Note. – Les mots entre [crochets] sont transcrits phonétiquement. Il est donc inutile de me signaler mes [fôte] :
- En italique, à l’intérieur d’un mot : consonne ou voyelle faible, ou peu accentuée (atone) ;
- En gras : consonne ou voyelle forte, accentuée (tonique).
Que dire du e muet ?
En français, contrairement à ce que l’orthographe suggère, c’est souvent le masculin qui se signale par un e muet à la fin d’un mot. Il n’est pas écrit, mais il est prononcé.
Notre orthographe masque le phénomène, étant purement conventionnelle et en partie indépendante de la prononciation.
Un Martien frais débarqué sur Terre, contraint d’apprendre le français par oreille (en admettant que les Martiens aient des oreilles), conclurait vite que, dans notre langue, les formes féminines des noms et des adjectifs se concluent par une finale tonique, à rebours de leurs équivalentes masculines, lesquelles se contentent d’une finale atone.
Nous sommes devenus insensibles à ce phénomène quotidien. On nous dit que le féminin se caractérise par un e final muet et nous allons répétant cette ineptie comme une vérité évidente sans même penser à écouter.
Exemple : l’adjectif « vif », qui donne « vive » au féminin. On dira : Un homme [vif] et Une femme [vive].
Le « iv » de « vive » est émis de façon nettement tonique alors que le « if » de « vif » s’apparente à l’émission d’un dernier souffle.
Autre exemple : « fort » et « forte ». La forme masculine est atone. La forme féminine est tonifiée par l’obligation de rendre t final qui précède le e muet. En fait, on prononce « Un homme [fore] » et « Une femme [fort] ». C’est au masculin que, souvent, un e muet final se fait discrètement sentir. La disparition à l’oral du t au masculin oblige à terminer le mot par un r suivi d’une voyelle indistincte à peine prononcée et encore moins entendue.
Voyons « chanteur » et « chanteuse », prononcés [chanteur] et [chanteuze]. Prononcez ces deux mots à voix haute et constatez la différence de ton entre le « eu », piteux, de « chanteur » et celui, éclatant, de « chanteuse ».
(Petit aparté sur le mot « auteure ». – Création à la Frankenstein par ajout mécanique d’un e muet prononcé : on trébuche sur le r pour émettre un « euh » final superfétatoire pas très élégant : [oteu-reuh]. De ce point de vue, autrice est une nette amélioration, avouons-le(1). Il y aurait bien eu aussi « auteuse », sur le modèle de chanteur-chanteuse, mais, bon…)
Bref, la fonction du e muet est d’accentuer la consonne finale, occultée au masculin, pour lui conférer une présence plus énergique au féminin. Par le fait même, les voyelles qui précèdent les consonnes finales sont modifiées : le o de « fort » n’est pas celui de « forte ».
La langue française misogyne, vraiment ? Alors que l’exemple du couple « vif-vive » nous a montré que le féminin s’exprime et que le masculin s’expire…
(1). Ce texte a été rédigé avant que la forme autrice ne soit popularisée.
Analyse fort intéressante du e muet.
En lisant cet article bien mené – il m’est venu à l’esprit ce succès de l’auteur-compositeur-interprète Étienne Daho, paru sur l’album Révolution en 2003 et chanté ici en duo avec Charlotte Gainsbourg.
https://m.youtube.com/watch?v=Aqz79ticDfM&feature=youtu.be
Le if bien « qu’ils s’apparente à l’émission d’un dernier souffle » a tout de même inspiré une chanson 🎶 assez vive et fort sympa !!!
Correction: le if bien – qu’il ( sans le s) –