Communication sur la communication

Je suis de la génération à laquelle on a tenté d’inculquer la religion de la communication comme panacée aux problèmes relationnels. Entre conjoints, entre parents et enfants, entre X, Y et même Z, rien ne devait résister à la communication. Les prêcheurs de l’évangile selon sainte Communion ne m’ont jamais convaincu. Je n’ai jamais été du nombre des convertis ou des disciples et je suis trop vieux pour m’inscrire au registre des néophytes.

En plus de ceux qu’elle aggrave ou ne résout pas en entier, la communication crée ses propres problèmes. Tout au culte de la communication, on néglige cet aspect des choses. D’ailleurs, on ne communique jamais autant que lorsque survient un problème.

L’erreur est sémantique. Ce que nous nommons communication n’en est pas.

Ils communiquent, dites-vous ? Non, ils négocient. Ce n’est pas du tout la même chose.

Prenez deux amoureux au tout début de leur idylle. Ils communiquent sans cesse, à qui mieux mieux. Par le regard, le toucher, le geste, la pensée, ils ne font que ça, communiquer. Et quand ils se parlent (parce qu’il faut bien parler (1)), l’essentiel passe par le regard, le toucher, le geste, la pensée, et non par les mots. Pourtant, ils communiquent à sans cesse, à flux tendu, ils dépensent toutes leurs énegies à communiquer.

(1) Notez que je n’ai pas dit « parce qu’il faut bien communiquer ».

Quelques mois plus tard, leur flamme ayant diminué d’intensité, ils commencent alors à communiquer, c’est-à-dire à vraiment communiquer, avec des mots. Et les malentendus surviennent. Parce que les mots sont aussi source de malentendus, on l’oublie trop souvent. La bulle éclatée, chacun retrouve son quant à soi et communique enfin, selon le sens que vous donnez à la chose. Ils communiquent, dites-vous ? Non, ils négocient. Ce n’est pas du tout la même chose.

Vraiment pas.

À confondre communication et négociation, on n’a pas seulement cédé à une erreur sémantique, on a multiplié les occasions d’aggraver les conflits et de les multiplier.

Avouez que plusieurs appels à la communication sonnent en réalité comme des ultimatums – « chéri, il faut qu’on se parle… » – ou des déclarations de guerre.

Les discours sur la communication reposent au fond sur des présupposés jamais exprimés et jamais discutés. Les choses ont été bien faites, les hommes et les femmes, les humains en général sont faits pour s’entendre.

La négociation n’est pas une chose mauvaise en soi. Mais à baptiser communication ce qui relève du marchandage ou de la négociation, on entretient bien des illusions. La communication, telle qu’on l’entend, est un jeu de pouvoir et annonce souvent l’enfer.

Les discours sur la communication reposent au fond sur des présupposés jamais exprimés et jamais discutés. Les choses ont été bien faites, les hommes et les femmes, les humains en général sont faits pour s’entendre. Avec un peu de bonne volonté, un brin de franche communication (comme si une telle chose existait !), et tous les problèmes se dissiperaient.

Les conflits, solubles dans la parole ?

En réalité, les choses ne sont ni bien ni mal faites. Elles sont, c’est tout, et la bonne entente automatique ou fondamentale ne fait pas partie du programme. Les hommes et les femmes, les humains en général, ne s’entendent pas. Et n’ont pas intérêt à toujours préciser les termes de leurs désaccords. Ni de leurs accords (des fois que ce seraient des désaccords passés inaperçus) !

C’est comme ça, on n’y peut rien. La Vie n’est ni bien ni mal faite. Elle est faite, c’est tout.

La paix repose souvent sur le refus de communiquer.

Une première version de ce texte a été publiée dans le blogue Blaour Dix, le 31 déc. 2016 (lien).

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