L’homme de Néanderthal, reconstitutions de G. Wandel tirées de l’ouvrage de E. Grahmann (version française, 1955, p. 119). Grahmann précise bien : « Les Néandertaliens avaient […] sans doute une intelligence satisfaisante et savaient s’en servir. » Merci de nous rassurer ! Il me semble pourtant que la minceur de son cuir chevelu devait causer des problèmes à notre pauvre bonhomme de Néanderthal. Est-ce que ça expliquerait sa calvitie ? Et, en retour, sa calvitie expliquerait-elle la morosité de sa physionomie ?
J’ai découvert la reconstitution de l’homme de Néanderthal qui chapeaute ce billet dans La Préhistoire de l’Humanité de R. Grahmann, ouvrage publié (version française) en 1955. Le profil et le trois-quarts sont basés sur des crânes différents : crâne de la Ferrassie à gauche (profil), celui de La Chapelle-aux-Saints à droite (trois-quarts). Grahmann a emprunté la reconstitution à un certain G. Wandel, sans précision de date pour le travail original.
© Cicero Moares. Reconstitution d’un homme de Néanderthal. Si profil et le trois-quarts se suivent dans un ordre différent, ce sont les mêmes poses, les mêmes points de vue, le même cadrage que dans la reconstitution de Wandel. On note, outre une pilosité plus généreuse, la mine plus éveillée du personnage (et l’expression moins patibulaire.)
Feuilletant un autre livre sur le même sujet, Last Ape Standing, de Chip Walter (2013), je tombe sur le même dessin ou presque, signé Cícero Moraes, mais plus jeune d’une soixantaine d’années. Entre les deux reconstitutions, les techniques ont changé, l’ordinateur est venu faciliter bien des choses et les conceptions sur l’homme de Néanderthal se sont modifiées.
L’orientation des têtes est identique sur les reconstitutions de Wandel et Moares. On ne peut s’empêcher de penser que ce dernier a voulu mettre au goût du jour un ouvrage datant d’une autre génération, montrer que l’homme de Néanderthal continue d’évoluer même de nos jours (vers la couleur et la pilosité, sans parler de l’intelligence, la physionomie du Néanderthalien de Moares étant animée par une lueur dans le regard qui annonce un esprit vif et amène).
Plus vraisemblablement, il pourrait s’agir d’une réminiscence inconsciente, tout à fait explicable si Moares tout comme moi entretient un goût pour les vieux livres.
Ou alors, c’est le hasard. Après tout, il n’y a pas cent façons de faire poser une tête, préhistorique ou pas.
Moares a basé sa reconstitution sur un seul crâne, différent de ceux utilisés par Wandel. Voir son site Internet, qui, soit dit en passant, vaut le détour et, même, qu’on s’y attarde.
Vieux livres
Quand on me demande pourquoi j’aime les vieux livres dépassés par l’évolution (sans jeu de mots) du savoir comme celui de Grahmann, je réponds que (grand A), il s’en trouve de très bien faits et que j’aurais tort de m’en priver et que (grand B) la lecture d’anciens ouvrages m’oblige à (petit a) « corriger » mentalement leur contenu, ce qui est un excellent exercice de mémorisation et de synthèse des connaissances acquises à des sources plus récentes ; que (petit b) ça me permet d’envisager les controverses scientifiques présentes avec un recul similaire à celui que j’ai à l’égard de celles du passé et, enfin (petit c), que ça me procure un délicieux quoique fallacieux sentiment de supériorité sur leurs auteurs.
Fallacieux, parce que j’ai beau savoir un tas de choses que ce Monsieur Grahmann ignorait et pour lesquelles il aurait payé cher (il ne connaissait ni Lucy ni l’homme de Denisova), le savoir de ce savant monsieur dépassait amplement le mien. Bref, ce monsieur était beaucoup plus savant que moi qui en sais plus long que lui tout en étant quand même le moins savant des deux (vous me suivez ?)
Moares et de Grahmann, montage comparatif de leur Néanderthalien.
Références
- R. Grahmann, La Préhistoire de l’Humanité : introduction à l’étude de l’évolution corporelle et culturelle de l’Homme, Payot, traduit de l’allemand par L. Lamorlette, 1955, 336 p.
- Chip Walter, Last Ape Standing: The Seven-Million-Year- Story of How and Why We Survived, Walker & Company, New York, 2013, 222 p.
Cro-Magnon est dans nos murs
Je m’en voudrais de vous quitter sans vous parler de notre préhistoire locale et de l’homme de Cro-Magnon hullois. Il est emmuré dans un mur (of course) de soutènement du boulevard Maisonneuve, à Hull (nom préhistorique de la ville de Gatineau), Québec.
Image de gauche : Cro-Magnon, Wikiki. Photos : votre serviteur, boul. Maisonneuve, Gatineau (Québec), nov. 2011.
Mais c’est une découverte extraordinaire, le Cro-Magnon hullois! Je suggère de le nommer Tro-Mignon Lessardus, en ton honneur.
Merci, c’est trop d’honneur. Je vais devenir rouge (brique) de confusion !