Un Noël au Sahara

C’était à la fin des années 1970 dans l’oasis d’El Oued dans l’est de l’Algérie, et ce fut la  journée de Noël la plus bizarre, voire surréaliste, de ma vie.

J’en étais à ma deuxième année comme professeur de Mathématiques dans un Lycée algérien, Je vivais et enseignais alors à Aqbou, dans l’est de la Kabylie, la région berbère d’Algérie, au bord des montagnes du Djurdjura.

Cette année-là, le gouvernement algérien avait aussi recruté une grosse cohorte de nouveaux enseignants étrangers, surtout britanniques, pour assurer l’enseignement de l’anglais dans les lycées du pays.  Après une session de formation commune au début de l’année scolaire, quatre ou cinq de ces profs s’étaient retrouvés dans mon Lycée à Aqbou.

Pour profiter de nos assez longues vacances scolaires d’hiver (de la mi-décembre au début janvier) , certains de ces collègues anglais et moi avons décidé de partir ensemble pour faire une des randonnées classiques pour les coopérants,  enseignants ou touristes étrangers en Algérie, la « Grande boucle de l’Est ».

Nous sommes donc partis à quatre dans la Renault 5 que j’avais achetée en France :   Bob de Dover («That’s in  County Kent, ainnit, mate ? » ), avec qui je partageais un logement de fonction au Lycée,  Seàn l’Irlandais du Sud ,  et puis «Old Muggs» Richard Munnings, (old chap! ;-), un Anglais plus vieux que nous et assez excentrique qui avait enseigné plusieurs années au Kénya avant l’Algérie.

Cette grande Boucle orientale, au départ d’Aqbou, nous fit parcourir des centaines de kilomètres et découvrir plusieurs sites, villes et oasis du Sud-est algérien : les ruines romaines de Timgad, l’oasis de Biskra et sa grande palmeraie (et aussi site d’une ville romaine antique),  etc.

C’est ainsi que nous sommes arrivés le jour de Noël à l’oasis d’El Oued et nous sommes retrouvés  à 7 ou 8 dans un petit hôtel, dans la chambre d’un couple d’autres profs Anglais que mes collègues avaient rencontrés en début d’année. El Oued est une petite ville, surnommée la ville aux mille coupoles) qui s’étire, coincée entre une grande palmeraie et les très grosses dunes de la mer de sable l’Erg oriental.

Selon mes lointains souvenirs, nous n’avions trouvé aucun restaurant ouvert dans la ville ce jour-là.  Si bien (mal ?) que nous avons dû partager pour Noël un somptueux « festin» de pain, fromage et poisson en boîte, avec oranges et dattes pour dessert. Et pour célébrer /passer le temps, nous avons joué aux cartes (à la Dame de pique, ou Old Maid pour les Anglais), tout en bavardant et éclusant du Gros-rouge-qui-tache algérien – ou pire, du Silicto, l’infâme copie locale du Coca-Cola 8-,!
Et ce qu’on pouvait apercevoir depuis la fenêtre de la chambre en guise de décor de Noël?  Faute de neige ou de sapins, plutôt plusieurs grands palmiers-dattiers, et de très hautes dunes de sable orangé, à moins de cinquante mètres de l’hôtel. – Soirée de Noël «mémorable», vous dis-je !

Quand j’essaie de reconstituer la chronologie de cette époque lointaine de ma vie (il y a près de 50 ans, tout de même !), je me mêle parfois dans les années et les dates. (Mais pas avec les dattes : j’ai toujours gardé un penchant pour les succulentes dattes Deglet Nour *, produites dans ces oasis algériennes ! ;-,,)

Mais il me reste un repère historique indiscutable : ce n’est que deux jours après notre séjour à El Oued, le 27 décembre 1978, que mourut Houari Boumédiène, un des chefs de la Guerre d’indépendance algérienne (1962)  et premier président élu de l’Algérie indépendante.

Nous avions alors atteint la ville de Laghouat, à 400 km au sud d’Alger (la capitale), et nous étions descendus dans un fort agréable hôtel datant de l’époque coloniale française.
Sauf qu’à l’annonce du décès de Boumédiène, le gouvernement décréta un deuil national de sept jours, qui fut marqué entre autres par la diffusion en continu de versets du Coran psalmodiés par les muezzins, depuis les haut-parleurs de tous les minarets de toutes les mosquées importantes des villes du pays! Ce qui fit que nous n’avons pas pu dormir beaucoup pendant ce séjour à Laghouat, ni tout au long du voyage de retour au bercail à Aqbou.

Il me semble qu’à la suite, nos célébrations du Nouvel An 1979 furent plutôt calmes et assez tristes.
Et puis il y eut au long de ma dernière année en Algérie d’autres voyages de découverte, avec d’autres péripéties, cocasses ou plus dramatiques. Mais ça sera pour de prochaines billets !

  • Ah oui: Deglet Nour (دڨلة نور) , ça veut dire « Doigts de lumière » en arabe. Joli, non ?
    Et puis j’apprends en passant un nouveau mot: La culture du (palmier-)dattier est appelée phœniciculture !

Source des photos et liens: Wikipedia

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