Rassembler en musiques et chansons

Avant que le dépanneur Sylvestre ne soit crée, il y avait déjà un réseau informel d’entraide.

Après quelques années d’existence de ce réseau, nous avions identifié que malgré toute notre bonne volonté, cette forme d’entraide ne suffisait pas à sortir les personnes de leur isolement social. Afin de faire évoluer la relation aidant-aidé vers une forme d’inclusion plus collective, nous avions alors initié des rencontres mensuelles dans laquelle chaque personne pouvait échanger avec d’autres et retisser des liens.

Sauf que les personnes aidées provenaient de groupes d’âges et d’horizons très différents, ce qui ne facilitait pas les contacts naturels entre elles.

Nous avions alors découvert que pour réunir des personnes qui n’ont pas nécessairement d’affinités entre elles, il y avait deux activités “universelles” qui favorisaient une certaine adhérence collective : Manger ensemble, …et chanter ensemble!

Ces rencontres mensuelles “manger et chanter ensemble” ont d’une certaine façon constitué les prémices de ce qui allait devenir le dépanneur Sylvestre.

On peut dire que par la suite le “manger ensemble” est devenu le moteur de rassemblement collectif dans les premières années du dépanneur. Qu’il s’agisse du “repas du travailleur” à midi, des diverses formules de souper durant la semaine, familial, de solidarité, du vendredi soir ou en alimentation vivante le lundi, ou enfin des brunchs hebdomadaires, ce sont sans doute avant tout ces partages autour d’une table commune qui ont véritablement rassemblé les volontaires en vue d’une même mission.

Et très vite, le “chanter ensemble” s’est tout naturellement imposé, à l’initiative de quelques fidèles enthousiastes (lesquels se reconnaîtront autour du piano) qui ont animé cette activité tous les vendredis soirs.

Les toutes premières soirées de “Chantons ensemble” au dépanneur Sylvestre

Par la suite l’espace de la grande salle est devenu un lieu privilégié pour prestations de musiciens et rencontres informelles d’improvisation musicale. L’âme du dep a certainement grandement bénéficié de tous ces chants et musiques, merci à toutes celles et ceux qui ont fait vibrer de leurs harmonies sonores les murs du dépanneur Sylvestre, et qui le font encore à nouveau à l’Espace DEP Sylvestre!

Quelques présences musicales, parmi une foules d’autres qui ont suivi par la suite, spontanément offertes au tout début du dépanneur Sylvestre

Illustrations produites en 2004 dans le cadre d’un partenariat avec Parole citoyenne et L’Office national du film.

“Banjo”, c’est quoi ton nom?

C’était dans les débuts du dépanneur Sylvestre.

Nous venions d’ouvrir la grande salle, et nous avions commencé à offrir des repas à contribution libre. Le mot s’était répandu assez rapidement. Un itinérant d’Ottawa, qui était déjà venu une fois, était revenu en amenant avec lui quelques compagnons de la rue.

Parmi eux, il y en avait un qui ne savait trop où se mettre. Visiblement timide, peut-être mal à l’aise, il était unilingue anglophone, et les autres autour de lui s’exprimaient en français.

Aussi il faisait gris et sombre, et pour tout dire, c’était une période difficile. nous en arrachions. La vente des produits de dépanneur était nettement insuffisante pour s’en sortir.

Toujours est-il qu’après un temps le groupe d’Ottawa a demandé à cet homme, qui ne savait toujours pas quoi faire de lui, de jouer. Après s’être fait prié à plusieurs reprises, il a fini par sortir son banjo. Il s’est assis, et sans nous adresser un seul regard ni un mot, il a commencé à jouer, comme s’il était tout seul au monde.

Et c’est là qu’un petit miracle s’est produit. L’atmosphère maussade a subitement été traversée d’une rivière de notes claires et enjouées, une lumière chaleureuse a fait irruption dans la salle.

Nous étions “de retour chez nous”, je veux dire non pas en découragement et en exil de notre raison d’être, mais bien dans cette fête des retrouvailles dans laquelle tout devient possible. C’est inexplicable, c’est comme si quelqu’un venait de nous sauver la vie.

“Banjo”, merci pour l’offrande joyeuse de tes doigts sur les cordes de ton instrument. Notre rencontre n’a duré que quelques portées de musique, mais je ne t’oublierai jamais. Et si un jour, tu te reconnais dans ce petit dessin-hommage, dis-moi ton nom pour que je puisses l’inscrire dans mon cœur à côté du surnom que je t’ai attribué!