Ce qui me surprend donc, c’est à quel point j’ai été ébranlée par l’expérience. Un foyer, après tout, est censé nous protéger des éléments. Mais l’eau, notre amie et notre ennemie, a fait fi des murs. L’image de l’étendue d’eau à la grandeur des chambres, de la cuisine et le salon, ne me quittera pas de sitôt.
Nous nous consolons en nous rappelant de toutes les façons que ça aurait pu être bien pire, et des moments plus légers : des craquelins Goldfish «noyés» (vous imaginez la scène?), les moments d’angoisse où la solidarité a pris le dessus, le jour qui est arrivé enfin…
Il y a beaucoup de boulot devant nous pour nettoyer les dégâts, et le temps fera sûrement son travail de guérison, on ne s’en doute pas. Bientôt, cette mésaventure deviendra un conte des jours passés. Nous en rirons.